Il ne fallait pas arriver en retard ce lundi à la salle de presse du stade Nelson Mandela pour la présentation du nouveau sélectionneur de l’Algérie, Vladimir Petkovic. Avec les Suisses, la ponctualité est de rigueur. Comme il ne fallait pas partir trop tôt non plus, car l’exercice s’est étiré sur plus d’une heure, montre en main, et des choses intéressantes ont été dites à mesure que l’échange s’étirait. On nous avait vendu des sorties médiatiques lénifiantes chez le technicien natif de Sarajevo, mais force est de reconnaitre que ce fut plutôt captivant. Même en s’aidant d’un traducteur pour s’exprimer, le remplaçant de Djamel Belmadi a réussi à séduire son assistance. Si cet examen oral augurait ne serait-ce qu’un peu de ce que sera son parcours à la tête des Verts alors il y a de quoi être confiant pour le futur à court et moyen terme de cette sélection.
Il est venu pour gagner
Passons les habituelles formules de circonstances propres à un premier contact, Petkovic s’est démarqué par son côté ambitieux. A ceux qui l’ont questionné sur la complexité de ce rôle, tant par rapport à son exigence que de l’éloignement qu’il requiert vis-à-vis de sa famille, il a d’emblée affirmé qu’il n’était pas venu en touriste. « Je ne suis pas ici pour participer, mais pour gagner », a-t-il clamé de manière ferme mais calme. Le ton n’a d’ailleurs pas varié durant ce rendez-vous. L’intonation de sa voix est restée la même et il ne s’est jamais départi de son flegme. Y compris quand il a fait face aux premières réserves liées à sa carte de visite. Quand un collègue a souligné qu’il n’a remporté « que » la Coupe d’Italie, il a habilement rétorqué que « les critiques font partie du métier » et qu’ « aucun humain ne peut être parfait ».
La pression, un élément indispensable
Petkovic ne serait aujourd’hui pas à la tête de sélection si tout allait bien avec son prédécesseur. Il le sait très bien, mais cela ne l’a pas empêché de rendre hommage à celui dont il assure la succession. « Un très bon travail a été fait avant mon arrivée », a-t-il relevé de manière très classe, avant de souligner avec humilité que « des améliorations doivent être faites » et qu’il est là pour ça. Evidemment, il n’a pas attendu cette journée pour se mettre au travail et il a déjà pu identifier les manques dont pâtit cette équipe. L’aspect psychologique apparait comme étant le premier levier sur lequel il compte s’appuyer. « J’ai l’impression qu’à la CAN il y avait plus un problème de pression et du jeu. Ma tâche sera d’ajouter ou de diminuer la pression sur les joueurs en fonction des moments. Car travailler sans pression n’est pas normal. Mais il faut qu’on soit tous unis, le staff, les joueurs, les supporters ainsi que vous (les journalistes, ndlr) ». Un discours mobilisateur que tout bon parleur aurait pu tenir mais qui clairement fait du bien par les temps qui courent. Avoir l’union sacrée est déjà un bon pas vers le redressement, même si l’accalmie et la paix sociale seront toujours indexés aux résultats.
Repartir de zéro mais sans exclure personne
Les propos de Petkovic étaient empreints de beaucoup de diplomatie et cela s’est aussi vérifié quand il a eu à évoquer l’ossature de l’équipe sur laquelle il allait s’appuyer. Tout en affirmant vouloir repartir de zéro dans le sens « positif » de l’expression, il a aussi assuré « qu’aucun international algérien n’est à ce jour exclu de son projet » et qu’il sélectionnera surtout les meilleurs. Une manière de maintenir tout le monde en éveil, diffuser de l’espoir tout en évitant de passer pour celui qui révolutionne tout sans prendre en compte les « outils » qu’il a à sa disposition. Il a d’ailleurs avoué être « curieux » de mesurer la qualité du groupe et les individualités qui la composent. Une posture somme toute intelligente. Car pourquoi se tirer une balle dans le pied d’entrée en écartant des « anciens » sous prétexte que l’opinion publique réclame leur tête. Non, il est tenu de se faire sa propre idée et difficile de lui en faire le reproche.
Seul bémol, point d’indication sur ses idées de jeu
Si Petkovic a été embauché c’est pour plusieurs raisons et la principale est certainement que c’est un coach très compétent au niveau tactique. Avec la sélection suisse, on a pu constater à quel point il maitrisait cet aspect et s’adaptait aussi bien à ses joueurs qu’aux caractéristiques de l’adversaire. Evidemment, le contexte est différent en Algérie et on aurait aimé savoir s’il prévoit de revoir certains de ses préceptes ou imposer ce qui a fait sa réputation. Durant cette première conférence de presse, il n’a malheureusement pas été trop question du jeu. La seule fois où il en a parlé c’est pour dire qu’il a « des idées bien établies » sans entrer dans le détail. Il faudra donc s’armer de patience pour découvrir ce qu’il prévoit d’entreprendre et à quel point il veut rompre avec le passé.
L’ancien patron de la Nati va relever un challenge en coachant pour la première fois sur le sol africain. Mais, de son propre aveu, c’est pour ça qu’il se lève le matin, à savoir s’attaquer à un nouveau défi. Et découvrir un nouveau style de football est surtout une source d’excitation pour lui. « Je me suis déjà renseigné », a-t-il assuré en creux. Il a aussi promis qu’un grand travail sera fait. Et l’objectif à court terme est déjà de trouver une bonne cohésion de l’équipe et d’avancer pas à pas, au quotidien. Un discours convaincant et réfléchi. Gageons à présent à ce que son apport dans la fonction qui lui est propre le soit tout autant.
