Didier Deschamps traverse actuellement une passe compliquée. Est-ce la plus dure qu’il ait connue depuis qu’il est sélectionneur des Bleus ? On n’ira pas jusqu’à l’affirmer, mais ce qui est certain c’est qu’en cas de nul ou de défaite mardi soir contre la Finlande, il sera le coach qui présentera la pire série de matches sans victoire de l’histoire de l’équipe de France. Une étiquette dont il se passerait bien, même si son bilan global à la tête des Tricolores restera largement positif.
Des Bleus qui ne maitrisent plus rien
Depuis samedi et cette prestation en demi-teinte livrée en Ukraine (1-1), beaucoup de choses ont été dites sur la régression que connaissent les champions du monde en titre. Chacun y va de son analyse pour expliquer ce déclin au niveau des performances. Les observateurs extérieurs pointent du doigt l’incapacité qu’aurait désormais DD à imposer son autorité pour avoir trop couvé ses troupes, tandis qu’en interne on évoque une démobilisation générale après avoir atteint les sommets et l’absence d’une remise en question. Les mots du capitaine Hugo Lloris, où il évoquait la fin de l’euphorie, ont d’ailleurs résonné fort juste après le match, de même que ceux tenus par Paul Pogba sur la nécessité d’en faire beaucoup plus.
Alors qui dit vrai ? Ce qui parait évident c’est qu’il n’y a pas qu’un seul facteur qui a conduit à cette débandade. Et on peut imaginer que tout soit lié. Si les joueurs respectent un peu moins leur coach, c’est qu’ils sont dans leur confort. Celui dans lequel toute équipe championne du monde s’installe inévitablement sans une régénération profonde. Les torts sont par ailleurs partagés, car l’entraineur a également manqué de se renouveler en tenant toujours le même discours et sans créer l’émulation qui transcende un groupe et maintient sa compétitivité. Enfin, il a eu la mauvaise idée de multiplier les essais tactiques quand la logique aurait voulu qu’il reste fidèle à ce qui fonctionne bien. Bien sûr, la volonté était louable, avec comme objectif de proposer un jeu plus conquérant, et il est certain que s’il n’avait pas varié il aurait été tout aussi critiqué, si ce n’est plus. Mais voilà, le constat est que le changement n’a pas été payant et l’équipe de France en subit aujourd’hui les conséquences.
Face à l’urgence, Deschamps n’a plus qu’un levier à activer
La bonne nouvelle, c’est que rien n’est irréversible. La situation actuelle, si elle est inquiétante, est encore loin d’être alarmante. La première place dans le groupe qualificatif pour le Mondial suggère que les Bleus restent en ballotage favorable pour voir le Qatar. Mais la mauvaise spirale doit cesser, ce qui revient à dire qu’un nouveau faux-pas est interdit. Pour retrouver dans le vestiaire une atmosphère propice à un bon rendement et restaurer une barrière entre le staff et les joueurs, trois jours risquent de ne pas être suffisants. Alors, il faut activer l’autre levier. Celui d’un retour à tout ce qui fait la force de cette équipe sur le terrain, à commencer par son schéma préférentiel.
Depuis plusieurs mois, Deschamps alterne le 4-3-3 et le 4-4-2 comme tactique. Et force est de reconnaitre est que cela ne marche pas. Et cela coïncide avec le retour en sélection de Karim Benzema. Pour faire place au meilleur attaquant français en activité, DD a dû s’adapter et adapter par la même occasion ses joueurs offensifs. Auparavant, et même s’il a toujours insisté sur le besoin de ne pas s’enfermer dans un seul système, l’option privilégiée était régulièrement le 4-2-3-1. Alors, certes, il n’y a pas eu que des victoires avec. Et les faux-pas concédés en Suède en juin 2017 et contre la Turquie en juin 2019 avaient montré que le système en question n’est pas infaillible. Mais, l’historique des quelques 120 matches de Deschamps comme sélectionneur prouvent que c’est bien la configuration qu’il maitrise le mieux, et qui par ricochet convient aux joueurs qu’il aligne. Le Mondial en Russie en est la meilleure illustration. Pour la réception de la Finlande ce mardi, il serait donc bien inspiré de ressortir cette carte maitresse.

Griezmann sera plus libre
L’avantage de ce système est qu’il permet d’utiliser Antoine Griezmann dans la position qu’il affectionne, celle d’un neuf et demi. Un joueur rodant derrière l’avant-centre et qui participe à toutes les attaques de son équipe. Le Mâconnais traverse actuellement l’une de ses principales disettes sous le maillot bleu et il est difficile de ne pas y voir un lien de cause à effet avec son isolement sur le côté. Même quand il est légèrement recentré aux avant-postes dans un 4-2-2, il n’arrive pas à se monter à son avantage, errant comme un fantôme sur le terrain. Et quand Grizou va mal, il est rare que la sélection tricolore parvienne à tirer son épingle du jeu. L’ancien Barcelonais est le véritable baromètre de cette équipe. Le mettre dans les meilleures prédispositions apparait donc clairement comme une condition sine qua non à la bonne rentabilité des Bleus.
Sans Giroud, comment faire ?
Repasser en 4-2-3-1 génère quand même son lot d’interrogations. Olivier Giroud ayant été écarté du groupe, qui va bien occuper le poste d’avant-centre ? Et quand bien même on en trouve un, saura-t-il se montrer aussi efficace que ne l’était le natif de Chambéry et en affichant la même complicité technique avec ceux qui l’entourent dans le secteur offensif ? Sur un plan purement footballistique, on voit mal Karim Benzema souffrir de la comparaison dans ce registre avec le néo-Milanais, mais est-ce qu’il acceptera d'occuper la pointe avec le risque qu’il y a de ne pas toucher trop le ballon et être uniquement à la finition des actions ? Ce n’est un secret pour personne, KB9 aime participer aux séquences et il est très inspiré lorsqu’il a le jeu en face de lui. Le mettre comme avant-centre risque de le brider. Evidemment, et après une éviction qui a duré cinq ans, l’intéressé ne fera pas les difficiles et s’exécutera pour le bien de l’équipe, mais il est clair qu’il ne le fera pas de gaieté de cœur. Et on sait que Benzema est comme Griezmann, lorsqu’il est limité dans ses mouvements il perd beaucoup en productivité. Telle sera la principale problématique à régler pour Deschamps si jamais il revient à son schéma préféré.
Rabiot sera le Matuidi de 2018
Disposés en 4-2-3-1, les Bleus vont donc retrouver une bonne partie de leurs repères, si tant est qu’ils soient au complet. Ce qui ne sera malheureusement pas le cas contre les Finlandais. Des onze titulaires en finale du dernier Mondial, il n’y en aura que quatre sur le terrain (Lloris, Varane, Pogba et Griezmann). Mais ceux-là connaissent au moins parfaitement les tâches qui leur incombent. Quant aux éléments appelés à faire oublier les héros de Moscou, il n’est pas forcément dit qu’ils feront pire. Un Adrien Rabiot peut par exemple se montrer très utile comme élément parcourant l’aile gauche, en se dédoublant comme l’a si bien fait avec Blaise Matuidi. Avec des qualités intrinsèques supérieures, le milieu de la Juve est susceptible d’apporter un peu plus devant et alimenter dans les meilleures conditions les attaquants. Le pari a donc de bonnes chances de réussir. Après tout, au point où il en est, Deschamps n’a presque plus le choix. Pour inverser la dynamique négative, l’option qui reste c’est le retour à la recette gagnante.
