Canal+ croyait tenir solidement son trône dans la diffusion des compétitions européennes. Mais l’arrivée d’un géant du streaming change tout. Alors que les négociations pour les droits TV de la Ligue des champions sur la période 2027-2031 battent leur plein, DAZN, soutenu par des fonds saoudiens, vient de jeter un pavé dans la mare. Le paysage audiovisuel français s’apprête peut-être à vivre un tournant historique.
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Canal+ en grand danger dans la course aux droits TV
Depuis plusieurs années, Canal+ s’impose comme le visage du football européen en France. La chaîne cryptée débourse chaque saison près de 480 millions d’euros pour offrir à ses abonnés la Ligue des champions, la Ligue Europa et la Ligue Conférence. Un montant colossal, mais qui pourrait ne plus suffire. L’UEFA a ouvert la porte à de nouveaux prétendants, et les géants du numérique - Netflix, Amazon Prime Video ou Apple TV - se préparent à dégainer leurs offres. L’enjeu est immense puisque la nouvelle période de droits s’étendra sur quatre saisons, de 2027 à 2031.
Ce qui inquiète surtout Canal+, c’est l’ambition financière de l’UEFA. Son directeur marketing, Guy-Laurent Epstein, a détaillé la nouvelle stratégie dans une interview à L’Équipe. « Aujourd’hui, sur les trois compétitions, on réalise 4,4 milliards d’euros de revenus par saison (dont 3,6 pour la C1), on veut dépasser largement les 5 milliards. Lors du dernier appel d’offres, la croissance était de 25%, mais nous avions lancé le nouveau format. Cette fois-ci, nous visons encore 20 à 25% d’augmentation », a-t-il indiqué. Un message clair, presque une mise en garde : il faudra payer plus pour conserver la C1.
GettyUn nouveau découpage des lots et des tensions croissantes
L’UEFA ne se contente pas d’ouvrir la concurrence. Elle a également décidé de changer d’agence commerciale, confiant la vente des droits à Relevent en lieu et place de Team Marketing. Cette modification s’est accompagnée d’un nouveau découpage des lots qui bouleverse les stratégies des diffuseurs.
Le fameux lot A, le plus convoité, comprend la meilleure affiche du mardi, la finale de la Ligue des champions, la Supercoupe d’Europe et les résumés exclusifs des autres matchs. Autant dire que décrocher ce lot, c’est s’assurer une visibilité maximale. Et aujourd’hui, tout le monde le veut.
Face à cette compétition féroce, Canal+ semble inquiet. Epstein a tenté d’apaiser la situation en rappelant le statut de la chaîne française. « C’est le plus gros contributeur individuellement. Mais on ne le froisse pas, Canal+ est aujourd’hui en concurrence tous les jours avec Netflix, Prime Video et les autres. On lui dit juste qu’on ne peut pas se permettre de ne pas parler aux nouveaux acteurs. Est-ce que cela l’inquiète ? Peut-être… Mais Canal+ est puissant et sait ce qu’il a à faire ».
AFPL’entrée en scène de DAZN, propulsé par Riyad
C’est The Guardian qui a allumé la mèche. Le média britannique révèle que DAZN, la plateforme de streaming sportif déjà présente dans plusieurs pays européens, souhaite elle aussi participer à l’appel d’offres pour la Ligue des champions. Une initiative motivée par son nouveau partenaire financier, l’Arabie saoudite.
En février 2025, la société Surj Sports Investment, appartenant à un fonds saoudien, a acquis 10 % de DAZN pour 1 milliard de dollars. Cette prise de participation est intervenue juste après l’accord entre la plateforme et la FIFA pour diffuser en exclusivité mondiale la Coupe du Monde des Clubs. Fort du succès rencontré lors du tournoi organisé aux États-Unis, DAZN entend poursuivre sa conquête du marché international.
Selon le journal anglais, cette volonté d’investir dans la C1 s’explique aussi par une stratégie d’ajustement économique. Le groupe chercherait à réduire ses dépenses sur d’autres championnats, notamment la Ligue 1 française et la Jupiler League en Belgique, tout en renforçant son image à travers la compétition la plus prestigieuse du football européen.
Getty Images SportUn tournant majeur pour le paysage audiovisuel européen
L’entrée de DAZN dans la bataille change la donne. Pour la première fois, un acteur du streaming sportif mondial, soutenu par des capitaux du Golfe, menace directement la suprématie de Canal+ sur le marché français. Si le groupe saoudien pousse l’investissement encore plus loin, il pourrait faire exploser les enchères et rebattre totalement les cartes.
L’UEFA, de son côté, ne cache pas ses ambitions. En associant les cinq plus grands marchés européens (France, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Italie) à une offre globale, elle espère atteindre des sommets financiers inédits. Et si les propositions des géants du numérique dépassent celles des chaînes traditionnelles, le verdict sera sans appel.
La partie est loin d’être terminée. Mais une chose est sûre : Canal+ n’a plus la mainmise sur la Ligue des champions. Et dans cette course effrénée où se mêlent puissance financière, politique d’influence et nouvelles technologies, DAZN semble prêt à frapper fort.