CAN 1996 Afrique du Sud Nelson MandelaGetty Images

Politique et polémiques : la victoire de l'Afrique du Sud à la CAN 1996

Du 9 janvier au 6 février, le Cameroun accueillera la 33e édition de la Coupe d'Afrique des nations. Avant ce premier grand rendez-vous sportif de la saison, retour sur la CAN 1996, une épreuve qui a donné naissance à de nombreuses polémiques.

La CAN déménage du Kenya en Afrique du Sud

Si cette CAN 1996 s'est déroulée en Afrique du Sud (du 19 janvier au 3 février), c'est parce que la Confédération Africaine de football (CAF) a décidé d'en retirer l'organisation au Kenya en décembre 1994. La CAF reprochait au gouvernement kenyan de tarder à débloquer des fonds pour améliorer les stades et les infrastructures.

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Il faut dire que pour la première fois dans son histoire, la CAN devait se disputer avec seize équipes au lieu de douze, ce qui compliqua la tâche du Kenya.

Objectif Mondial 2006 pour l'Afrique du Sud

Mais cette décision de remplacer le Kenya par l'Afrique du Sud pour des raisons financières était également motivée par des raisons politiques. Avec la fin de l'Apartheid en 1992, l'Afrique du Sud pouvait de nouveau participer à des compétitions internationales. C'est d'ailleurs la première fois que l'Afrique du Sud participe à la CAN puisqu'elle avait échoué lors des éliminatoires de l'édition 1994.

En désignant l'Afrique du Sud, Issa Hayatou, le président de la CAF qui ne cachait son intention d'être élu président de la FIFA en 1998, envoyait un message fort à ses adversaires.

De son côté, avec cette CAN, l'Afrique du Sud espèrait convaincre la FIFA qu'elle pourrait organiser le Mondial en 2006. « Notre objectif est de gagner la Coupe d'Afrique des nations et de la gérer de manière professionnelle afin de montrer que nous avons la capacité d'organiser la Coupe du monde en 2006 », affirmait Solomon Morewa, le président de la Fédération sud-africaine de footbal (SAFA) à l'époque.

Ironie du sort, ni Hayatou ni l'Afrique du Sud n'atteindront leur objectif. Sepp Blatter sera élu président de la FIFA en 1998 et l'Allemagne sera désignée pays organisateur de la Coupe du monde 2006, l'Afrique du Sud devant patienter jusqu'en 2010 pour accueillir l'épreuve reine du football.

Le Nigeria déclare forfait

Plusieurs semaines avant le coup d'envoi de la CAN 1996, une querelle diplomatique éclata entre l'Afrique du Sud et le Nigeria à la suite de l'exécution par pendaison le 10 novembre 1995 de l'écrivain Ken Saro-Wiwa, président du Mouvement pour la survie du peuple ogoni (Mosop), ainsi que huit autres militants de ce mouvement.

Le président sud-africain Nelson Mandela décida de prendre la tête d'une campagne visant le Nigeria afin de prôner la mise en place d'un embargo pétrolier en signe de protestation après ces exécutions.

Le samedi 30 janvier 1995, le ministre nigérian des Sports, Jim Nwobodo, annonca le forfait des Super Eagles, prétextant que sa sélection ne pourrait bénéficier de conditions exemplaires de sécurité.

Le hic, c'est que le Nigeria était le tenant du titre et venait de faire briller les couleurs du continent africain lors de la Coupe du monde 1994, en atteignant les huitièmes de finale. Pour ce forfait, le Nigeria sera suspendu deux ans par la CAF et manquera ainsi la CAN 1998.

Une Afrique du Sud pas très fair-play…

C'est donc avec quinze équipes et non seize que se déroula cette CAN 1996. Et sur le plan sportif, le triomphe de l'Afrique du Sud, qui termina première de son groupe puis élimina l'Algérie (quart de finale, 2-1) puis le Ghana (demi-finale, 3-0) avant de battre la Tunisie en finale (2-0) fut entaché d'un manque d'équité sportive et d'éthique.

L'Afrique du Sud a ainsi joué tous ses matches au FNB Stadium de Johannesburg alors que ses adversaires avaient multiplié les déplacements à travers le pays.

Ainsi, la veille de la demi-finale contre l'Afrique du Sud, les Ghanéens, qui avaient joué leur quart de finale à Port-Elizabeth, ont dû rallier le FNB Stadium au moyen d'un minibus pour leur entraînement nocturne à huis-clos. Etrangement, le car qui leur était attribué est arrivé avec une heure de retard. Quant aux Tunisiens, qui avaient joué leur demi-finale à Durban, ils ont été logés avant la finale dans un hôtel en travaux…

Ces faits étranges rappelaient les événements survenus lors de la Coupe du monde de rugby 1995, organisée et remportée là encore par l'Afrique du Sud. Un essai parfaitement valable fut refusé à la France en demi-finale tandis que les Néo-Zélandais furent tous victimes de maux de ventre avant la finale perdue contre l'Afrique du Sud…

Malgré les nombreuses polémiques, la CAN 1996 reste dans les mémoires comme celle du triomphe de l'Afrique du Sud, permettant à Nelson Mandela de célébrer l'unité de son pays, quatre ans après la fin de l'Apartheid.

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