Mercredi soir, lors du match Arsenal-Bournemouth, Mesut Özil était titulaire au sein de l'équipe londonienne. Il y a encore quelques semaines, énoncer ce fait aurait été une lapalissade. Mais, voilà, en peu de temps, beaucoup de choses ont changé pour l'Allemand dans la capitale anglaise. De titulaire indiscutable et maitre à jouer de l'équipe, le statut de champion du monde 2014 est passé à celui d'un "persona non grata". Un élément sur lequel on ne compte plus vraiment, et dont la situation contractuelle serait devenue un poids pour la direction. La présence de l'ex-Merengue face aux Cherries laisse suggérer un retour à la normale. Un dénouement heureux. Mais cet état de faits va-t-il durer ?
Ozil a un bail avec les Gunners qui expire en juin 2021. Arsenal n'a rien à gagner en continuant à le mettre au placard. En supposant que la récente mise au ban du joueur était due à des raisons autres que sportives, il apparait illogique de s'en priver plus longtemps, ne serait-ce que parce que sa valeur marchande chuterait en flèche en cas d'une période prolongée sur le banc. Et à Arsenal, où l'on fait attention à la moindre dépense, on ne peut se permettre le luxe de brader et ignorer un élément aussi "bankable".
Longtemps intouchable, Ozil a beaucoup perdu de sa légitimité
Il reste l'autre hypothèse, à savoir une éviction progressive de l'équipe de départ pour des motifs basés uniquement sur les performances du joueur. Sous Arsène Wenger, une telle possibilité aurait été rapidement et facilement écartée. Le technicien alsacien était de ceux qui se montraient patients et conciliants envers ses joueurs cadres, quitte à ce que le collectif en pâtisse. Cependant, avec Emery, un coach pour lequel tous les joueurs sont des X, c'est un peu moins surprenant. Même s'il ne possède pas les mêmes pouvoirs que son prédécesseur dans la capitale anglaise, le technicien espagnol a la liberté totale pour composer son équipe. Personne n'interfère dans ses choix, aussi contestables soient-ils.

Et dans le cas d'Özil, il est compliqué d'avancer que l'ancien coach du PSG fait du n'importe quoi. Car oui, l'ex-international allemand n'est plus ce joueur qui avait enchanté l'Emirates Stadium durant ses premières années au club ou qui a illuminé le Mondial brésilien par sa technique, l'efficacité de son dernier geste et sa vision de jeu. Titulaire lors de ses dix premières apparitions en championnat en 2018/19, il ne s'est rendu auteur que de trois buts et d'une passe décisive durant cette période automnale. Et ces chiffres se sont à peine accrus depuis : 1 but et 1 "assist" supplémentaires à son actif lors des trois derniers mois. C'est peu. Trop peu même pour un joueur de ce standing.
Et il n'y a pas que ces statistiques-là pour mettre en évidence la baisse de régime d'Özil. Ce dernier n'est définitivement plus ce joueur qui inspirait et influait avec tant de classe sur le jeu de l'équipe londonienne. Lors de sa meilleure saison à Arsenal, en 2015/16, il tournait à 1,64 passe/minute, 1,33 ballon touché/minute et un centre toutes les 46 minutes. Toutes ces données sont en net déclin cette saison (1,34 passe/minute, 1,03 ballon touché/minute et un centre toutes les 97 minutes). Forcément, il convient de prendre en compte le contexte dans lequel il se produit, les joueurs qui l'entourent et aussi la forme générale de l'équipe. Néanmoins, le constat d'une régression est bien là et il est difficilement contestable.
Emery veut le piquer plus que le punir
Quand il a été questionné à propos de son milieu de terrain, Emery a pris soin de ne pas le critiquer publiquement. Il lui a seulement envoyé un message clair qui l'invitait à se reprendre en main et fournir les efforts nécessaires pour retrouver sa place. "Parfois, vous devez provoquer de la friction avec les joueurs. Avec cette friction, vous pouvez obtenir quelque chose de plus de leur part, quelque chose qui vient de l’intérieur, a-t-il déclaré à la mi-janvier dans un entretien à Sky Sports. Ça peut être de l’ambition ou une doléance. Une doléance peut être positive pour l’équipe. Mais en tant que manager, vous devez faire attention parce que la friction peut briser une relation. Mais je crois toujours que l’on peut aller plus loin individuellement et collectivement avec des discussions agréables et d’autres qui le sont moins".

Emery attend plus de son joueur phare, mais est-ce que ce dernier est enclin à se remettre en question, et à trouver la motivation nécessaire afin de batailler pour une place qu'il a longtemps cru acquise ? Ce n'est pas sûr, et sa bonne prestation contre Bournemouth mercredi ne peut, à elle seule, constituer une réponse. Ce qui est certain c'est que le manager des Gunners n'est pas prêt à repenser sa manière de gérer un vestiaire, quitte à y laisser son poste comme cela s'est produit à Paris. "Vous savez que vous devez mettre de la pression sur les joueurs pour les pousser. Donc si un joueur donne 70%, il peut donner 80%. S’il donne 80%, il peut aller jusqu’à 90%. Il y a toujours une marche au-dessus. La psychologie peut aider à y arriver", avait également lâché Emery à la presse anglaise, comme pour signifier qu'il ne faut pas s'attendre à des concessions pour sa part.
Arsenal n'a pas son remplaçant sous le coude
Comment faire si les deux hommes ne parviennent pas à s'entendre sur la durée ? Si, par exemple, le joueur refuse cette autorité nouvelle en estimant qu'il n'a plus rien à prouver. Ou si l'entraineur estime que son protégé n'en fait pas assez pour redevenir un élément régulier de son onze. Une question pertinente que le board d'Arsenal a certainement déjà dû se poser.
Le dilemme sera alors de taille et il ne sera pas facile à résoudre. Même Arsène Wenger, pourtant avare en paroles lorsqu'il s'agit de commenter l'actualité de son ancien club, en a convenu dernièrement. Pour lui, si Arsenal se décide à pousser Özil vers la sortie, il va à la rencontre de problèmes auxquels il n'est pas forcément préparé. "Il a un contrat, mais le problème est que si vous voulez acheter un joueur comme lui, vous devez dépenser 120 millions d'euros, a-t-il confié. Et pour maintenir la valeur du joueur, au-delà du cas d'Özil, il y a plusieurs paramètres qui entrent en ligne de compte. Pour acheter des joueurs de qualité supérieure, vous avez besoin de 120 millions d'euros au moins. La décision que vous devez prendre est donc de savoir si vous re-signez le joueur, qui ne nous coûte rien, ou alors vous le laisser partir mais sans avoir l'assurance d'avoir suffisamment d'argent pour faire venir un élément de même qualité".
Telle est la problématique, mais elle n'existe pas encore. Et c'est à la direction, à Emery et aussi à Mesut Özil lui-même de faire en sorte que l'impasse en question ne se présente pas. Une septième saison du natif de Gelsenkirchen sous le maillot rouge et blanc n'est pas une utopie pour peu que chacun y mette du sien, et que l'intérêt général l'emporte.


