Un style de jeu léché, tu redonneras
Avant de viser la lune, l'objectif premier de Luis Enrique ne serait-il pas celui-ci ? Marcher sur la Ligue 1 n'était pas un problème dans la première partie du projet QSI. C'était un temps où l'on ne se demandait pas si le PSG de Motta ou Ibra allait gagner, mais simplement combien de buts il allait passer à sa victime. Chaque adversaire devenait une proie pour laquelle un modeste match nul n'était même pas une option. Encore moins au Parc. Depuis quelques années, la donne a changé. Le Covid est passé par là, mais le public parisien doit reprendre du plaisir à voir jouer son équipe. C'est aussi simple que cela. C'est l'essence-même du supportérisme. Un beau match de foot met bien des problèmes sous le tapis. C'est le mot d'ordre du nouvel homme fort du PSG : "L'identité offensive, c'est non-négociable". Ces mots sonnent bien.
Cela passera par un vrai mode opératoire, avec et sans ballon. Une approche ambitieuse dans le jeu. Des circuits répétés et huilés. Autant d'ingrédients inhérents au statut du PSG, pour redonner aux Rouge et Bleu cette faculté à percer n'importe quelle défense regroupée sur une attaque construite et placée. Une façon de rappeler que pour être fort avec les forts, Paris doit déjà redevenir fort avec les faibles, sans mépris aucun pour notre bonne vieille Ligue 1.
L'environnement du PSG, tu maitriseras
Après avoir connu le particularisme identitaire du FC Barcelone, Luis Enrique débarque sur la planète PSG, un écosystème tout aussi singulier, prompt à lessiver n'importe quel entraîneur quand les choses ne tournent pas rond. À Paris, le natif de Gijón devra apprendre à jouer les équilibristes entre les différents courants de décision du club de la capitale : le président Nasser Al-Khelaïfi, le directeur du football Luis Campos, et surtout Doha, incarné par l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani. Le Barça avait déjà une dimension très politique. L'expérience de Luis Enrique sur le banc des Blaugrana (2014-2017) sera précieuse.
GettyUn esprit d'équipe, tu instaureras
C'est en s'appuyant sur un socle collectif fort que la magie du PSG de QSI a le plus souvent opéré. Dans cette course aux étoiles, le premier étage de la fusée avait été incarné par une bande de potes aux noms ronflants et au talent éloquent, juste heureux d'être ensemble dans la plus belle ville du monde : les Ibrahimović, Maxwell, Thiago Silva, Pastore, Lavezzi, Matuidi et autres Thiago Motta. Verratti et Marquinhos, aussi – on y reviendra. L'été 2017 a marqué un tournant avec les arrivées des deux superstars Neymar et Mbappé. Mais deux épopées européennes successives (finale en 2020, demi-finale en 2021) ont attesté à quel point la notion d'unité pouvait renverser des montagnes quand l'altitude s'élève, et que l'air devient irrespirable. Cette dernière période à succès était celle du clan des latinos (Neymar, Navas, Paredes, Herrera...). Luis Enrique n'est pas un homme de consensus. Dans ce contexte, c'est une force. Pas une faiblesse. Il faut être un fauve pour diriger des fauves.
Des cadres historiques usés, tu régénéreras
Dans cette grande aventure, deux hommes ont un statut à part : Marco Verratti et Marquinhos. Joueurs les plus anciens de l'effectif, le petit hibou Marco (présent depuis 2012) et le capitaine brésilien Marqui (arrivé en 2013) ont tout connu, ensemble : les titres, la gloire, l'ascension et l'espoir, les saisons fastes et les périodes noires. Ce sont des figures majeures de l’ère récente du club. Usés par les crashs à répétition, ces deux coqueluches du Parc ont perdu de leur superbe. La capacité de Luis Enrique à les remettre en selle sera une autre clé pour avoir un avenir doré.
Les recrues estivales, tu intégreras
On ne va pas se mentir : quel amoureux du PSG n'a pas imaginé Georginio Wijnaldum impulser son dynamisme comme dans le hard-rock football de Liverpool ? Quel observateur n'a pas visualisé Achraf Hakimi débouler comme un TGV sur son côté comme à Dortmund ou Milan ? Quel journaliste avisé ne s'est pas frotté les mains à l'idée de voir Gianluigi Donnarumma devenir la référence ultime des gardiens après son Euro magistral ? Le PSG est un sacré défi où les faits d'armes du passé sont à ranger aux oubliettes. À Paris, il ne faut pas avoir été. Il faut être. Quand le rideau sera levé, il n'y a que la loi du rectangle vert qui comptera pour Milan Škriniar, Lucas Hernandez, Marco Asensio, Manuel Ugarte et les autres. Ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle en soi, finalement, au vu de leurs pépins récents. Tout ce beau monde devra s'accorder en partant sur la même ligne avec Luis Enrique en chef d'orchestre.
Getty ImagesUne préparation physique parfaite, tu réussiras
Bien-sûr, le profil des recrues souligne à quel point la préparation estivale sera primordiale pour la saison du PSG. Il s'agit d'une période décisive où la batterie se charge avant le grand voyage. Luis Enrique et son staff technique ne devront pas se tromper. Parce qu'un certain nombre d'éléments sont à remettre sur pied pour retrouver leur meilleur niveau, déjà - citons donc les arrivants Škriniar et Hernandez, auxquels s'ajoutent Neymar, Kimpembe ou Renato Sanches, s’ils sont à Paris la saison prochaine. Mais aussi parce que les Parisiens seront attendus au tournant sur le plan athlétique - caractéristique essentielle du football moderne où l'on a souvent eu envie de leur taper sur les doigts, ces derniers temps. Après une saison inédite plombée par la Coupe du monde, Luis Enrique aura un calendrier plus classique. Avec un seul objectif : arriver à plein régime au printemps, quand les grands cols se présentent. En Europe, mais pas que.
Un équilibre défensif, tu (re)trouveras
S'il n'a pas enchanté les esthètes du jeu offensif, le champion de France s'est surtout montré friable défensivement. Et ce n'était pas qu'une question d'hommes. Individuellement, les Portugais Danilo et Nuno Mendes ont été les seuls joueurs à leur niveau sur l'ensemble de la saison. Mais par-delà les faillites des uns et des autres, la porosité du PSG découlait, surtout, d'une impression de tâtonnement permanent sur le plan tactique. Christophe Galtier a alterné les systèmes en 3-4-3, 4-3-3 ou 4-4-2 sans jamais trouver l'équilibre qui aurait sécurisé sa défense.
Combler le départ de Lionel Messi par un joueur offensif de haut niveau plus travailleur sur les phases sans ballon - Bernardo Silva par exemple - serait une première réponse. Renforcer quantitativement l'effectif pour créer une nouvelle émulation en serait une autre. Les arrivées de Milan Škriniar, Lucas Hernandez et Manuel Ugarte, trois joueurs réputés pour leur agressivité, vont dans ce sens.
Un milieu de terrain enfin performant, tu construiras
Pour atteindre son idéal en termes de jeu, Luis Enrique devra trouver le juste milieu. Dans la ville lumière, cette petite musique résonne à en faire mal aux oreilles depuis des années. Depuis l'abolition du trio Motta-Matuidi-Verratti plus précisément. Le nouvel entraîneur du Paris Saint-Germain n'est pas un dogmatique, mais il a conscience des failles de cette équipe dans la salle des commandes, là où tout s'organise. Un meilleur milieu de terrain passera par un recrutement cohérent, d'abord, avec un surplus de qualité pour épauler un Verratti désœuvré. Viendra ensuite la mise en place d'une association complémentaire - à deux, à trois ou plus si des joueurs d'autres lignes (défensive et offensive) viennent se greffer aux milieux pour créer une supériorité numérique permanente, dans une idée chère à Pep Guardiola. Ancien milieu réputé pour sa polyvalence, Luis Enrique a un profil qui répond à cette nécessité. Le milieu était la force de son Espagne.
Une nouvelle langue, tu apprendras... ou pas
Le PSG n'est pas la première expérience à l'étranger de Luis Enrique dans sa deuxième vie d'entraîneur. Avant Paris, avant même le Barça, le technicien espagnol s'était fait les dents à la Roma. Sans grand succès. Il y a donc une part d'inconnue sur la capacité d'adaptation de cet homme au caractère bien trempé. Avec une question en toile de fond : le nouveau coach du PSG apprendra-t-il le français ? Ce serait souhaitable pour l'Asturien, dont la voix cassée et le ton saccadé animent des points presse potentiellement mouvementés lorsqu'il active, par exemple, ce levier (vieux comme le foot) consistant à resserrer son groupe contre le reste du monde. "Je ne parle pas bien français, mais j'ai commencé à l'étudier", a-t-il lancé en introduction au moment des présentations, avant de concéder, plus tard, que sa compagne serait son alliée dans cette mission.
Que l'on ne s'y trompe pas, maîtriser la langue de Molière n'est pourtant pas une obligation pour avoir du succès en France. Marcelo Bielsa, Jorge Sampaoli ou Igor Tudor l'ont démontré sur le banc du rival marseillais. À Paris, Thomas Tuchel restera sans conteste le meilleur élève en la matière, mais on n'oubliera pas Unai Emery, moqué de façon ingrate et gratuite pour son accent et son débit. Apprendre le français, oui. Mais pas à moitié. En communication, la prime est à la clarté.
Mbappé-Neymar : la connexion de tes 2 stars, tu rétabliras
L’arrivée de Luis Enrique ressemble à la meilleure des nouvelles pour Neymar. L'Espagnol avait sublimé le Brésilien pendant leurs années communes à Barcelone. Neymar est un artiste. Un sensible. Un Neymar performant est un Neymar heureux. Conforté, réconforté. A minima cadré. Parfois recadré. Luis Enrique sait faire. Magnifier Neymar ne signifie pas délaisser Kylian Mbappé.
L'avenir du buteur est plus qu'incertain après le nouveau coup de pression de Nasser Al-Khelaïfi pour une une prolongation. Si le nouveau coach du PSG a la chance de le conserver, le prodige de Bondy sera la pièce qui a tant manqué à ses échiquiers lorsqu'il était aux commandes de la sélection espagnole : l'homme qui change le rythme. Celui qui, sur un appel, va piquer verticalement pour fructifier une séquence de préparation latérale. Considérant que l’arc et la flèche restent dans la capitale, les deux cracks seront encore les joueurs superlatifs de l'effectif en termes de talent pur.
GettyEn réalité, s’il y a eu de la friture sur la ligne, la connexion n'a jamais été rompue sur le terrain. Mais elle est perturbée, discontinue. À l'image de ce soir d'automne, contre la Juve, où Mbappé avait fait exploser le Parc d'une reprise foudroyante sur une exquise louche du Ney, avant d'oublier de le servir en seconde période sur une action largement dans ses cordes. L'homme qui a drivé la fantastique MSN d'une main de maître peut-il recoller les morceaux ? Sans Lionel Messi, l'affaire semble moins insurmontable, curieusement. Le génie de l'Argentin n'est pas en question, mais sa présence pouvait fractionner, bien malgré lui, le trio en une sorte de "deux plus un" où Mbappé pouvait se sentir isolé. Le nœud du problème ? Peut-être pas, si l'on considère la perception de Neymar à l’égard du numéro 7, avec son influence, diffuse et supposée, sur la volonté du club de le pousser dehors. Le sujet est sensible. Presque tabou. Il serait bien de crever l'abcès. Dans le sport, il n'y a pas besoin de s'aimer pour gagner. Mais quand le vent souffle fort, ça peut aider.




