La Coupe du Monde 2018 démarre dans deux jours. Pour patienter encore ces toutes dernières heures et faire honneur au pays hôte, Goal vous propose une série d'interviews exclusives avec d'anciennes légendes du football russe. Après ceux d'Oleg Salenko, de Roman Pavlyuchenko, d'Oleg Romantsev, d'Igor Yanovski, de Dimitri Sychev et d'Aleksandr Mostovoi, retrouvez aujourd'hui un entretien avec Aleksandr Kerzhakov.
Le meilleur buteur de l'histoire de la sélection russe (30 buts) a arrêté sa carrière il y a deux ans. Mais il est resté dans le "milieu" puisqu'outre son rôle d'ambassadeur pour la Coupe du Monde 2018, il travaille désormais pour la fédération de son pays. Il s'occupe de la sélection nationale des moins de 17 ans. Une première expérience sur le banc qu'il prend très à coeur et avec l'espoir que ça soit le début d'une autre longue et riche et carrière. C'est ce qu'il déclare, entre autres confessions, dans cette interview qu'il nous a accordée.
"J'ai connu une trentaine de coaches et j'ai appris de chacun d'eux"
Vous venez d'être nommé sélectionneur de l'équipe de Russie des moins de 17 ans. Est-ce une mission qui vous tient à cœur ? Qui vous intéresse beaucoup ?
Aleksandr Kerzhakov : Oui, bien sûr. C'est très sérieux. L'équipe nationale, c'est la plus grande étape pour n'importe quel footballeur, et peu importe l'âge. Pour les jeunes, les juniors, c'est la sélection des moins de 17 ans, et pour les adultes c'est la sélection A. Et c'est pourquoi c'est un immense honneur pour moi de m'occuper de cette équipe.
Au départ, vous souhaitiez vraiment commencer par les jeunes, ou est-ce une opportunité qui s'est présentée et vous l'avez saisie ?
Je me suis inscrit à l'école supérieure des entraineurs, pour la licence A. Et après avoir étudié pendant un certains temps, j'ai reçu une offre. Mais on m'a d'abord sondé, en me demandant si cela pouvait m'intéresser. J'étais l'un des candidats et la fédération russe m'a finalement choisi.

Avez-vous un plan de carrière ? Des étapes que vous souhaiteriez franchir une par une ? Ou vous vous laissez guider par le destin ?
Non, je ne me projette pas aussi loin. Je viens tout juste de prendre mes nouvelles fonctions et c'est trop tôt pour évoquer ce qui se passera après. A l'heure qu'il est, l'objectif le plus important, c'est de construire une bonne sélection, avec ces jeunes de moins de dix-sept ans, nés en 2001, que nous avons dans tout le pays.
Quand vous étiez joueur, vous étiez déjà intéressé par le métier d'entraineur ? Ou est-ce quelque chose qui est venu sur le tard ?
Disons que durant mon parcours professionnel, j'ai connu une trentaine de coaches différents et j'ai appris des choses de chacun d'eux. Mais l'idée n'a vraiment commencé à germer que vers la fin.
Qui est le coach qui vous a le plus inspiré durant votre carrière ?
J'ai appris et j'ai tiré le meilleur de chacun d'entre eux. Cela dit, dans tout ce que j'ai entrepris dans ma vie, mon exemple a été Yuri Andreevich Morozov (ndlr, son premier coach en pro au Zénit).
Quel genre de football, quel style, comptez-vous prôner et inculquer à vos joueurs ?
C'est difficile de le dire maintenant, parce que le style de jeu dépend en grande partie des joueurs que vous avez en votre possession. Il est nécessaire de bâtir en fonction de leurs qualités et de leurs capacités. Je dois d'abord faire connaissance avec les garçons, étudier leurs aptitudes et ce n'est qu'après que moi, ainsi que mon staff, nous allons mettre en place un style de jeu que nous jugerons le plus approprié.
Avez-vous le désir de coacher un jour à l'étranger ? Peut-être se peut-il même que la Ligue 1 française vous attire…
C'est très difficile pour moi d'en parler maintenant. Mais c'est un rêve pour tout le monde, c'est sûr. N'est pas un bon soldat celui qui ne songe pas à devenir général. Par conséquent, lorsqu'on s'engage dans tel ou tel domaine, on s'efforce de devenir le meilleur. Je le veux aussi. Mais je le répète, je ne me projette pas aussi loin dans le futur.

"Le record de buts en sélection est une fierté pour moi et toute ma famille"
Votre carrière de joueur fait partie du passé désormais. Auriez-vous imaginé à vos débuts qu'elle serait aussi réussie ?
Non, bien sûr. Ça a dépassé toutes mes attentes.
Vous êtes meilleur buteur de l'histoire de la sélection russe. Un record dont vous devez être très fier…
Oui, certainement. Je suis très heureux de cet accomplissement et c’est une fierté pour moi et les miens. Surtout pour mon père qui a toujours voulu ce que je suis devenu dans l'histoire du football russe. Et le voir heureux me rend comblé.
Et quels sont vos regrets ? Regrettez-vous, par exemple, de ne pas avoir participé à l'Euro 2008, où la Russie a réussi un remarquable parcours ?
Je ne peux rien regretter. Parce que si quelque chose de différent s'était produit, on ne sait pas ce qui se serait passé ensuite. Non, ma carrière a été magnifique. Les moments compliqués et les obstacles que j'ai pu connaitre, tout ça, ça m'a rendu plus fort et ça m'a aidé à atteindre les sommets.
Bientôt débute la Coupe du Monde, êtes-vous optimiste pour la sélection russe, en dépit notamment des nombreux blessés qu'elle compte ?
Je suis naturellement très soucieux pour notre sélection, que je supporte encore énormément. Mais je pense que notre équipe peut obtenir des résultats élevés. Il est évident que les blessures des joueurs sont problématiques, surtout ceux qui devaient jouer dans le onze de départ. Mais nous avons un coach expérimenté. Personne n'est à l'abri des blessures et je suis convaincu que les gars vont y faire face. Et ils vont être doublement motivés, afin de rendre heureux ceux qui ont été privés du tournoi.
Fedor Smolov devrait être l'attaquant titulaire de la Russie durant cette compétition. Que pensez-vous de lui ? Est-il votre digne successeur ?
Je connais "Fedia" (Smolov) depuis ses premiers pas dans le monde professionnel. Lui et Aleksandr Kokorine débutaient tout juste au Dynamo Moscou lorsque moi j'y ai débarqué en provenance de Séville. J'ai donc assisté à ses premiers buts, à ses premiers exploits au plus haut niveau. J'ai toujours dit que ce sont deux joueurs très talentueux. Ils n'ont pas le même style, mais ce sont deux grands attaquants. Malheureusement, Kokorine ne pourra pas participer à cette Coupe du Monde, mais je crois que Fedor Smolov va réussir à se montrer. J'aimerai beaucoup que cette compétition soit une sorte de tremplin pour lui afin qu'il intègre un grand championnat européen à partir de la saison prochaine.
Propos recueillis par Naïm Beneddra
