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Europa League - Où en est Denis Cheryshev, le héros russe du Mondial ?

En même temps qu'elle permet aux grandes stars de s'affirmer, une Coupe du Monde est toujours l'occasion pour des joueurs moins reconnus mais talentueux de se mettre en avant et marquer l'histoire. L'édition 2018 de Russie n'a pas fait exception et parmi les éléments que le grand public a pu découvrir il y a eu Denis Cheryshev. Cet ailier de vingt-huit ans a été le grand artisan de l'excellent parcours du pays hôte, la Sbornaya, avec notamment quatre buts à son compteur. Et des réalisations aussi belles les unes que les autres.

Un an s'est presque écoulé depuis ce tournoi international et Cheryshev n'a plus vraiment été sous les feux des projecteurs, ou alimenté les unes des journaux dans son pays. Mais cela ne veut pas dire qu'il s'est mis en retrait. Le natif de Nijni Novgorod évolue cette saison avec le FC Valence, l'un des principaux clubs espagnols. Il y est prêté par Villarreal et, à un mois de l'épilogue de la saison, c'est un passage chez les Ché qui se révèle être une vraie réussite.

Performant et précieux à Valence

En ralliant Mestalla, juste après s'être distingué dans la plus belle des compétitions, Cheryshev a imité un certain Oleg Salenko. Ce dernier avait fait un choix similaire vingt-quatre ans plus tôt, après avoir terminé meilleur réalisateur de la World Cup aux Etats-Unis. Mais, les comparaisons s'arrêtent là. Car si l'ancienne star russe a déçu dans le sud de l'Espagne, ne faisant qu'un bref passage d'un an, son successeur, lui, se montre plus qu'à son avantage et il est déjà acquis qu'il restera à Valence plus d'une année (l'option d'achat a été levée pour 8M€).

Toutes compétitions confondues, Cheryshev a déjà pris part à 40 matches, dont plus de la moitié comme titulaire. Des rencontres durant lesquelles il s'est montré décisif à neuf reprises (4 buts et 5 passes). Voilà pour ce qui est des statistiques, et celles-ci ne disent pas tout de l'activité qu'a le milieu offensif russe au sein de l'équipe de Marcelino. "Ses performances cette saison sont relativement bonnes, nous confirme Cesar Hurtado, correspondant de Valence pour Goal Espagne. Quand il a commencé, il y avait un peu de scepticisme à son endroit, mais aujourd'hui son niveau est au plus haut".

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En Espagne, on est donc séduit par la rentabilité du Russe, et c'est encore plus le cas dans son pays. Journaliste pour Izvestia, Sevastian Terletski admet que "Cheryshev est en train de réaliser l'une de ses meilleures saisons. Il commence à jouer de manière plus régulière. Pour une fois, il n'a eu qu'une seule blessure sérieuse". La blessure en question c'est un problème musculaire qu'il a contracté fin octobre et qui l'a immobilisé pendant un mois et demi, lui faisant notamment manquer neuf matches de son équipe. Sans ce contretemps, il est fort probable qu'il n'aurait pas été loin du capitaine Dani Parejo (46 matches) comme joueur le plus utilisé chez les Ché cette saison.

Cette opinion est aussi partagée par Dmitri Cheryshev, le père de Denis. Ex-joueur du Sporting Gijon (158 matches entre 1996 et 2001) et aujourd'hui coach du FK Nijni Novgorod (D2 russe), il a confié à Goal qu'il était "satisfait aujourd'hui de voir que Denis a confiance en lui-même". "Et aussi qu’à chaque match, son niveau d'investissement et de travail augmentent, a-t-il ajouté. Il prend de plus en plus d'initiatives à travers ses actions. Et il essaye d'abattre encore plus du boulot, tant sur le plan défensif qu'en phase de finition. Pour moi, et je parle en tant qu'entraîneur et non en tant que père, je suis satisfait à 90% du travail qu'il accomplit".

Sa belle Coupe du Monde l'a mis en confiance

Oui, Cheryshev a plus foi en ses capacités. C'est un fait. Cela se vérifie notamment à travers le nombre de centres qu'il tente par match. Cette saison, le taux est de 3 par rencontre, alors que la campagne passée avec Villarreal c'était de 1,22 seulement. Il n'est pas besoin d'être un grand spécialiste pour comprendre d'où l'intéressé puise ses certitudes. "La Coupe du Monde l'a aidé, affirme son père. En marquant de nombreux buts dans la plus belle compétition qui existe, tout joueur de football se sent pousser des ailes. Celles de Denis ont donc grandi. Aujourd'hui, il croit en lui-même et en ses capacités". Le journaliste Terletski abonde également en ce sens : "il y a effectivement le sentiment qu'il est plus en confiance depuis le Mondial, mais il est capable de mieux encore".

Il y a le côté mental, indispensable pour jouer sereinement et ne pas douter à la moindre contrariété. Mais il n'y a pas que cela. À Valence, Cheryshev a trouvé le contexte idéal pour pouvoir s'exprimer, ce qui n'était pas nécessairement le cas lors de son premier et bref passage au club (un prêt de cinq mois en 2015/16). "Je pense que Denis a fait le bon choix en rejoignant Valence l'été dernier. Et ce, pour deux raisons, nous explique Dmitri Cheryshev. D'abord, nous savons parfaitement ce que représente le club de Valence et aussi quelles sont les tâches qui lui sont consignées au sein de cette équipe. Ensuite, lorsque vous connaissez le coach (Marcelino, ndlr) et que celui-ci vous connaît, alors vous savez parfaitement ce qu'on attend de vous. Il vous est beaucoup plus facile de vous adapter à son travail. Par conséquent, c'était une bonne décision pour tout le monde".

Il est enfin débarrassé de ses soucis physiques

Cheryshev enchaine donc les matches avec l'actuel sixième de Liga, disputant aussi les rencontres de Ligue Europa, même s'il n'a été que remplaçant jeudi dernier lors du derby face à Villarreal (quart de finale aller). Et c'est une vraie aubaine pour lui, sachant que depuis ses premiers pas dans la Liga Espagnole (en 2013/14 avec le FC Séville) il n'a pas pu, pour des raisons diverses, accumuler trop de temps de jeu.

"C'est douloureux de s'en souvenir et je touche du bois en espérant que ça ne se répète pas ; ce sont probablement les blessures qu'il a eues qui expliquent ça, estime son paternel. Il n'est pas facile de ressasser le sujet, mais le constat est implacable ; c'est précisément parce qu'il est en bonne santé que Denis joue plus aujourd'hui. Et c'est le plus important". Effectivement, Cheryshev n'a pas été épargné par le mauvais sort, avec pas moins de 14 indisponibilités subies et un repos forcé cumulé à 738 jours durant la même période. Ce qui correspond quasiment à deux années entières passées sur le flanc. "Le principal problème qu'il avait pour être régulier c'est les blessures, et en particulier les blessures musculaires. Cette saison, il connait heureusement de la continuité puisqu'il n'a quasiment pas été arrêté", valide le correspondant de Goal, Hurtado.

Pour un joueur de haut niveau, il n'est jamais aisé de se montrer performant quand on est amoindri physiquement. Et même lorsque celui-ci est en pleine possession de ses moyens, il ne peut complètement donner meilleur de lui-même car il y a cette crainte de rechute. Pour Cheryshev, on espère donc que ces soucis soient définitivement derrière lui et qu'il pourra enfin exploiter tout son potentiel.

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La stabilité lui ferait du bien

Afin qu'il prenne définitivement son envol, il y a cependant une autre condition à remplir : avoir plus de stabilité. Avec sept changements de club depuis 2013, le stratège Russe ne s'est pas vraiment mis dans les meilleures prédispositions pour avoir de la régularité. Son père le reconnait, tout en soulignant que ce n'était pas nécessairement de sa faute : "Vous savez, quand il appartenait au Real Madrid, il était souvent prêté. Dès qu'il y a signé son premier contrat, il a été cédé en prêt car il y avait peu de possibilités de jouer. À un moment, il est revenu et a commencé à accumuler du temps de jeu. Mais au milieu de l'exercice, il s'est rendu compte que pour faire face à Cristiano Ronaldo, Karim Benzema, Gareth Bale et d'autres vedettes de l'équipe, il y a besoin de jouer et prouver sa valeur. N'ayant eu que très peu sa chance, il lui était difficile de rivaliser. Moi ce que je constate, c'est qu'à chaque fois que Denis était prêté, il revenait toujours au Real. Parce que le club ne voulait pas le laisser partir. À un moment donné, ils se sont quand même résolus à le céder définitivement, à Villarreal. Au sein de cette équipe, il a joué un an mais comme le club était dans une situation instable, ils s'en sont aussi séparés. Mais, c'est sûr que s'il n'avait joué que dans un seul club pendant toute cette période, il y aurait eu de la constance et ça lui aurait été profitable".

Aujourd'hui, la page Real est tournée. Cela étant, Cheryshev n'a peut-être pas abandonné totalement l'idée de réussir au sein de son club formateur. Il n'a joué que sept matches avec l'équipe première, mais il s'était beaucoup illustré auparavant avec la Castilla, avec notamment 22 buts marqués et 109 matches joués sous la houlette d'Alejandro Menéndez et Toril (entre 2009 et 2013). "Il ne faut jamais dire jamais. Cette expression existe aussi en Russie", plaisante son père, lorsqu'on lui fait part d'un possible retour du fiston à la Casa Blanca.

À ce jour, Cheryshev reste l'unique joueur russe à avoir jamais porté les couleurs du Real Madrid. Et avec Igor Korneev, éphémère sociétaire du FC Barcelone (1994-95), il est même le seul parmi ses compatriotes à avoir défendu les couleurs d'un des deux ténors de la Liga –en attendant peut-être que le prometteur Roman Tugarinov du Barça B confirme les espoirs placés en lui-. Bien entendu, cela ne devrait pas le déranger d'y retourner et convaincre enfin tout son monde à Bernabeu. Un peu comme il l'a fait avec la sélection russe.

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En Russie, il a retourné l'opinion en sa faveur

Car oui, ce n'était pas gagné d'avance de pouvoir assurer sa place avec la Sbornaya alors qu'il n'a jamais joué dans le championnat local. Même si sa carte de visite avait de quoi faire jalouser plus d'un, l'installer comme titulaire avec l'équipe nationale n'était pas une évidence pour les premiers sélectionneurs qui avaient fait appel à lui (Fabio Capello et Leonid Sloutsky). De plus, l'intéressé ne s'est pas vraiment facilité la tâche en vue d'une intégration rapide en déclarant dans un entretien à Marca en 2011 qu'il se sentait plus espagnol que russe. Tout cela explique certainement pourquoi entre 2012 et 2015, il n'a honoré que neuf capes internationales. Sur les 22 qu'il affiche au total à son compteur.

"Il est très apprécié, même s'il n'est pas le plus populaire, nous fait savoir Terletski à ce propos. Des joueurs comme Dzyuba, Akinfeev et Golovin sont plus connus pour la simple raison que Denis n'a jamais joué en Russie. Il y en a d'ailleurs beaucoup qui n'ont appris à le connaitre qu'à partir du Mondial. Pour ce qui est de la presse, je pense qu'elle l'a toujours respecté. On le considérait en quelque sorte comme le joueur à la meilleure marge de progression du pays".

En raison de son parcours, Cheryshev aurait donc eu droit à un traitement médiatique légèrement différent que la plupart de ses coéquipiers en sélection ? Son père, qui multiplie les allers et les retours entre l'Espagne et la Russie et reste parfaitement au fait de ce qui se dit dans les médias, est de cet avis. "Il est encore un peu difficile pour Denis d'interpréter certaines phrases en russe. Bien qu'il parle bien le russe, toutes les langues ont des mots spécifiques, peu utilisés, et auxquels vous pouvez parfois ne pas bien répondre. Denis a d'excellentes relations avec la presse depuis la Coupe du monde. Mais avant, on va dire qu'ils ne l'aimaient pas trop", a-t-il jugé.

Avec le Mondial qui l'a fait, Cheryshev n'a pu que faire remonter sa cote. Toutefois, l'idée selon laquelle il était "marginalisé" auparavant n'est pas partagée par tous. Gosha Chernov, journaliste de Sport Express, désapprouve même totalement : "Il était le mal-aimé ? Pas du tout. Au contraire, tout le monde se souciait et se soucie toujours pour lui. Chez nous, par exemple, on fait des articles sur chacune de ses rencontres à Valence. La Russie n'a pas beaucoup de joueurs expatriés à l'étranger, dans de grands clubs. Il fait partie des rares exceptions. Tout le monde suit son parcours. Je me souviens du jour où il a fait ses débuts avec le Real Madrid. C'était énorme et c'était un très grand jour pour tout le football russe".

En tout état de cause, Cheryshev fait aujourd'hui pleinement l'unanimité. Il fallait voir notamment l'attroupement qu'il y a eu dans la zone mixte après le match contre la Suède en Ligue des Nations, lorsqu'il est venu s'exprimer devant les journalistes, pour mesurer à quel point il est devenu une star dans son pays.

Naturellement, cet état de faits remplit de fierté Dmitri. Ce dernier assure d'ailleurs que même si son fiston a encore beaucoup de choses à accomplir et des objectifs à aller chercher, il ne serait pas moins comblé comme père si jamais Denis venait à stopper sa carrière aujourd'hui. "Bien sûr que je serais fier, nous a-t-il lâché. Et je l'ai déjà souvent dit. Vous savez, durant ma carrière de joueur, j'ai joué beaucoup de matches du championnat russe et aussi celui de l'Espagne. Mais, lui, il en est déjà à une centaine en Liga et en Coupe d'Europe. Cela prouve son niveau et son talent. Et il a aussi marqué des buts. Il a marqué pour la sélection nationale en Coupe du Monde. Cela en dit long. Donc oui, je suis fier de lui tous les jours ! Et je suis de ceux qui veulent toujours que les enfants soient meilleurs que leurs parents".

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