Loïc Badé soulève la Ligue Europa après la victoire du FC Séville face à l'AS Roma, le 31 mai.VLADIMIR SIMICEK/AFP via Getty Images

EXCLU GOAL - Loïc Badé avant le début de l’Euro Espoirs : « Cette saison est une leçon de vie »

Neuf mois avant de rejoindre les Bleuets à Clairefontaine, Loïc Badé n’aurait certainement pas imaginé être de l’aventure de l’équipe de France Espoirs à l’Euro qui débute de jeudi face à l'Italie (20h45 sur W9). Après une apparition sur le banc de Nottingham Forest et zéro minute de jeu entre septembre et novembre, le défenseur central a pu vérifier un adage bien connu dans le milieu : « dans le football, ça va vite ». Parti à Séville en janvier, l’ancien Havrais s’est refait une santé. Titulaire, vainqueur de la Ligue Europa, il vient de signer un contrat de 4 ans avec le club andalou où il a retrouvé ce plaisir qu'il espère mettre au service de la France.

Vous venez de remporter la Ligue Europa, de signer pour les quatre prochaines saisons à Séville et d’être appelé pour l’Euro Espoirs… la vie est belle non ? 

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En ce moment, c’est que tout est positif. J’enchaîne les bonnes nouvelles et on espère que ça se poursuivra sur cette lancée. 

C’est une issue assez inimaginable quand on repense à votre début de saison ? 

Cela fait partie du sport de haut niveau. Il faut savoir affronter les échecs et parfois c’est très compliqué. Il faut aussi savoir saisir sa chance quand on en a l’opportunité. 

Racontez-nous votre passage à Nottingham Forest, pourquoi ça ne se passe pas bien (1 apparition sur le banc face à Wolverhampton) ?

Tout simplement, c’est un choix du coach qui dit avoir besoin de joueurs d’expérience et je n’en ai pas forcément autant. Donc je ne suis pas dans les plans du coach qui a des joueurs cadres qui se retrouvent sur le banc. Ce qui m’amène à me retrouver hors du groupe parce que j’ai ce manque d’expérience et qu’on ne met pas quatre ou cinq défenseurs sur le banc. 

Avec 28 recrues au mercato d’été, c’était aussi un peu le bazar du côté de Nottingham Forest…

Il y avait beaucoup de joueurs mais c’était quelque chose que j’avais pris en compte. Avant de signer là-bas, j’avais jeté un coup d'œil à l’effectif. Dans le secteur défensif, on était deux pour chaque poste puisque l’on jouait à trois postes. Je regarde les profils et je me dis que je pourrais avoir ma chance. Mais le premier souci a été le passage à une défense à quatre donc ça a réduit les chances de jouer car on passe de deux joueurs pour trois postes à trois joueurs pour deux postes. Et ensuite, il y a les choix du coach.

« Je me demande alors si j’ai le niveau tout simplement »

On imagine aussi que vous avez un regret de ne pas fouler une pelouse de Premier League…

Evidemment ! Ça a été une période très compliquée pour moi car je me suis posé beaucoup de questions. Quand je vais à Nottingham, c’est pour essayer de rebondir et au final c’est encore pire. Plus que ça ne l’était déjà au Stade Rennais. Je me posais beaucoup de questions durant cette période. J’allais à l’entraînement en sachant que je n’allais pas jouer et c’était dur. Je sais aussi qu’il faut aussi travailler pour soi mais c’est dur mentalement car je me dis que j’ai beau être bon à l’entraînement et montrer de très bonnes choses, je sais que je ne vais pas jouer. Et ce n’est pas en étant bon à l’entraînement que l’on acquiert de l’expérience.

Quels sont ces questionnements qui vous traversent ? 

Je doute, je me pose des questions. Nottingham quand j’arrive c’est la pire défense de Premier League et je me dis : « moi je ne joue pas dans la pire défense de Premier League ? ». Je me demande alors si j’ai le niveau tout simplement. Je me dis aussi que je dois aller plus bas, que j’aille voir autre chose. Mentalement, c’est compliqué. En plus, je suis à l’étranger, je suis tout seul. Durant cette période, j’ai eu la chance d’être bien entouré par les francophones qui sont dans le groupe (Willy Boly, Serge Aurier, Kiki Kouyaté). C’est eux qui m’ont permis de tenir, de rester concentré dans les entraînements et de garder cette exigence. Dès que je faisais un petit pas de travers ou que j’avais un coup de mou, ils étaient directement là pour me dire : « Eh petit, réveille toi ! ». 

Une mauvaise période peut aussi être utile. Comment vous en êtes-vous servis ? 

Sur un plan personnel, cette saison est une leçon de vie. Avec l’idée qu’il ne faut pas lâcher et travailler même dans la difficulté car cela portera ces fruits tôt ou tard. En un an, je pense avoir pris plusieurs années d’expérience entre la Ligue Europa et cette période à Nottingham qui a été très compliquée. J’ai appris et découvert beaucoup de choses, que ce soit le football anglais ou espagnol et français aussi. Cette année a été très compliquée et magnifique à la fois. 

Après une saison compliquée à Rennes et ce passage rapide à Nottingham Forest, êtes-vous surpris de l’intérêt concret de Séville au mercato d’hiver ? 

Surpris ? Par rapport à ma situation, oui bien sûr. Quand j'étais à Nottingham, je parlais de ma situation avec mes conseillers et j’étais prêt à aller voir plus bas. Il faut être lucide, quand c’est compliqué on va plus bas, on est performant et ensuite on remonte. J’étais prêt à aller dans des clubs d’un calibre inférieur. Séville avait été en contact avec mes représentants depuis plusieurs années mais cela ne s’était pas fait. Quand ils reviennent à la charge, toutes les planètes sont alignées. Ils ont beaucoup de blessures, le prêt est gratuit ce qui arrange sur le plan financier puisqu’en Espagne c’est très contrôlé, le directeur sportif me connaissait bien. J’étais étonné mais surtout très content de savoir qu’ils ont toujours cette confiance en moi car eux ils ne comprenaient pas l’épisode Nottingham Forest.

Quand Séville se manifeste concrètement, ça doit vous booster en termes de confiance ? 

Le fait qu’il soit intéressé me fait déjà beaucoup de bien. J’étais dans une période compliquée où j’avais la tête baissée et d’aller à l’entraînement c’était compliqué car ce ne sont pas vos performances à l’entraînement qui vont changer quelque chose. Quand Séville est arrivé, je disais à mes agents de faire vite car j’ai peur que Séville change d’avis. Mais quand ce club arrive ça m’aide à remonter la pente. J’arrive ensuite dans un vestiaire avec des joueurs expérimentés, de plus gros calibres et dans un club important avec Jorge Sampaoli comme entraîneur. Il y a cette bonne pression et donc l’exigence, je la mets encore plus haut. Tu te dois d’être performant parce que les joueurs sont au taquet. A côté de moi, j’ai un joueur passé par l’AC Milan, un autre par le Barça, un autre qui a gagné tant de fois l’Europa League, un autre qui est champion du monde. Dans ce contexte, je ne peux pas faire tâche. C’est une bonne pression qui m’a beaucoup aidé. Quand tu rentres dans ce vestiaire, tu te dis que ça va être compliqué mais au final ce sont les joueurs les plus expérimentés qui m’ont mis à l’aise. 

« Avant chaque match de Ligue Europa, le président nous envoie des messages pour nous dire à quel point cette coupe est important »

Après un match en tant que remplaçant, vous avez toujours été titulaire. Était-ce une surprise ou une promesse ? 

Je ne m’attendais à rien du tout. Quand j’arrive à Séville, j’avais un petit pépin physique au mollet et pendant une semaine je dois faire de la réathlétisation. Dès que je termine cette semaine, premier match contre Getafe, je rentre 30 minutes presque sans m’être entraîné avec le groupe. Mentalement, je me demandais si mon mollet allait tenir et puis la pression du public, je viens d’arriver et me voilà déjà sur le terrain. Personne ne me connaît, tout le monde te regarde et vas-y montre-nous ce que tu sais faire.

Et ça se passe comment ? 

Ça se passe bien. On a une victoire à domicile contre Getafe. Et pour moi ces trente minutes que le coach Sampaoli me donne, il me permet de m’adapter à l’équipe de la meilleure des manières. Il me fait entrer dans un match, que l’on gagne, que l’on maîtrise. Je prends rapidement confiance et en plus il me fait enchaîner. Il n’y avait rien de prévu. Et ensuite, je suis directement titulaire, j’enchaîne les matchs, je prends mes marques, je suis en confiance.


Dire que votre saison est un peu similaire à celle du FC Séville, est-ce une bonne comparaison ? 

Bien sûr ! La particularité que l’on avait tous dans le vestiaire, c’est que tout le monde avait eu un début de saison très compliqué. Que ce soit l’équipe ou les recrues qui sont arrivées à l’hiver : Pape Gueye, Lucas Ocampos qui n’a pas joué à l’Ajax Amsterdam, Bryan Gil qui ne jouait pas à Tottenham et moi qui était bloqué à Nottingham. Le fait d’amener du sang frais, de nouvelles têtes, parce que ce n’était pas un problème de niveau au FC Séville, ni de coach je pense, ça a pu faire changer la mentalité de l’équipe et les bons résultats sont revenus.

Et puis, il y a ce parcours en Ligue Europa. Pourquoi ce club réussit aussi bien dans cette compétition ? 

Par l’expérience des joueurs déjà. Le fait de l’avoir gagné une ou plusieurs fois pour certains donnent ce sentiment qu’il est possible de le refaire alors que quand tu ne l’as jamais gagné tu te dis c’est loin, c’est compliqué. Ce sentiment d’accessibilité donne de la confiance. Avant un match de C3, je vais voir Fernando et je lui demande s’il a déjà gagné la Ligue Europa et il me répond que oui, « deux fois même » et il ajoute tranquillement « bientôt trois ». Alors que moi j’ai tendance à être plus pessimiste, à Séville, il y a ces joueurs cadres qui ont une grande carrière qui te disent : « t’inquiète pas petit, ça va bien se passer ». Au final ça finit toujours par bien se passer.  Et puis quand on signe à Séville, il y a un petit musée dans le club avec toutes les coupes qui exacerbe ce sentiment. Quand on mange à table, il y a des photos partout dans le self. Avant chaque match d’Europa Ligue, il y a le président et le vice-président qui nous envoient des messages pour nous dire à quel point cette coupe compte pour le club et qu’aucun autre club ne la veut autant que le FC Séville. Ce sont des points qui comptent, qui te motivent. Il y a une grosse culture autour de cette équipe qui nous pousse et nous montre que c’est accessible même face à des gros clubs. Parce que cette année en plus de remporter la compétition, on fait un parcours magnifique parce qu’on est tombés contre des gros. 

Dans votre parcours avec Séville, il y a aussi un petit pied de nez à la Premier League avec ce but marqué en quart de finale contre Manchester United…

Pour tout vous dire j’avais à cœur de montrer que je pouvais être performant contre des équipes anglaises. C’était un objectif pour me rassurer aussi peut-être parce que j’ai beaucoup douté. Finalement, je suis content d’être passé par là et d’avoir pu montrer que je peux jouer contre ce genre d’équipe.

Cette année, vous êtes le seul joueur de champ français à être titulaire en finale de Coupe d’Europe. Cela vous donne-t-il une certaine expérience supplémentaire dans ce groupe avant le début de l’Euro Espoirs

Oui je crois car au niveau personnel, j’ai pris beaucoup d'expériences. L’Euro c’est une une Coupe, il y a des ressemblances avec la Ligue Europa et je pense que j’apporte beaucoup de bonnes ondes. Surtout l’expérience de cette saison va pouvoir aider le groupe car j’ai découvert la culture des grands-rendez-vous et avec Séville on les a enchaînés très rapidement entre Fenerbahce, PSV Eindhoven, Manchester United, Juventus Turin et la Roma. J’espère que ça pourra servir à l’équipe. 

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