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Pourquoi la FA Cup ne fait plus rêver

Cette saison, la FA Cup vit sa 138e édition. Pour une dame aussi vieille, elle se porte plutôt bien. Mais, parallèlement, elle commence aussi un peu à faire son âge. Pendant de très longues décennies et en traversant les siècles, il n'y avait pas de débat concernant l'attrait et le prestige de cette compétition, la plus ancienne de toutes concernant les clubs. Malheureusement, la belle réputation s'est écornée depuis, au gré des éditions de moins en moins captivantes et des tours avancés manquant de panache et de spectacle.

La raison pour laquelle la FA Cup ne séduit plus autant, c'est principalement à cause du désintérêt des grandes écuries à son égard. Certes, sur les dix dernières éditions il n'y a qu'une seule qui a échappé à une formation du Big 6 du championnat anglais (Wigan en 2013), mais l'impression générale est que jusqu'à la finale cette Coupe suscite de moins en moins d'engouement. Un constat conforté par le fait que de nombreux clubs d'élite choisissent de faire tourner leurs effectifs, comme s'il s'agissait d'une compétition secondaire.

Les deux dernières finales de la FA Cup ont proposé de belles affiches, avec un Arsenal-Chelsea en 2017 puis Chelsea-Manchester United l'année d'après. Néanmoins, les rencontres en elles-mêmes ont déçu sur le plan du jeu et en 2018, il y a eu la moins bonne affluence pour une finale depuis 2007 et le retour dans l'enceinte de Wembley. On peut aussi mentionner les finales qui se sont jouées entre 2013 et 2016, souvent déséquilibrées et donc manquant cruellement d'intérêt. La victoire d'Arsenal sur Aston Villa en 2015 (4-0) est la plus large enregistrée dans le dernier match depuis 1994.

Bien sûr, et c'est le cas de toutes les coupes nationales, la compétition se nourrit toujours de belles histoires, avec des aventures des équipes de seconde zone parvenant à se hisser loin. Cela dit, ces épopées restent rares et le règlement mis en place, avec aucune distinction au tirage et aussi des "replays" à jouer en cas de matches nuls, font que les surprises sont de moins en moins nombreuses. Il faut d'ailleurs remonter à 2015 pour retrouver la trace d'une équipe issue d'une division inférieure participer aux demi-finales (Reading).

De l'extérieur, de nombreuses explications peuvent être avancées pour expliquer le fait que la Dame Coupe ait pris des rides. Mais, les plus à même pour juger ce déclin restent les Anglais. C'est pourquoi Goal a sollicité ses correspondants de clubs Outre-Manche. À travers plusieurs points abordés, ils nous éclairent sur le mal dont souffre celle qui fut jadis la meilleure publicité pour leur football.

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Snobée au profit de compétitions plus rentables et excitantes

Correspondant de Manchester United, Kris Voakes, a une théorie bien précise concernant les raisons pour lesquelles la FA Cup est moins alléchante que par le passé. "Oui, elle a perdu de son prestige et ce depuis que Man Utd a décidé de ne pas défendre son trophée en 1999/2000 pour disputer la Coupe du Monde des Clubs. Au fil des années, et avec l'ampleur qu'a prise aussi la Ligue des Champions son importance a baissé aux yeux des Anglais". Neil Jones, qui suit les rivaux de Liverpool au quotidien, abonde dans le même sens en concédant : "La Ligue des champions et la Premier League sont les compétitions qui intéressent les clubs et les dirigeants, pour des raisons évidentes. L'argent est là, de même que la (vraie) gloire. Si les dernières années d'Arsene Wenger à Arsenal prouvent quelque chose, c'est qu'une victoire en FA Cup ne suffira jamais à satisfaire les supporters et les propriétaires".

Le constat est triste mais implacable ; ne générant pas assez de revenus, la FA Cup est contrainte de rester dans l'ombre, à espérer que ses plus vieux admirateurs ne lui tournent pas le dos. "La façon dont les chaînes de télévision ont affecté le football anglais est colossale, juge Nizaar Kinsella, spécialiste de Chelsea pour le Goal UK. C’était la seule compétition qui faisait l'unanimité et que tout le monde regardait. Mais, l’invention de la Premier League et la réforme de la Ligue des champions ont réduit considérablement l’importance de cette compétition. Les six grandes équipes commenceront à prendre cela plus au sérieux une fois en quart de finale et en fonction de leurs engagements en championnat et en Coupe d'Europe".

Les grands clubs ont d'autres priorités et l'assument

Dans les faits, ne pas prendre au sérieux une compétition revient à ne pas se donner tous les moyens possibles pour aller loin. Cela peut se traduire à travers un déficit d'engagement, avec une intensité et une envie moindres que d'habitude. Ou alors simplement et de manière plus évidente, en se passant des principaux titulaires. Un choix que de nombreux managers n'hésitent plus à opérer. Jurgen Klopp, le coach de Liverpool et dont l'équipe est engagée dans une course pour le titre cette saison, n'a pas hésité à aligner une équipe B lors de l'entrée en lice en FA Cup face à Wolverhampton (1-2).

L'Allemand a vu plusieurs critiques extérieures pleuvoir à son encontre à l'issue de cette partie. Un choix assumé et qu'il convient de respecter. "Je n'approuve pas, mais c'est compréhensible dans la mesure où ça paye beaucoup mieux si on gagne quelques places en Premier League que si on triomphe FA Cup", souligne Voakes.

Le son de cloche est le même chez les autres journalistes sondés. Jones, qui est pourtant le premier fan des Reds, juge que Klopp est parfaitement dans son droit quand il priorise des compétitions : "je suis d'accord si on tient compte la richesse de l'effectif et de la position dans laquelle vous vous trouvez en championnat. Je comprends en revanche un peu moins les gérants des clubs comme Everton ou Leicester qui n'ont en réalité que la FA Cup à jouer en termes de "succès" tangible. Après, la réalité est que la FA Cup est traditionnellement remportée par les grands clubs et l'idée romantique selon laquelle tout peut arriver n'est, en fait, qu'une simple illusion". Enfin, Nizaar, correspondant de Chelsea, cite un dernier détail qui a son importance : "oui, la charge des matches est trop conséquente. Les joueurs doivent aussi être de plus en plus compétitifs avec leurs équipes nationales. On est obligés d'être constamment dans la gestion de la forme physique".

Les fans aussi mesurent les enjeux et comprennent les choix de leurs clubs

La FA Cup n'est donc plus la compétition phare du Royaume. C'est un fait. Cela étant, parmi les fans, il y en a encore qui privilégient un triomphe dans cette compétition plutôt qu'une place en Ligue des Champions lors de la campagne suivante. "Alors qu’il faut 38 matchs pour terminer quatrième de la Premier League, il y en à peine six pour remporter la FA Cup. Un tel accomplissement mérite à mes yeux une plus grande reconnaissance que de terminer quatrième dans une compétition", juge Voakes.

Le scénario en question, Chelsea l'a connu la saison écoulée. Pour Nizaar, il était malgré tout difficile d'être heureux à l'issue de la campagne. "Certains fans diraient qu'ils préféreraient remporter la Coupe et Tottenham et Arsenal ont été moqués pour avoir visé avant tout la quatrième place. La réalité est que le football anglais est une entreprise et qu’il y a un très fort top 6 qui se bat pour gagner de l’argent à la fin de 38 matches".

Enfin, Neil rappelle judicieusement qu'une victoire en Coupe n'offre aucune garantie, pas même un sursis à un entraineur qui se trouve sur la sellette : "Kenny Dalglish a remporté le dernier trophée de Liverpool, la Coupe de la Ligue, en 2012. Il a également atteint la finale de la Coupe d'Angleterre cette saison-là. Il a été limogé parce que le rendement en championnat était médiocre et qu'il n'y avait aucun progrès en termes de qualification en C1. Les meilleurs clubs ne jugent pas les progrès en coupe nationale, ils le jugent par rapport aux positions en championnat, le développement de l'équipe et le parcours en Ligue des Champions".

N'en déplaise aux romantiques du football et les plus anciens parmi les supporters, la FA Cup a donc bel et bien perdu en prestige. Et cela ne devrait pas s'arranger avec le temps en raison d'un foot business qui vampirise tout, et dont les ravages supplantent les bienfaits. Mais, même en étant moins fascinante qu'auparavant, la Coupe d'Angleterre, comme toutes les coupes nationales d'ailleurs, préserve une saveur à part qui fait qu'on s'y intéresse et qu'on la suit avec attention. À défaut d'être restée séduisante, la Dame a préservé ce côté charmant qui la rend indémodable.  

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