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Et si le 3e gardien servait enfin à quelque chose ?

La décision est tombée le 15 mars dernier en marge du congrès annuel de la FIFA qui se tenait pour l’occasion à Bogota. C’est depuis l’immense capitale colombienne que l’instance a offert un petit coup de lifting aux règles du ballon rond. En introduisant la vidéo et un 4e remplacement à partir des prolongations lors de la prochaine édition de la Coupe du Monde, elle a marqué un tournant important dans l’ère du jeu. Ce dernier point notamment a depuis relancé le débat sur le rôle du 3e gardien en compétition internationale.

Dans toute l’histoire de la Coupe du Monde, seules 4 équipes ont utilisé les 3 portiers qu’elles avaient emmenés lors d’une même édition et cela n’est plus arrivé depuis la Grèce en 1994. De quoi se poser la question de l’intérêt d’embarquer 3 gardiens dans ses valises pour un tournoi majeur. Il faut en effet un sacré concours de circonstances pour voir le 3e larron à ce poste enfiler les gants au cours de la compétition.

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Décrocher son BAFA au Mondial

Lors des 4 Mondiaux disputés au 21e siècle, 100% des formations à avoir atteint la finale ont gardé le même élément dans les cages lors de l’intégralité de leur parcours. Un chiffre qui répond à une certaine logique tant le rôle du gardien, première vertèbre d’une équipe est primordial. Une mécanique bien huilée prendra rarement le risque de faire joueur son 2e gardien pour ne pas perdre la majorité des repères dont elle dispose avec le titulaire. Si ce dernier ne laisse que des miettes, que reste-t-il à espérer pour le 3e portier dans la hiérarchie ? Pas grand chose à part... être un élément qui se fond parfaitement dans le groupe comme l’expliquait Didier Deschamps il y a 4 ans avant le Mondial au Brésil : 

"Au départ, sur les 23, c'est le seul qui est quasi certain de ne pas jouer. Humainement, ce n'est pas évident. Mais sa présence compte énormément dans la vie de groupe. Avec les autres gardiens, ils doivent développer beaucoup de complicité, savourer leurs moments à eux. Bien que faisant partie de l'équipe, ils s'échauffent et s'entraînent à part."

Si l’expérience décrite ici s’apparente plus à un stage pour décrocher son BAFA qu’à un parcours en Coupe du Monde, on comprend que le statut n’est pas forcément facile à digérer pour tout le monde. A l’inverse d’un Lionel Charbonnier qui avait pris le rôle à bras le corps lors du Mondial 1998, Stéphane Ruffier a récemment pris ses distances avec les Bleus après avoir été appelé plusieurs fois à ce poste. Alphonse Areola, devenu gardien titulaire du PSG a depuis repris le flambeau, sans avoir encore disputé la moindre minute avec les Bleus pour le moment.

Krul & Van Gaal ont montré l’exemple

Avec le nouveau règlement de la FIFA et la possibilité d’effectuer un changement supplémentaire au cours d’une possible prolongation, c’est un vieux serpent de mer qui a refait surface. Et si le 3e gardien était destiné à rentrer au cours d’une hypothétique séance de tirs au but ? Popularisé par Louis van Gaal qui avait lancé avec succès Tim Krul à la 120e minute du quart de finale contre le Costa Rica lors de la Coupe du Monde 2014 en Afrique du Sud, le concept a ses défenseurs…

Les arrêts de Krul en rouge lors de la séance de tab

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En 2014, la première victoire de Van Gaal lors de cette séance avait été d’ordre psychologique. En changeant son gardien à la dernière minute, le technicien hollandais s’était immiscé à sa façon dans l’esprit de ses adversaires du jour pour les faire douter. Après la qualification de son équipe au tour précédent contre la Grèce, José Pinto le sélectionneur du Costa Rica avait en effet déclaré avoir spécifiquement travailler cet exercice et étudier le gardien titulaire adverse. Une phrase qui n’était visiblement pas tombée dans l’oreille d’un sourd côté batave. "C’était vraiment drôle de voir la tête du sélectionneur du Costa Rica quand il m’a vu rentrer. Ça a définitivement eu un impact", s’était réjoui Tim Krul à l’issue de sa séance victorieuse. 
En demi-finale, Van Gaal n’a pas pu rééditer son coup de poker lors d’une nouvelle séance de tirs aux buts face à l’Argentine - ayant déjà effectué ses 3 changements dans le temps réglementaire. Désormais un 4e changement sera autorisé à partir des prolongations et la voie est libre pour les équipes qui voudraient expérimenter cette stratégie en Russie cet été.

Quid de nos 3 gardiens ?

Si l’on suit ce raisonnement, l’identité du 3e portier français mérite que l’on se penche dessus de façon un peu plus poussée. Sur les derniers rassemblements des Bleus, Didier Deschamps semble avoir définitivement penché vers l’option Alphonse Areola pour assumer ce statut. Le jeune gardien du PSG - qui réalise une saison de bonne facture - devrait participer à la compétition dans ce rôle, ce qui lui permettra à coup sûr d’emmagasiner énormément d’expérience pour la suite. Cependant, la question de la présence d’un spécialiste de l’exercice des penalties dans le groupe de l’équipe de France peut légitimement se poser au regard du CV des 3 principaux protagonistes dans le domaine.  

Fer de lance de la cage des Bleus, le capitaine Hugo Lloris n’a jamais brillé dans cet exercice et reste sur 10 penalties consécutifs encaissés avec l’équipe de France. Son remplaçant attitré Steve Mandanda n’affiche pas vraiment de meilleures stats avec 4 penalties concédés sur 4 chez les Bleus et un seul arrêté sur les 10 derniers auxquels il a fait face en championnat. Quant à Alphonse Areola, s’il a l’avantage de posséder une très grande envergure de par ses 1m 95 et affiche un bilan plus qu’honnête dans l’exercice (4 arrêtés sur 11 en Ligue 1), il n’est pas un véritable spécialiste.

En passant au crible les statistiques de tous les gardiens français ayant évolué dans les 5 grands championnats sur les 5 dernières années, un nom ressort largement du lot : celui de Mike Maignan. Avec seulement 3 penalties encaissés sur 8 en Ligue 1, le gardien lillois fait preuve d’aptitudes exceptionnelles dans ce domaine.

"Ce n’est pas surprenant de le voir à l’aise dans cet exercice, explique Romain Damiano, éducateur du gardien à la JS Villiers le Bel entre ses 10 et 15 ans. Il a toujours montré toutes les qualités à l’entraînement. Il avait déjà cette concentration et ce placement naturel sur sa ligne à l’époque. Il restait souvent à la fin des séances pour arrêter des frappes de ces coéquipiers. Il s’amusait même à en tirer parfois ! Je me souviens de son premier match en Ligue 1 contre Rennes, il rentre en jeu et il arrête direct un penalty. C’était vraiment marquant."

Présenté en avril dernier par un groupe d’étudiants de l’école Polytechnique, un programme basé sur un algorithme fonctionnant à partir des données de la société Opta a défini une liste des 23 idéale pour remporter le Mondial. En simulant la compétition un nombre de fois infinie avec différents joueurs, le logiciel a fini par donner son jugement et a propulsé Mike Maignan dans le groupe des Bleus.

"Notre algorithme se base sur une agrégation de centaines d’événements dans une rencontre, explique Cédric Damien membre de ce groupe de recherche. On a pu dresser un profil type pour le 3e gardien et les paramètres de Mike Maignan correspondaient mieux que ceux d’autres gardiens comme Costil, Ruffier & Areola, c’est celui qui faisait le moins baisser le % de chance de gagner de l’équipe de France."

Avec une seule et unique mission en tête à partir de la phase à élimination directe, le portier pourrait ainsi se préparer spécifiquement à affronter ce scénario pour chaque adversaire à venir. “Avec une mission bien définie avant une compétition comme celle de rentrer pour une séance de tirs aux but, on pourrait même tenter de maximiser la réussite de l’épreuve, mais il y a énormément de facteurs à prendre en compte."

S’il y a néanmoins peu de chances que le gardien du LOSC fasse partie de la liste des Bleus, la réflexion derrière la redéfinition du rôle d’un 3e gardien en tournoi majeur fait son petit bout de chemin. Et pourra-ton vraiment être surpris si une équipe sort cette carte de son chapeau l’été prochain en Russie ?

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