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Interview - Wendel : "À Bordeaux en 2009, tout le monde était à son apogée"

Chez lui, au Brésil, Wendel a pleinement repris ses habitudes. Six ans après une dernière expérience en Arabie Saoudite, le milieu de terrain a terminé tranquillement sa carrière en avril dernier, par une ultime occasion dans le club modeste de Nautico. Celui qui a marqué l'histoire des Girondins de Bordeaux durant cinq saisons a pris le temps de retracer son parcours et son expérience en Ligue 1, tout en évoquant son avenir proche. Avec le sourire et un désir intact de continuer à vivre de sa passion, le gaucher n'a rien perdu de sa maîtrise de la langue française, ce qui a permis d'évoquer en largeur plusieurs thèmes.

Goal : Vous avez pris votre retraite en avril dernier, les terrains ne vous manquent pas trop ?

Wendel : Aucun regret ! Je pense que j’ai arrêté au bon moment, à 36 ans. Maintenant, je prépare mon avenir. Actuellement, je passe ma licence Académie avec la CBF (Fédération Brésilienne de Football). J’ai déjà le droit d’entraîner des équipes de jeunes, dans les centres de formation. Ici, on dit qu’au Brésil un joueur meurt deux fois, quand il arrête sa carrière et quand la vie se termine. Moi, je suis toujours vivant (rires) !

Du coup, vous enchaînez directement entre deux carrières, cela ne vous fatigue pas ?

C’est vrai… Mais c’est ce que j’aime ! J’ai passé toute ma carrière à vivre à travers le football. J’en suis très heureux. Je vais d’abord diriger des jeunes de 14 à 17 ans, en apprenant durant quatre à cinq ans. Pour 2019, j’ai pour projet d’être adjoint de l’équipe de Minas Boca, qui évolue dans le championnat Mineiro avec Cruzeiro, l’Atlético, l’America… Je serai en poste d’ici quelques semaines et j’ai déjà commencé à faire des détections. C’est très plaisant comme nouvelle vie.

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Est-il envisageable de vous voir entraîner un jour en France ?

Pour l’instant non, en plus pour diriger en France il faut des diplômes spécifiques que Ricardo, par exemple, n’a plus. En mai prochain, je vais essayer d’avoir la Licence A qui permet au Brésil de diriger une équipe professionnelle. Petit à petit, on progresse.


"Bordeaux me manque oui, je regarde toujours des extraits d’anciens matches et je consulte les derniers résultats."


Vous avez quitté la France il y a six ans désormais. Éprouvez-vous une certaine nostalgie ?

Oui, bien sûr. Je suis resté cinq ans en tout et nous avons tout gagné ou presque. La Ligue 1, deux fois la Coupe de la Ligue, deux Trophées des champions… Un quart de finale de Ligue des champions aussi ! Ça me manque oui, je regarde toujours des extraits d’anciens matches et je consulte les derniers résultats de manière régulière. J’ai Ricardo et Jaroslav Plasil de temps en temps au téléphone. J’ai aussi des contacts avec Jussiê, qui est resté à Bordeaux avec sa famille. Quand tu es Bordelais une fois, tu le restes pour la vie.

Avec du recul, Bordeaux représente la meilleure période de votre parcours professionnel ?

Comme joueur, c’étaient cinq saisons de rêve même si la dernière ne s’est pas passée comme je le voulais (2010-2011). C’était super agréable, j’étais performant, l’équipe aussi. Tout marchait bien, au club et à l’extérieur. Il y avait une harmonie unique.

Wendel PS 1Goal

Votre plus grand match sur le plan individuel ? Le triplé contre le PSG en 2008 ?

Oui ce triplé, c’était quelque chose. Le stade était en fusion, la presse aussi. Ma famille et mes amis du Brésil m’ont envoyé des tonnes de message. On était derrière Lyon au classement, on a failli les faire tomber. La semaine après on va chez eux, et on perd 4-2. C’était un tournant dans la saison.

D’ailleurs, le stade Chaban-Delmas avait une atmosphère particulière même si les Girondins n’y sont plus aujourd’hui…

C’était spécial hein… Le virage sud était toujours présent avec ses ultras et il y avait aussi ce tunnel interminable, qui te permettait de te concentrer un peu plus avant d’entrer sur le terrain. Quand tu marches doucement, ça pouvait prendre trois bonnes minutes. J’en garde des bons souvenirs néanmoins.

En mai prochain, cela fera dix ans que Bordeaux a remporté le titre en L1. Une performance qui vous marque toujours ?

On a cassé l’hégémonie de sept ans de Lyon qui était alors intouchable. Avec Ricardo, qui a posé les bases de l’équipe de Laurent Blanc, Bordeaux a fait venir de très bons éléments avec Cavenaghi, Jussîe, Henrique, moi. Derrière des plus jeunes sont venus comme Gourcuff, Gouffran, Trémoulinas… Il y avait une bonne ambiance entre nous, une force unique sur le terrain mais aussi avec les supporters et la direction. Tous les feux étaient au vert, je pense que ça restera l’une des meilleures périodes des Girondins.

Vous étiez une bande de potes en résumé ?

C'est un peu de ça, oui. Toutes les générations se mélangeaient et se retrouvaient pour un objectif commun. Il n'y avait pas un gars qui faisait la tête car il était remplaçant, il poussait son concurrent pour qu'il se donne à 100% sur le terrain. C'était une forme d'harmonie et ça nous a porté pendant de nombreux mois.

En quart de finale de Ligue des champions retour contre Lyon, en 2010, vous avez la possibilité de qualifier Bordeaux sur une tête déviée par Lloris. Vous y songez encore ?

Bien sûr que j’y repense, avec une victoire 2-0, nous étions en demi-finale. Le pire, c’est que derrière, Ivica Olic, met un but sur le même type de séquence face à Lyon. C’est marrant mais bon c’était un bel arrêt, c’est dommage. Nous pouvions un peu plus écrire l’histoire, on a pris 16 points sur 18 en groupe alors que le Bayern et la Juventus étaient avec nous.


"Je pouvais centrer les yeux fermés sur Chamakh, je savais que ça ferait but."


Comment expliquer que de nombreux joueurs de cette équipe n’ont pas su percer ou continuer sur leur lancée derrière ?

Moi aussi, j’ai connu  je suis parti à 30 ans, je pensais faire encore de bonnes saisons mais ce n’était pas évident. À Bordeaux, nous étions tous à notre apogée. Je pouvais centrer les yeux fermés sur Chamakh, je savais que ça ferait but. On a tous eu des destins particuliers. Pareil pour Laurent Blanc, même s’il a été trois fois champion de France avec Paris, il doit prendre son temps je pense pour retrouver un nouveau défi.

Avez-vous ressenti lors de votre passage une trop grande tranquillité à Bordeaux, notamment au Haillan ?

J’entends cet argument de temps en temps mais je ne suis pas d’accord. Peut-être que deux, trois joueurs par saison se sentent dans leur zone de confort mais le reste, je peux vous garantir que ça ne chômait pas. Il faut être performant sinon les supporters sifflent, les dirigeants demandent des comptes…Les Girondins ne sont pas un club de vacances.

Vous avez été avec Nêne et Juninho l’un des grands tireurs de coup franc en L1 ces dernières années, d’où vous vient cette faculté ?

C’est une question d’entraînement. Presque tous les jours, je frappais je ne sais pas… 30 ou 40 coup francs par séance. C’était nécessaire pour progresser car ce n’était pas simple. J’ai discuté avec Juninho, qui était un modèle pour moi dans cet exercice, et il était d’accord avec moi. Ça ne se maîtrise pas du jour au lendemain. Lui il savait contourner les distances, être aussi dangereux aux abords de la surface qu'à 35, 40mètres. Une vraie prouesse. J’ai eu la chance d’être le tireur principal des Girondins. Il y en a eu des pas mal oui... À Marseille, à Lorient ou encore à Cluj, en Ligue des champions.

Wendel PS 2

Que représente pour vous un entraineur comme Ricardo, qui vous a fait venir de Santos en 2006 ?

Il représente 60, 70% de ma carrière. Il m’avait donné une opportunité avant Bordeaux en sélection pré-olympique. Dès que je suis arrivé aux Girondins, il a voulu me mettre en confiance, en m'obligeant à être latéral puis milieu défensif afin que je sois plus polyvalent et à l’aise. Il m’a expliqué comment il fallait être avec les dirigeants, les supporters et la presse. En plus, Ricardo, c’est quelqu’un de simple, humble et correct. Puis, avant tout, c’est un super entraîneur.

Comment il parvient à faire autant progresser les joueurs brésiliens ? Hier il y avait Henrique, Jussiê et vous. Il  y a désormais Pablo et Otavio…

Il dit la vérité aux joueurs, tout simplement. Une année, Henrique n’était pas bien dans sa tête et avait des difficultés sur le terrain. Ricardo le met sur le banc et lui parlait énormément avec des conseils. On a retrouvé derrière, au fil des semaines, un Henrique très solide. Il met même ce fameux but contre Lyon, en finale de la Coupe de la Ligue, avec la mitraillette (la célébration du défenseur brésilien, ndlr.)

Êtes-vous séduit par l’arrivée d’investisseurs américains au Haillan ?

Niciolas Dee Tavernost a été un grand monsieur, quelqu’un d’emblématique, tout comme Jean-Louis Triaud qui m’a beaucoup aidé au club. Il prenait des nouvelles de la famille, de notre apprentissage du français.Maintenant, il faut attendre, je n’ai pas de conseils à donner au nouveau propriétaire. Il faut du temps, être patient pour les supporters. On verra quel projet ce sera avec les joueurs qu’ils feront venir.

Croyez-vous en un retour de la Ligue des champions prochainement à Bordeaux ?

Il faut oui ! J'ai entendu dire que les nouveaux actionnaires étaient ambitieux et avaient mentionné cette qualification en Ligue des champions. Si la Ligue 1 est devenue facile pour le PSG et Neymar, derrière il y a de la place si vous mettez en place quelque chose d'équilibré et de solide comme projet.

Wendel NeymarGoal

D'ailleurs, vous êtes passé par Santos, le club où a été formé Neymar...

Quand je suis parti de Santos, il devait avoir entre 12 et 13 ans, ce n’était qu’un gamin mais déjà il y avait une certaine effervescence médiatique autour de lui. On a pour habitude au Brésil de mettre très haut dès le début certains jeunes cependant Neymar était déjà important pour le club à l’époque, ça se sentait.


"Pour ce qui est de Neymar et de sa réputation, ce n’est pas un mauvais garçon."


A-t-on été trop sévère avec lui lors de la Coupe du Monde ?

Vous savez, les Brésiliens ont pour habitude d’être des gens exigeants, parfois trop. Il revenait de blessure, il avait fait un contre-la-montre presque pour être à temps. Ça s’est joué à peu de chose face à la Belgique. Pour ce qui est de sa réputation, ce n’est pas un mauvais garçon. On s’est focalisé sur les nombreuses minutes qu’il a passé au sol mais l’essentiel était ailleurs.

Pour finir, comptez-vous un jour vous rendre au nouveau stade, le Matmut Atlantique ?

Ça tombe bien, je serai à Bordeaux d’ici un mois, pour passer 15 jours en vacances avec ma famille et revoir de nombreux amis que j’ai gardé dans cette ville. Je passerai par le Haillan où je sais que de nombreux employés sont toujours là, et ils ont compté pour moi, dans le cadre de mon intégration. J’irai voir un match aussi bien sûr, c’est au programme. Je donne rendez-vous aux supporters, je leur dois bien ça !

Propos recueillis par Adrien Mathieu.

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