Club World Cup qualification debate GFXGetty/GOAL

Coupe du Monde des clubs : Pourquoi le futur vainqueur ne sera pas (vraiment) le meilleur club du monde !

En avril dernier, depuis la tribune du Rose Bowl Stadium de Pasadena, le président de la FIFA, Gianni Infantino, n'a pas manqué de vanter la nature prétendument "véritablement globale" de la nouvelle Coupe du Monde des Clubs 2025. Il a ainsi souligné que ce tournoi élargi, dont le coup d'envoi sera donné ce samedi [14 juin] à Miami et sera diffusée dans son intégralité sur DAZN, réunira 32 clubs issus de 20 nations et des six confédérations continentales, et que "leurs joueurs proviennent de 86 pays différents". Une belle vitrine, en somme.

Cependant, Gianni Infantino a également affirmé avec emphase que cette Coupe du Monde des Clubs allait, « pour la toute première fois de l'histoire », déterminer de manière incontestable quelle est la meilleure équipe de la planète.

Mais est-ce vraiment le cas ? Cette nouvelle formule élargie de la Coupe du Monde des Clubs réunit-elle réellement, en toute objectivité, les équipes les plus fortes du football mondial à l'heure actuelle ? On peut légitimement en douter, car il semble bien que plusieurs absents de marque et particulièrement notables manquent à l'appel. Et pas seulement parmi les clubs européens...

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    Le casse-tête de la qualification

    Établir un processus de qualification pour ce nouveau tournoi mondial a toujours relevé du véritable casse-tête pour la FIFA. Le football est certes, par essence, un sport mondial, mais les inégalités financières croissantes et abyssales entre les continents l'ont rendu, au fil des dernières années, de plus en plus "euro-centré". La FIFA se trouvait donc face à un dilemme quasi insoluble : comment assurer une représentation adéquate et équitable de chaque fédération continentale, tout en garantissant, pour des raisons commerciales et médiatiques évidentes, la participation des clubs et des joueurs les plus célèbres et les plus attractifs de la planète (c'est-à-dire, pour la grande majorité d'entre eux, ceux qui sont basés en Europe) ?

    Le principe de base qui a finalement été retenu fut donc d'inviter tous les vainqueurs des compétitions de clubs majeures de chaque confédération, sur la période allant de 2021 à 2024. À cela, la FIFA a également ajouté des places supplémentaires, distribuées en fonction des performances et basées sur la force respective et le classement de chaque confédération au cours de cette même période. On se retrouve donc, au final, avec la répartition suivante pour ce premier tournoi à 32 équipes : un représentant pour l'OFC (Océanie), quatre pour la CAF (Afrique), la CONCACAF (Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes) et l'AFC (Asie), six pour la CONMEBOL (Amérique du Sud) et enfin, douze places pour les clubs de l'UEFA (Europe).

    Malheureusement, et c'est précisément là que le bât blesse et que les critiques se sont concentrées, ce processus de "qualification" pour le moins alambiqué et pas toujours très lisible a abouti à la fois à des inclusions pour le moins surprenantes, et surtout, à des omissions particulièrement flagrantes et préjudiciables pour la crédibilité sportive même du tournoi.

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  • Al Ahli v Kawasaki Frontale: AFC Champions League Elite FinalGetty Images Sport

    Un Mondial des Clubs sans les lauréats actuels

    S'il paraît logique sur le papier de vouloir reconnaître les triomphes continentaux obtenus au cours d'un cycle de quatre années précédant le tournoi, on ne peut s'empêcher d'avoir le sentiment indéniable que ce processus de qualification remonte bien trop loin dans le temps pour être réellement pertinent et représentatif de la forme actuelle des équipes. Par exemple, le club mexicain de Monterrey n'a plus soulevé le moindre trophée, de quelque nature que ce soit, depuis sa victoire en CONCACAF Champions Cup en... 2021 ! Et cette saison, il n'a même pas réussi à se qualifier pour les quarts de finale des play-offs de son propre championnat, la Liga MX. Leur présence est donc discutable.

    L'histoire est d'ailleurs assez similaire pour le club marocain du Wydad AC, qui a remporté la prestigieuse Ligue des Champions de la CAF en 2022 et qui a même failli conserver son titre douze mois plus tard en atteignant de nouveau la finale. Cependant, cette saison, le Wydad n'est même pas parvenu à se qualifier pour la phase finale de la compétition continentale africaine, qui a finalement été remportée par le club égyptien de Pyramids. Et cela nous amène à un autre problème majeur, et sans doute encore plus préjudiciable pour la crédibilité sportive de ce Mondial des Clubs.

    Pas un seul des champions continentaux en titre de la CAF (Pyramids), de la CONCACAF (le club mexicain de Cruz Azul) ou de l'AFC (le club saoudien d'Al-Ahli) ne participera à cette Coupe du Monde des Clubs 2025. Un fait pour le moins étonnant qui sape et discrédite considérablement la récente affirmation de Gianni Infantino selon laquelle les "32 meilleures équipes du monde" viennent tout juste d'arriver aux États-Unis pour se disputer le titre suprême. La réalité est bien différente.

  • FC Barcelona v Villarreal CF - La Liga EA SportsGetty Images Sport

    Où sont les champions ? Les grands absents européens

    En ce qui concerne le contingent des équipes européennes, il est tout simplement impossible de contourner cette évidence : l'UEFA n'est absolument pas représentée par ses 12 meilleures équipes du moment. Ni même par quelque chose qui s'en approcherait de près. Heureusement, les deux récents finalistes de la Ligue des Champions, le Paris Saint-Germain et l'Inter Milan, seront bien présents lors de cette Coupe du Monde des Clubs, qualifiés notamment grâce à leur bon classement au coefficient UEFA. Cependant, les champions en titre d'Italie, du Portugal, d'Espagne et d'Angleterre, eux, brilleront tous, et de manière pour le moins flagrante et préjudiciable, par leur absence.

    Après tout, le club de Naples vient tout juste de remporter son deuxième titre de champion de Serie A en l'espace de seulement trois saisons. Le Sporting CP, de son côté, célèbre actuellement son deuxième sacre consécutif en Liga portugaise. Et que dire du brillantissime FC Barcelone de l'entraîneur allemand Hansi Flick ? Les Catalans ont non seulement battu leur grand rival du Real Madrid à quatre reprises cette saison, mais ils ont surtout remporté un magnifique triplé national en s'adjugeant la Supercoupe d'Espagne, la Coupe du Roi et le titre en Liga. Autant de champions nationaux qui ne seront pas de la fête aux États-Unis.

  • FBL-ENG-PR-LIVERPOOL-CRYSTAL PALACEAFP

    Liverpool absent, Salzbourg présent : l'absurdité des règles de qualification

    Le cas de Liverpool est peut-être le plus emblématique de tous. Le club de la Mersey a en effet survolé la Premier League cette saison pour remporter le titre de champion d'Angleterre. Il était par ailleurs classé au huitième rang européen à l'indice UEFA au moment où les places qualificatives pour ce Mondial des Clubs ont été distribuées (les Reds sont même depuis remontés au quatrième rang, derrière seulement le Real Madrid, Manchester City et le Bayern Munich). Et pourtant, ils ne sont pas là. La décision de la FIFA de limiter la participation à deux clubs par pays (à l'exception des "clubs champions" continentaux si plus de deux clubs d'une même nation avaient remporté la compétition phare de leur confédération) a en effet signifié l'exclusion pure et simple des Merseysiders de la compétition.

    Pendant ce temps, et c'est là toute l'ironie, le club de Chelsea s'est lui bien qualifié, mais grâce à son triomphe en Ligue des Champions qui remonte à... 2021 ! Et ce, même s'il ne reste aujourd'hui plus qu'un seul et unique joueur de cette glorieuse épopée (le capitaine Reece James) au sein de l'effectif actuel des Blues, et même si le club londonien n'a pas disputé la C1 depuis deux ans. Une qualification qui semble totalement anachronique.

    La limite de deux équipes par nation européenne n'a d'ailleurs pas seulement eu pour conséquence d'écarter de la compétition des clubs du calibre de Liverpool, du FC Barcelone ou de Naples, tous champions nationaux récents ou en titre. Elle a aussi, par un effet de vases communicants, mené à l'inclusion pour le moins surprenante du club autrichien du Red Bull Salzbourg. Une équipe qui, il faut le souligner, n'est même pas actuellement la meilleure de son propre pays, et encore moins l'une des 12 meilleures formations d'Europe. Pour preuve, Salzbourg ne pointe qu'à une très modeste 44ème place au dernier classement des clubs de l'UEFA ! Une présence qui interroge sur la crédibilité sportive d'un tournoi censé réunir "l'élite mondiale".

  • FBL-MLS-USA-MIAMI-COLUMBUSAFP

    Le facteur Messi

    La FIFA, de son côté, allait de toute façon choisir un club pour représenter le pays hôte, les États-Unis. Mais l'on s'attendait logiquement à ce que cet honneur revienne au vainqueur de la MLS Cup 2024 (le champion des play-offs), ce qui aurait été en accord avec les critères sportifs utilisés pour déterminer les autres qualifiés à travers le monde. Cependant, les organisateurs ont finalement décidé d'attribuer la place à l'Inter Miami, au titre de leur victoire dans le "Supporters' Shield" – un trophée qui récompense la meilleure équipe de la saison régulière en MLS. Une décision prise avant même que les play-offs n'aient commencé...

    Cette décision a été très largement perçue à l'époque comme une tentative, à peine masquée, de garantir à tout prix la participation de l'icône mondiale Lionel Messi au tournoi. Une croyance qui a d'ailleurs été renforcée depuis par le fait que Gianni Infantino lui-même avait émis l'idée qu'un des participants à cette Coupe du Monde des Clubs pourrait tenter de signer Cristiano Ronaldo juste avant le début de la compétition, montrant ainsi son désir d'avoir les plus grandes stars présentes, coûte que coûte. Le président de la FIFA a d'ailleurs argué que l'Inter Miami était un « participant tout à fait méritant » et qu'ils avaient déjà prouvé être « le meilleur club sur le terrain de jeu ».

    Pourtant, c'est bien le LA Galaxy qui a finalement soulevé la MLS Cup le 7 décembre dernier, soit près d'un mois exactement après que Lionel Messi et ses coéquipiers de l'Inter Miami se soient fait piteusement éliminer dès le premier tour de ces mêmes play-offs. Un dénouement sportif qui n'a fait que rendre l'invitation de l'Inter Miami à ce tournoi encore plus discutable et sujette à caution sur le plan de l'équité sportive.

  •  President of FIFA Gianni Infantino speaks next to the trophy during the 2025 FIFA Club World Cup Draw ceremony Getty Images

    L'équilibre impossible entre qualité et égalité

    Il faut cependant reconnaître que trouver l'équilibre parfait entre la qualité sportive pure et une forme d'égalité de représentation était une tâche quasi impossible pour la FIFA. L'instance mondiale devait en effet trouver un moyen de cocher toutes les cases, à la fois en termes de représentation globale de toutes les confédérations, et en termes d'attrait commercial et médiatique pour le grand public. Par conséquent, on peut comprendre pourquoi son président, Gianni Infantino, a mis les bouchées doubles et a tout fait pour susciter l'intérêt et créer de l'engouement autour de cette nouvelle compétition. L'ouverture anticipée du mercato estival a d'ailleurs certainement aidé en ce sens, étant donné qu'un certain nombre de joueurs de premier plan, tels que Trent Alexander-Arnold (au Real Madrid) et Tijjani Reijnders (à la Juventus), s'apprêtent désormais à faire leurs grands débuts officiels avec leurs nouveaux clubs respectifs sur les pelouses américaines.

    Il faut également admettre que ce tournoi pourrait se révéler particulièrement intrigant par sa nature même, étant donné la grande variété des participants, des cultures et des styles de football qui seront représentés. Au minimum, il est fort probable que la compétition éveille une certaine curiosité chez le fan de football moyen. Ce dernier est d'ailleurs parfaitement conscient que la meilleure équipe d'Europe sur le papier ne remporte pas toujours la Ligue des Champions, par exemple. Le charme des compétitions de coupe réside aussi dans leur imprévisibilité.

    Cependant, et c'est là que le bât blesse, Gianni Infantino ne rend vraiment pas service à sa propre Coupe du Monde des Clubs lorsqu'il affirme, avec autant d'aplomb, que la FIFA a réussi à rassembler les 32 meilleures équipes de la planète à l'heure actuelle. Une telle déclaration est tout simplement indéfendable et fausse. Pas quand le Liverpool de Mohamed Salah, champion d'Angleterre en titre, et le FC Barcelone de Lamine Yamal, auteur d'un magnifique doublé national en Espagne, sont tous les deux tranquillement restés à la maison à regarder le tournoi à la télévision. La crédibilité sportive du titre de "meilleur club du monde" en prend forcément un sacré coup.

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