Ibrahima Konaté (19 ans) est l'une des nouvelles têtes de l'équipe de France Espoirs. Surclassé par Sylvain Ripoll pour le dernier rassemblement avant la préparation de l'Euro (16 au 30 juin), le défenseur du RB Leipzig accueille cette première convocation telle une récompense. L'accomplissement d'un travail qu'il entend poursuivre avec son club où il fait figure d'indéboulonnable en défense centrale. Goal a rencontré l'ancien Sochalien ce lundi peu de temps après son arrivée avec le groupe à Clairefontaine. Calme, souriant et détendu, il s'est laissé aller à quelques confidences, évoquant son parcours avec beaucoup de recul.
C'est votre première convocation en équipe de France Espoirs. Cela vient récompenser une belle saison de votre part.
Ibrahima Konaté : C'est ça, c'est la récompense de mon travail en club avant tout. Je suis très heureux d'être appelé en U21 aujourd'hui. Pour moi, c'est un échelon de franchi.
Vous êtes le défenseur le plus utilisé cette saison à Leipzig (33 matches, 2 745 minutes jouées). Vous devez être très satisfait de l'exercice que vous réalisez.
C'est sûr que c'est une très bonne saison. Je joue et je suis performant, mais si j'ai eu autant de temps de jeu, c'est aussi parce que des joueurs ont eu des pépins au début de la saison, comme c'est le cas en ce moment pour Dayot Upamecano. Je suis désolé pour lui et j'espère qu'il va revenir très rapidement.
Avez-vous parlé des Espoirs ensemble justement ?
Quand il a appris ma sélection, il était très content pour moi. Il m'a encouragé, il m'a expliqué un petit peu comment ça se déroulait ici. Il m'a dit d'être moi-même et que si je restais moi-même, ça le ferait sans problème.
Au-delà des blessures de vos partenaires, si vous jouez au sein de la meilleure défense de Bundesliga c'est aussi parce que vous êtes performant. Comment arrivez-vous à vous démarquer des autres ?
Je ne me concentre pas sur les autres, mais uniquement sur moi. Je sais que j'ai beaucoup de travail. Je me dois de travailler dur pour être performant, et si je continue à travailler sérieusement on verra où ça me mènera.
Prochain match:
PORTRAIT - La drôle d'ascension d'Ibrahima Konaté
Bryan Lasme, votre meilleur ami et ancien partenaire à Sochaux, nous disait que c'était difficile pour vous au départ. Racontez-nous cette période.
C'est vrai que c'était difficile. Il y avait la barrière de la langue, et j'arrivais de Sochaux. La Bundesliga, c'était un grand monde d'écart. Au début, j'ai fait quelques matches en U19. C'était un grand choc pour moi qui jouais quand même en Ligue 2, avec les professionnels. J'étais revenu au point de départ, mais c'est là où j'ai fait parler mon mental. Je n'ai pas lâché, j'ai continué à travailler à l'entraînement avec les pros. Petit à petit, j'ai été intégré au groupe et maintenant me voilà titulaire.
Que ce soit Bryan Lasme ou Albert Cartier, ils disent tous que vous étiez en avance sur les autres. Votre ancien coach dit même que vous étiez "le boss au centre, le papa ou le référent". Vous même, est-ce que vous aviez cette impression ?
Je pense, oui. Mais si les gens ont dit ça de moi, c'est parce que je suis quelqu'un de très sociable. Quand un nouveau joueur arrive, j'aime bien l'intégrer parce que je me mets à sa place. C'est avec le cœur que je le fais. Ce n'est pas forcément une question de maturité ou quoi que ce soit. J'applique juste ce que mes parents m'ont inculqué et ce que le centre de formation de Sochaux m'a appris. C'est tout ça qui m'a fait grandir pour devenir bon avec les gens.
"Kylian Mbappé a raison, il ne faut pas parler d'âge"
La notion d'âge est très présente chez les jeunes aujourd'hui. On nous renvoie souvent à la phrase de Kylian Mbappé : "Moi, tu m'parles pas d'âge". Êtes-vous aussi dans cet état d'esprit ?
Kylian Mbappé a raison. Comme il l'a dit, il ne faut pas parler d'âge. Sur le terrain, ce sont les meilleurs qui doivent jouer. Aujourd'hui, c'est bien d'avoir de l'expérience. Dans une équipe, c'est important. Mais ce n'est pas l'essentiel.
En Espoirs, on retrouve trois joueurs surclassés (Guendouzi, Sarr, Konaté). Pensez-vous sincèrement avoir un truc en plus par rapport aux autres joueurs de votre génération ?
Je pense que le coach, Monsieur Sylvain Ripoll, a dû voir nos performances en club, et c'est ça qui fait que nous sommes là aujourd'hui. Je ne sais pas si on a quelque chose en plus par rapport aux autres joueurs de notre génération. Ils n'ont rien à nous envier, mais le coach a fait ses choix et c'est sa décision de nous faire confiance.
Votre parcours en sélection est étonnant puisque vous n'avez pas toujours été un cadre de la génération 99 de Bernard Diomède. Comment avez-vous vécu les non-sélections et avez-vous dû vous remettre en question ?
Bien sûr. Surtout qu'en U16, j'étais souvent appelé. Ensuite, j'ai connu un trou avec la sélection. J'ai eu une grosse blessure, mais j'ai fait tout mon possible pour revenir en club et j'ai quand même débuté en pro à 17 ans. J'étais frustré de ne pas être appelé, mais je me disais qu'il y avait peut-être de meilleurs joueurs. Du coup, je me suis toujours remis en question. J'ai continué à bosser, à bosser, à bosser... Les listes sortaient et je n'étais pas dedans. Je ne remplissais pas mes objectifs, c'était difficile à accepter, mais je me suis toujours dit qu'il me manquait peut-être quelque chose. Je n'ai jamais pleuré sur mon sort, je n'ai jamais critiqué qui que ce soit. Je me suis simplement dit que le travail finirait par payer, et qu'avec un peu de patience j'arriverai où je veux aller.
Était-ce un objectif d'être appelé en Espoirs avant la fin de la saison ?
C'était un objectif d'être appelé en U20, tout simplement. Là, je suis appelé en U21. Je suis le plus heureux du monde. Je suis très, très content. Je suis même surpris d'être appelé aussi tôt. Ça prouve que j'ai bien bossé en club, et ça me donne encore plus envie de travailler pour devenir encore meilleur.
Vous pouvez jouer soit l'Euro Espoirs, soit le Mondial U20 l'été prochain. Pour quelle compétition vous positionnez-vous ?
On est tous ambitieux et on cherche tous à aller chercher le maximum, mais pour l'instant je n'ai pas encore été sur le terrain avec les U21. Je n'ai pas encore pu faire mes preuves. Je vais donner le meilleur de moi-même, que ce soit aux entraînements, dans la vie de groupe et en match pour plaire au coach, et si je suis amené à être appelé pour l'Euro U21, je serais le plus heureux du monde. Mais avant cela, avec mon club, on a encore beaucoup de matches. Je pense que je dois d'abord me concentrer sur ces matches avant de penser uniquement à la sélection nationale.
ENTRETIEN - Sylvain Ripoll : "On est capables de rivaliser avec les meilleurs"
Sylvain Ripoll disait à Goal que le réservoir de défenseurs centraux a rarement été aussi riche en équipe de France. C'est aussi cette concurrence qui peut vous tirer vers le haut.
Ah oui, oui. C'est certain, et c'est pour ça que j'étais surpris d'être appelé. Il y a beaucoup de très bons joueurs à mon poste, que ce soit en U20 et surtout en U21. Aujourd'hui, si je suis appelé, c'est que le coach me compare à ces joueurs-là, et ça me donne une motivation supplémentaire.
Avez-vous échangé avec Bernard Diomède, le sélectionneur de l'équipe de France U20, avant d'aller en Espoirs ?
J'ai parlé avec lui, mais certaines choses doivent rester entre lui et moi. Ce que je peux dire, c'est qu'il était content pour moi et qu'il m'a félicité.
"Faire le grand saut, ça ne me faisait pas peur"
À qui devez-vous cette réussite ?
Je pense que je la dois d'abord à moi-même, avec l'aide de mon entourage. Ils ont été là dans les moments difficiles. Quand j'étais en U19 à Leipzig, beaucoup de joueurs auraient craqué dans ma situation. Moi, j'ai toujours eu ma famille derrière, qui me disait d'être patient, de progresser, de travailler chaque jour, et c'est mon mental ensuite qui a fait que j'ai bossé pour progresser. C'est ça qui fait que je suis là aujourd'hui avec les Espoirs.
Albert Cartier était certain que vous n'aviez pas besoin d'étape intermédiaire avant de partir à l'étranger, que vous étiez suffisamment armé pour vous attaquer à un club comme Leipzig. Vous êtes en train de lui donner raison.
Je comprends qu'on puisse se poser des questions quand on passe de Sochaux à Leipzig. Mais moi, j'ai toujours su que j'avais un mental d'acier. Faire le grand saut, ça ne me faisait pas peur. Au contraire. Comme Albert Cartier l'a très bien dit, je n'avais sûrement pas besoin de passer par certains clubs pour arriver là où je suis aujourd'hui. Je ne vais pas dire que j'ai sauté des étapes, je dirais juste que je vais là où je dois aller.
Justement, où voulez-vous aller et de quelle manière ?
Je pense qu'il n'y a pas de secret dans la réussite. Si on est sérieux et qu'on est rigoureux dans notre travail, il n'y a pas de surprise. Albert Cartier m'a toujours appris à ne pas tricher. Si des clubs viennent toquer à ta porte, c'est normal. Si tu fais de bonnes performances, c'est normal. Si tu es appelé en sélection nationale, c'est normal. Mais il faut toujours garder la tête sur les épaules, et ne pas se prendre pour je ne sais qui. Ce que je me dis, c'est que si je suis bon, forcément le reste suivra. Il ne faut pas s'inquiéter.
Avez-vous un plan bien défini pour la suite ?
Non, et je pense que c'est ma force aujourd'hui. Je me donne des objectifs sans m'en donner. Par exemple, au début d'une saison, je me dis que je vais jouer un certain nombre de matches, que je vais marquer un ou deux buts. Mais je ne me donne pas d'objectifs plus précis. Je mets juste l'accent sur le travail, donner le meilleur de moi-même, en partant du principe que tout viendra à moi si j'applique à la lettre ce que je me suis fixé comme ligne de conduite.
Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter d'ici la fin de la saison ?
J'espère de tout cœur une qualification en Ligue des champions pour la saison prochaine, et pourquoi pas disputer une compétition internationale avec l'équipe de France.
Avec une petite préférence pour l'Euro Espoirs, on ne va pas se mentir.
(Rires) On veut toujours le meilleur. Maintenant, prenez ça comme vous voulez.
Propos recueillis par Benjamin Quarez, à Clairefontaine.