Pendant plus de cinq ans, Paul Pogba et N’Golo Kanté incarnaient à la fois la solidité et la créativité du milieu de terrain de l’équipe de France. Entre mars 2016 et jusqu’à l’Euro 2021, cette doublette était intouchable dans l’entrejeu des Bleus. Et à juste titre tant elle était séduisante, avec comme point d’orgue pour cette brillante association la conquête du Mondial en Russie. Mais, cette période est aujourd’hui révolue. La faute à la concurrence, mais aussi aux principaux concernés.
Plus d’un an sans Pogba ni Kanté
Pogba et Kanté ont basculé sur un chemin de croix depuis plusieurs mois. Principalement à cause des pépins physiques, mais il n’y a pas que cela. Certes, La Pioche a contracté au moins huit blessures depuis juillet 2022, date de son engagement avec la Juventus, et que NG a été arrêté 300 jours sur les deux dernières années, mais il y a d’autres facteurs qui ont fait qu’ils se sont éloignés des Bleus. Les soucis d’ordre personnel, par exemple. Chacun en a eus, et pas que des petits.
Alors qu’ils cumulent 144 capes à eux deux, Pogba et Kanté ne sont plus apparus sous la tunique tricolore depuis plus d’un an. Depuis le 3 juin 2022 plus précisément, lors d’un match contre le Danemark en Ligue des Nations et durant lequel l’ancien caennais a joué ses premières 90 minutes entières au niveau international depuis l’Euro de l’été précédent. Comment la sélection s’est comportée à la suite de cette double défection ? La réponse est : plutôt bien. Certes, il y a eu trois revers de concédés entretemps mais aucun de véritablement significatif (deux en Ligue des Nations, et le match contre la Tunisie au Mondial). Et dans la balance, les résultats positifs sont beaucoup plus nombreux, avec notamment ce parcours quasi glorieux lors de la Coupe du Monde qatarie.
Deschamps a dû revoir sa tactique
Les Bleus ont donc su très bien surmonter la perte de ceux qui jadis étaient leurs cadres. Et il y a deux raisons à cela. La première c’est le changement de système opéré à partir du Mondial par Didier Deschamps. Le patron tricolore a abandonné son 4-4-2 asymétrique pour un 4-3-3, non sans avoir testé entretemps d’autres configurations avec une réussite relative (le 3-4-3 de l’Euro). Un nouveau schéma, pas forcément plus convaincant que le précédent, mais qui a porté ses fruits.
Lors du sacre planétaire d’il y a quatre ans, Kanté et Pogba étaient les garants de l’équilibre collectif, aidés parfois par Blaise Matuidi, le milieu de terrain gauche. Aujourd’hui, le travail qui consiste à protéger l’arrière-garde et servir de rampe de lancement pour les attaquants n’est pas seulement la tâche de deux joueurs. Le rôle de sentinelle est occupé par Aurélien Tchouaméni et devant lui il y a deux relayeurs, en l’occurrence Adrien Rabiot et Antoine Griezmann.
L’admirable sacrifice de Griezmann
L’évolution tactique a pris, mais encore fallait-il que les hommes soient performants. Et de de côté-là, Deschamps n’a pas à se plaindre. Le trio a donné pleinement satisfaction et est également apparu très complémentaire. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain bien sûr et il a aussi dû tenter d’autres options, mais une fois que la mayonnaise a pris il est évident que l’équipe de France disposait de nouveau d’un socle très solide.
Tchouaméni et Rabiot sont à saluer pour les progressions qu’ils ont accomplies. Match après match, ils se révèlent de plus en plus précieux dans le onze tricolore. Mais, l’essentiel du crédit est peut-être à attribuer à Griezmann. En vrai joueur de collectif, ce dernier a su se « sacrifier », en abandonnant une partie de ses velléités offensives pour pouvoir assurer un peu plus le liant entre la défense et l’attaque. Avec sa technique et son goût pour le combat, il s’est tout de suite révélé être étincelant dans ce rôle. A se demander même s’il n’a pas joué toute sa carrière à ce poste. Evidemment, il lui arrive encore d’occuper une position plus haute sur le terrain, face à des défenses regroupées et dans un système en 4-2-3-1, mais cette responsabilité de milieu hybride lui va comme un gant et on verrait mal DD l’en déloger dorénavant.
GettyTchouaméni s’impose en patron
Le match contre l’Eire de vendredi dernier a illustré à merveille la rentabilité de ce milieu à trois. Tchouaméni a même été élu homme du match, en signant une prestation pleine avec une réalisation à la clé. Son sélectionneur a aimé le but, mais il a surtout apprécié son abattage, avec pas moins de 126 ballons touchés et un énorme travail à la récupération. Griezou et Rabiot, eux, ont été un peu moins en vue, mais tout aussi importants. Toujours disponibles, régulièrement en mouvement et cherchant constamment à transmettre le ballon dans les meilleures conditions.
Tout va bien donc chez les Bleus et on croise les doigts pour que cette embellie puisse durer. Il n’y a aucune raison pour que ça ne soit pas le cas, même si Griezmann n’a peut-être plus trop d’années en sélection devant lui. Et quand bien même un élément venait à manquer, la France possède aujourd’hui dans son réservoir d’autres talents à même de répondre aux attentes de sélectionneur. On pense notamment à Eduardo Camavinga, même si ce dernier a surtout été utilisé comme latéral gauche jusque-là en équipe nationale.
La porte n’est pas fermée aux anciens
Et puis, il n’est pas interdit de croire en un retour de Pogba et Kanté dans le futur. L’un comme l’autre viennent de reprendre la compétition avec leurs clubs respectifs. Kanté se produit désormais en Arabie Saoudite (à Al-Ittihad), mais à en croire Deschamps ce n’est pas rédhibitoire et il est tout à fait possible qu’il le rappelle s’il retrouve son niveau d’antan. La porte n’est donc pas fermée à ce duo et rien n’est gravé dans le marbre. La seule certitude est que même sans eux, la France parvient à rester performante. Et c’est tant mieux.
