Jeremy Doku Manchester City GFXGetty/GOAL

Jérémy Doku : comment le "joueur de street" est devenu l'ailier le plus dévastateur de Premier League

Jérémy Doku a toujours eu cette capacité à créer l'extraordinaire, balle au pied. Ce qui lui manquait, c'était le discernement. Le quand et le comment utiliser sa magie. Dimanche, face à Liverpool – ce même club qui voulait le signer avant ses 16 ans – l'ailier de Manchester City a enfin montré au monde le joueur qu'il était destiné à devenir.

Sa performance scintillante lors de la victoire 3-0 contre les Reds fut l'un de ces rares cas où un seul homme domine outrageusement un match de très haut niveau. Il ne s'agissait pas d'un éclair de génie décisif, mais d'une succession de coups d'éclat, créant le chaos à chaque prise de balle. Une démonstration individuelle qui restera dans les annales de la Premier League.

On pourrait classer ce match aux côtés du triplé de Thierry Henry contre Liverpool en 2004, de la masterclass de David Silva lors du 6-1 de City contre United en 2011, ou du triplé de Mark Viduka pour Leeds, déjà contre Liverpool, en 2001.

  • Manchester City v Liverpool - Premier LeagueGetty Images Sport

    Sur les traces d'Eden Hazard

    Statistiquement, personne n'avait autant martyrisé une défense en Premier League depuis son compatriote Eden Hazard, en 2019. L'ancien de Chelsea était le dernier à avoir réussi, en un match, à gagner sept duels, réussir sept dribbles, créer trois occasions et cadrer trois tirs. Mais c'était contre West Ham. Pas contre le champion en titre, tombeur du Real Madrid quelques jours plus tôt.

    Alors que beaucoup de stars se tétanisent quand le monde les regarde, Doku, lui, semble s'en nourrir. « Dans les grands matchs, il y a toujours plus d'exposition, plus de beauté », a-t-il glissé à Sky Sports. L'ancien d'Anderlecht menaçait de sortir un tel match depuis le début de saison. Il avait été exceptionnel lors de la victoire 3-0 contre Manchester United en septembre, avait déchiqueté Burnley et s'était échauffé contre Dortmund.

    Aujourd'hui, Doku justifie pleinement les 65 millions d'euros (55,5 M£) investis par City en 2023. S'il maintient ce niveau, le prix ressemblera bientôt à une bonne affaire. Pourtant, ces deux dernières saisons, son transfert et son adéquation au style parfois métronome de City ont soulevé des questions. L'Etihad n'est pas toujours l'endroit idéal pour les purs individualistes.

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  • Manchester City v Tottenham Hotspur - Premier LeagueGetty Images Sport

    Du statut de "super-sub" au casse-tête pour Guardiola

    Doku n'a pas mis longtemps à impressionner les fans. Il a fait se lever le stade dès ses débuts contre Fulham et a marqué lors du match suivant à West Ham. Deux mois après son arrivée, il entrait dans l'histoire de la Premier League lors d'un 6-1 contre Bournemouth, devenant le plus jeune joueur à être impliqué sur cinq buts (un but, quatre passes décis).

    Mais cette performance incroyable fut suivie d'un long passage à vide, aggravé par une blessure musculaire de six semaines. Dix matchs sans être décisif, une confiance limitée en Ligue des champions (une seule titularisation). Il était devenu un "super-sub", capable de sortir du banc pour créer des étincelles, comme contre le Real Madrid ou Chelsea en demi-finale de Cup. Sur ses deux premières saisons, il tournait à trois buts et sept passes décisives en championnat. Maigre pour un joueur de ce prix.

  • Manchester City v Borussia Dortmund - UEFA Champions League 2025/26 League Phase MD4Getty Images Sport

    La métamorphose du diamant brut

    Il faut dire que Doku n'a jamais été un homme de statistiques pures. Lors de sa meilleure saison à Rennes, il n'avait compilé que six buts et deux passes en Ligue 1. Un fait que Guardiola n'a pas manqué de rappeler dimanche : « Pour être honnête, je pense qu'il ne sera jamais un grand buteur. Mais il s'exige d'être meilleur, il écoute, et il a ce don spécial pour le dribble. Il a été agressif avec et sans ballon. Nous avons essayé de l'aider et il a fait un match exceptionnel. »

    Guardiola n'a pas toujours été si élogieux. En 2024, il l'avait publiquement réprimandé pour quelques pertes de balle après une entrée en jeu. La saison dernière, il critiquait sa performance à Old Trafford. Il aura fallu attendre la fin de saison pour que le coach admette avoir été "injuste" avec l'ailier en ne le faisant pas jouer davantage. Doku risquait même de sortir des plans, Guardiola préférant densifier son milieu. Aujourd'hui, il est l'un des premiers noms sur la feuille de match, ayant participé à 16 des 17 rencontres de City cette saison (11 titularisations).

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  • Manchester City v Liverpool - Premier LeagueGetty Images Sport

    L'intelligence de jeu, le dernier rempart

    Doku n'est pas le premier à avoir eu besoin de temps sous Guardiola. Grealish ou Gvardiol ont tous nécessité une première saison d'acclimatation. Doku en a eu besoin de deux, mais il semble avoir enfin maîtrisé ce que le Catalan attend de lui, sans pour autant perdre cette "poussière d'étoile" qui fait sa différence. L'essentiel est qu'il a compris comment utiliser son talent, même si Guardiola, modeste, refuse d'en prendre le crédit : « Je sais que je suis bon, mais ne me surestimez pas. Ce sont les joueurs qui le font. Je n'apprends pas à Doku comment dribbler, c'est un talent naturel. »

    Ce talent vient du béton d'Anvers, où il a perfectionné son dribble si reconnaissable. Mais cette éducation à la dure, même polie à Anderlecht, l'avait habitué à garder la tête baissée, à jouer pour lui. Thierry Henry, qui l'a connu en sélection belge, l'avait analysé sur CBS : « Il n'a aucune limite, mais il a besoin d'être guidé. Nous savons tous qu'il peut finir les actions, mais parfois, il faut savoir ralentir pour voir le jeu, pour avoir la vision d'ensemble. »

  • FBL-ENG-PR-MAN CITY-LIVERPOOLAFP

    "C'est du football sexy"

    La performance de Doku contre Liverpool, et son but en particulier, a même réussi à décrocher un sourire à l'austère Roy Keane. « Je pourrais regarder ça toute la journée, a-t-il lâché sur Sky Sports. C'est du football sexy, fantastique. » Micah Richards, ancien de City, a ajouté : « Il a passé un cap. Combien de fois l'avons-nous vu foncer dans des impasses ou choisir la mauvaise passe ? Maintenant, il joue avec conviction. »

    Daniel Sturridge, passé par les deux clubs, a été bluffé par le geste signature de Doku, "la baguette", ce mouvement où il feinte d'un côté avant d'exploser de l'autre : « Cette feinte fonctionne à chaque fois. Il a cette petite explosivité qu'un défenseur ne peut pas anticiper. Quand il décide de faire ce geste, il est inarrêtable. »

    Sturridge a également pointé le changement majeur : « Désormais, il a un plan en tête. Il ne joue plus seulement à l'instinct. Il est si direct. Peu importe qui il affronte, il va lui causer des problèmes. »

    L'intéressé, lui, a deux explications plus simples. La première, spirituelle : « Ce qui a changé, c'est que j'ai Dieu dans ma vie maintenant », a déclaré l'ailier, baptisé en septembre. La seconde est collective : « J'ai des joueurs incroyables autour de moi. Ils me poussent chaque jour parce qu'ils croient en moi. Cela me donne le sentiment que je dois en faire plus à chaque match. » Et les joueurs de City doivent se dire qu'avec un Doku à ce niveau, la vie est, en effet, beaucoup plus facile.

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