Kylian MbappeGetty

PSG : procédures, timing, investigations… Kylian Mbappé peut-il vraiment casser son contrat ?

Les révélations de Mediapart, mercredi, ont créé une onde de choc. Selon le média réputé pour ses investigations, le PSG aurait collaboré entre 2018 et 2020 avec une société de communication afin de mener une campagne de dénigrement à l’encontre de certaines cibles : des journalistes, des médias, des anciens dirigeants mais aussi des joueurs comme Adrien Rabiot ou Kylian Mbappé. Cinq mois après sa prolongation, l’attaquant parisien peut-il se servir de ses révélations pour quitter Paris et dénoncer son contrat, alors qu’il a des envies d’ailleurs. Pour le savoir, Goal a interrogé Romain Bizzini et Xavier Salvatore, avocats inscrits au Barreau de Paris, qui exercent en droit du sport . Habitués à conseiller des footballeurs et leur famille, ils apportent une expertise juridique sur ce volet de l’affaire. Et il semble incertain de voir Mbappé quitter le club de manière unilatérale. Explications.

Kylian Mbappé peut-il rompre unilatéralement son contrat avec le PSG ? 

 Tout salarié, y compris donc un footballeur professionnel, peut rompre son contrat de travail à durée déterminée en cas de faute suffisamment grave de l’employeur rendant impossible la poursuite de la relation de travail, conformément à l’article L. 1243-1 du Code du travail. 

En particulier, l’article L. 1222-1 du Code du travail prévoit que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». La jurisprudence en a notamment déduit un principe (ou devoir) de loyauté du salarié et de l’employeur l’un envers l’autre. 

Dans le cas de Kylian Mbappé, et si les faits avancés par Médiapart étaient avérés, il serait possible pour le joueur de mettre en avant le manquement du club à ce devoir de loyauté. Néanmoins, cette interprétation demeure tributaire de l’analyse souveraine de l’ensemble des éléments du dossier qui sera conduite par les conseillers prud’homaux. 

Les délais d'audiencement devant le Conseil de Prud'hommes sont de plus en plus longs en raison du nombre d'affaires qu'ils traitent chaque année. A Paris, il faut compter entre 18 et 24 mois entre l'audience devant le bureau de conciliation (qui est la première étape de la procédure destinée à déterminer si un accord peut être trouvé entre les parties) et le bureau de jugement qui aura pour rôle de trancher le litige qui lui est présenté. 

A l’issue de la procédure, le Conseil de prud’hommes qui sera saisi devra se prononcer sur le bien-fondé ou non de la rupture anticipée à l’initiative unilatérale du joueur. Dans cette hypothèse, selon si la rupture est jugée bien ou mal fondée, le joueur ou le club pourrait être amené à verser des sommes astronomiques à l’autre partie basées principalement sur le salaire du joueur. 

Comment établir que les faits avancés par Mediapart soient vrais ? 

 Les faits avancés par Mediapart révèlent que "l'icône Kylian Mbappé a été égratigné lorsqu'il a laissé entendre qu'il pourrait quitter le club en 2019".

Là encore, si les faits sont avérés, les messages qui auraient été diffusés à l'aide de "robots" et dont on ne connaît qu’en partie la teneur exacte, pourraient être considérés comme de nature à nuire à l'honneur et à la réputation de Kylian Mbappé. 

Pour ce faire, il est d'usage de recourir à la procédure prévue à l'article 145 du Code de procédure civile qui permet d'obtenir de la part du juge une décision destinée "à conserver ou établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige". Ainsi, nul doute que cette piste pourrait être envisagée pour que soit procédé à des "investigations" dans le système informatique des différents acteurs de cette affaire et/ou sur les différents réseaux sociaux sur lesquels ces messages auraient été publiés. Ceci permettrait ou non d'établir la preuve de ces soupçons tant redoutés par les différents protagonistes de cette affaire. 

A l'issue de ces "investigations", Kylian Mbappé pourrait être tenté de porter plainte si les faits étaient également constitutifs d'une infraction pénale. Cela supposerait de démontrer que l'élément matériel et l'élément intentionnel de l'infraction sont réunis et de vérifier que la prescription n'est pas d'ores et déjà acquise. 

Est-ce qu’une juridiction pénale pourrait considérer que ces faits sont constitutifs d’un harcèlement moral dès lors que les messages litigieux datent de 2019 et visaient à faire échec au transfert de Kylian Mbappé vers le Real Madrid, soit "compromettre son avenir professionnel" au sens de l'article 222-33-2 du Code pénal ? L’avenir nous le dira peut-être... 

En toute hypothèse, toute procédure pénale peut être menée parallèlement à l'action qui serait portée devant le Conseil de Prud'hommes. Cela pourrait renforcer le dossier devant la juridiction prud’homale mais, dans le même temps, ralentir considérablement les délais de procédure puisque le Conseil de prud’hommes pourrait surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

Dans le cas d’une résiliation anticipée unilatérale, peut-il s’engager avec un autre club ?  

L’article 265 de la Charte du football professionnel – qui a valeur de convention collective – renvoie au Code du travail et aux juridictions prud’homales s’agissant de la possibilité pour un joueur de demander la résolution de son contrat de travail s’il considère que le club employeur a manqué à ses obligations. 

Dans cette hypothèse, cet article prévoit également que ce litige doit être porté, en parallèle de la procédure judiciaire, devant la commission juridique de la LFP qui va convoquer immédiatement les parties et instruire le dossier dans des délais courts. En cas de non-conciliation dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision de la commission juridique, il est possible de faire appel devant la commission nationale paritaire d’appel. 

Cette procédure a vocation à tenter de concilier les parties. Toutefois, comme le tribunal administratif de Paris l’a notamment rappelé dans une décision du 20 mai 2021, les ligues et les fédérations n’ont pas le pouvoir de se substituer aux conseillers prud’homaux pour apprécier le bien-fondé de la rupture anticipée d’un contrat de travail. 

Dans ces conditions, et sans préjudice de l’issue du litige prud’homal, les instances fédérales ne pourront pas empêcher un joueur de rejoindre un autre club et devront par exemple, en cas de transfert à l’étranger, émettre le CIT (le Contrat International de Transfert). 

Xavier Salvatore et Romain Bizzini sont les auteurs de l'ouvrage "Le Guide pratique du jeune footballeur", aux éditions Bréal (240 p, 18 euros).

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