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La CAN vue par ses anciens lauréats

La Coupe d’Afrique commence ce dimanche au Cameroun. Une épreuve attendue par tout un continent, mais aussi partout dans le monde tant elle regroupe de grandes sélections et d’immenses joueurs. Par le passé, ce tournoi a rarement été décevant et il n’y a pas de raison pour qu’il en soit différemment cette fois-ci. Les légendes africaines sont d’ailleurs toutes convaincues que malgré les conditions particulières de cette édition 2021 (ou 2022), l’évènement sera de nouveau une grande réussite.

La rédaction Goal a eu le privilège d’interroger six d’entre elles pour connaitre leurs attentes, leurs prédictions et aussi mesurer l’importance de ce tournoi pour les grands joueurs africains. Ce sont tous d’anciens champions d’Afrique. Raymond Kalla (Cameroun 2000 et 2002), Joel Tiehi (Cote d’Ivoire 1992), Emmanuel Amunike (Nigeria 1994), Rabah Madjer (Algérie 1990), Radhi Jaidi (Tunisie 2004) et Mark Fish (Afrique du Sud 1996) ont fait l’honneur de répondre à quelques questions et aussi raconter quelques souvenirs. A déguster sans modération.

AFCON(C)Getty Images

"La CAN, c'est la vitrine du football africain" (Mark Fish)

Quelles sont vos attentes pour cette CAN et qu’est-ce qui ferait la réussite de cette compétition ?

Raymond Kalla : Moi, je suis sûr que ça sera un succès. Le Cameroun c’est un pays de football. Et avec tous les efforts qu’a fait le gouvernement, comme la construction des stades, je suis certain que ça sera une belle CAN qui va se jouer au Cameroun. Il y a certes la pandémie qui a touché le monde entier, mais je pense que le Cameroun l’a bien maitrisé pour sa part. Il y a encore des cas positifs parmi les joueurs, mais tout a été fait au niveau sanitaire pour que le tournoi se déroule normalement.

Joel Tiehi : Déjà la qualité des joueurs qui composent tous les pays. Aujourd’hui, nous avons plusieurs de nos joueurs qui évoluent dans de grands européens. Ils vont pouvoir élever le niveau de jeu. Ensuite, il y a les infrastructures du pays hôte qu’est le Cameroun. Ils ont fait les efforts pour réaliser une grande CAN. Et troisièmement, il y a aussi l’engouement des supporters et des fans camerounais. Avec ça, on donnera une bonne image de l’Afrique.

Emmanuel Amunike : Je pense que le tournoi sera réussi. A partir du moment où il va pouvoir se tenir et que tout a été mis en œuvre pour cela, alors ça sera un grand tournoi. Malheureusement, il y a la pandémie qui nous frappe de plein fouet mais la CAF a fait en sorte que la fête ait lieu. Il y a aussi de grands joueurs qui vont disputer ce tournoi. Les joueurs africains auront l’occasion de bien représenter leur continent. Je pense vraiment que ça va être une compétition très intéressante.

Rabah Madjer : Tout d’abord, je tiens à dire que je suis très content du maintien de cette Coupe d’Afrique des Nations. Qui plus est au Cameroun, une grande nation du football. Pour que cette CAN soit une réussite totale, il faut surtout respecter le protocole sanitaire contre le Covid-19. Je ne vais parler de l’ambiance dans les stades, car je suis sûr que tout se passera comme prévu et dans de bonnes conditions.

Radhi Jaidi : Personnellement, quand je décortique un tournoi majeur comme celui de la CAN, il y a trois volets qui sont à prendre en compte pour juger de sa réussite. Le premier, c’est l’aspect technico-tactique. En tant que coach, c’est ce qui m’intéresse pour évaluer la progression du football africain. C’est dans ce genre de tournoi où on peut savoir si on va dans la bonne direction. Toutes les nations vont récupérer des joueurs qui se produisent en Europe ou dans les autres continents. C’est donc une opportunité pour jauger les équipes de ce point de vue-là. Ensuite, il y a le côté de l’organisation. Tout ce qui est les terrains, les stades, les infrastructures… Malgré que j’ai confiance en Samuel Eto’o et en gouvernement camerounais, mais ça reste une responsabilité importante d’organiser cette épreuve. Et enfin, il y a aussi les individualités. On va peut-être voir à l’œuvre quelques jeunes au grand potentiel, notamment auprès de la sélection tunisienne. C’est toujours agréable d’en découvrir. Donc voilà les trois points qui vont me permettre d’évaluer la compétition.

Mark Fish : Ça sera une compétition très ouverte. Il y a 24 nations qui participent. Beaucoup de bonnes sont impliquées et aussi de bons joueurs, dont une bonne partie évoluent en Europe. Espérons qu’ils puissent tous s’exprimer dans de bonnes conditions. Il y a la pandémie, le monde entier y est confronté depuis deux ans. Mais il faut vivre avec et montrer que la vie peut continuer. Etre solidaires entre nous. En ce sens je pense qu’il y a une belle occasion pour les Africains de montrer leur union dans un contexte qui n’est pas facile. J’espère qu’il n’y aura pas d’impact négatif et qu’il y aura le moins de forfaits (pour Covid-19) possibles. La CAN c’est la vitrine du football africain, et on espère que nos individualités vont pouvoir se démarquer et qu’on assistera également à la passion des fans. Et on croise les doigts bien sûr pour que ce virus disparaisse et que tout revienne à la normale très bientôt.

Algeria Africa Cup of Nations trophy 2019Getty

"Les favoris, on ne les connait qu'à partir des quarts" (Joel Tiehi)

Quel est selon vous le favori de ce tournoi ?

R.K. : Il y a de nombreux pays qui vont se disputer le tournoi. Mais je pense que le Cameroun, en sa qualité de pays hôte, est le favori. Ils auront les supporters avec eux. Il y a aussi l’Algérie, qui a une très belle équipe. Je pourrais aussi citer le Sénégal. Et sans oublier le Maroc, qui peut faire un truc. Mais quand vous avez de bonnes individualités, il faut le prouver sur le terrain. Tu peux avoir de bons joueurs, mais si tu n’as pas cette rage de vaincre tu ne peux rien faire. Et il faut avoir la force et l’envie de bien faire et c’est pour ça que je place le Cameroun en premier.

J.T. : Tout le monde semble donner l’Algérie, qui va tenter de maintenir le cap. Moi, je dirais qu’il n’y a pas de favori. Il y a beaucoup de grandes équipes. Elles sont connues de tous. Moi je ne suis pas quelqu’un qui fait ce genre de prévisions. J’attends de voir ce qu’il y aura sur le terrain car il y a des sélections de qualité. Pour être fixés sur les forces de chacun, il faut je pense attendre les quarts.

E.A. : Etant du Nigeria, je vais dire le Nigeria bien sûr, mais c’est sûr qu’il y a beaucoup de grandes équipes en course. Le niveau sera très élevé. Je pense qu’à partir des premiers matches on va pouvoir voir qui est en mesure d’aller loin. Les vainqueurs de groupe auront de bonnes chances de triompher.

R.M. : Pour moi, les favoris seront l’Algérie et le Sénégal. Sans oublier le Cameroun, pays hôte et organisateur de cette CAN. Et qui sera toujours un digne ambassadeur de l’Afrique. L’Egypte, le Maroc et la Tunisie, qui ont de la compétition dans les jambes par rapport à la dernière Coupe Arabe, doivent être prises au compte. Sans oublier la Cote d’Ivoire, qui aura son mot à dire. Et il y a le Burkina-Faso, qui a fait 2-2 récemment contre l’Algérie. Ça reste une bonne équipe et qui peut faire mal. Tout comme le Mali, qui aura des ambitions d’aller loin.

M.F. : Les favoris restent toujours les mêmes. Mais d’autres équipes pourraient surprendre aussi. Bon, il y a les équipes d’Afrique du nord qui sont souvent bien organisées, et l’Algérie en tant que tenant du titre est forcément un candidat à la victoire finale. Mais il y a aussi le Maroc, ils ont remporté la CHAN il n’y a pas si longtemps. Le Sénégal sera aussi redoutable. Ce qui est certain c’est que le vainqueur devra cravacher, car le tournoi sera d’un grand niveau.

R.J. : Clairement, il y a deux, trois équipes qui sont favorites. Il y a l’Algérie, qui domine le football africain depuis quelques années. Elle reste aussi sur 34 matches sans défaite. Ca situe son niveau et montre à quel point il faudra batailler pour gagner la Coupe. Il y a aussi le Sénégal, dont 90% des joueurs évoluent dans de grandes équipes en Europe. Il y a l’Egypte bien sûr, qui détient le record de victoires dans cette CAN. Ça reste une grande nation. Sans oublier le Maroc. Le niveau de la compétition va en tous les cas être très élevé.

"Que les joueurs mesurent l'importance de représenter leur pays" (Emmanuel Amunike)

Comment évaluez-vous les chances de votre sélection ? La croyez-vous capable d’aller au bout ?

R.K. : On n’a pas envie qu’on reproduise ce qui s’est passé en 1972. Moralement, il faut qu’ils soient forts et qu’ils annoncent la couleur d’entrée. S’ils maitrisent la pression et se mettent le public dans la poche, les Lions Indomptables iront très loin. Mais je ne dis pas qu’ils vont gagner, juste qu’ils sont favoris.

J.T. : Nous, on est plutôt imprévisibles. La Cote d’Ivoire, c’est quand on ne l’attend pas qu’elle fait de bons résultats. Ça a été le cas d’ailleurs en 1992 lorsqu’on a triomphé. Là, il y a un bon mélange entre jeunes et anciens. Malgré notre élimination en éliminatoires du Monde, nous avons un bon groupe et aussi un sélectionneur qui fait du très bon travail (Patrice Beaumelle, ndlr). Il y a un bon élan et il y a moyen de réaliser de bonnes choses.

E.A. : La blessure de Victor Osimhen est un coup dur pour nous c’est sûr. Mais le Nigeria a de très bons joueurs. Je ne suis pas coach et je ne suis pas à l’intérieur de l’équipe, mais j’espère que les joueurs vont mesurer l’importance et le privilège qu’ils ont de participer à une CAN. Si c’est le cas, ils peuvent aller loin. Mais, ça ne sera pas une tâche aisée. Le football africain a beaucoup progressé. Et il y a beaucoup de joueurs qui jouent en Europe et qui élèvent le niveau de leurs sélections. Mais, c’est tant mieux, car on veut avoir un tournoi de grande qualité.

R.M. : Les chances de l’Algérie sont intactes. Cette équipe peut aller très loin, mais la concurrence sera rude. Mais elle a clairement les moyens de conserver son titre de champion d’Afrique au Cameroun. Je lui souhaite bonne chance.

R.J. : Je suis toujours optimiste par rapport à notre sélection, même si je sais que c’est une équipe jeune. On est en train de former une bonne sélection pour un avenir proche. Evidemment, chaque équipe qui entame le tournoi va nourrir beaucoup d’ambitions. Le groupe dans lequel on figure est plus au moins où notre portée et ça peut nous donner un élan de confiance. En remportant le groupe, on peut ensuite viser les quarts et aussi entrer dans le carré d’as. Je pense que c’est un objectif essentiel et logique aussi. Et quand on est en demis, tout se joue sur de petits détails. Tout sera possible. En tous les cas, je suis très confiant pour la Tunisie, surtout après ce qu’elle a montré à la Coupe Arabe. En plus, on récupère quelques bons joueurs qui évoluent en Europe. Ça nous sera d’un grand apport pour bien entamer la compétition.

Cameroon AFCON 2000Getty

"En gagnant la CAN, on laisse son nom dans l'histoire de la sélection" (Raymond Kalla)

Quel souvenir gardez-vous de votre consécration africaine ? Est-ce le plus grand moment de votre carrière ?

R.K. : Oui, c’est le sommet. Il n’y a rien de plus beau que les triomphes avec sa sélection. Et moi je suis extrêmement fier d’avoir fait partie de cette sélection victorieuse en 2000 et 2002. J’ai pu laisser mon nom dans l’histoire du Cameroun en quelque sorte. Quand on va en sélection, il faut toujours se donner à fond. Et j’espère que l’équipe actuelle va pouvoir rééditer ce qu’on a pu faire à l’époque.

E.A. : Oui, pour un Africain, c’est le Graal. J’ai marqué en finale et j’ai gagné, mais je suis surtout heureux avant tout d’avoir pu jouer pour mon pays dans une compétition aussi prestigieuse. Ca restera à jamais gravé dans ma mémoire et j’en suis comblé. Avoir fait partie de cette équipe en 1994 et avoir gagné, c’était un immense honneur.

M.F. : C’est sûr que pour tout africain, c’est l’une des expériences les plus importantes dans une carrière. Et de manière globale, jouer pour son pays c’est ce qu’il y a de plus fort. Certes, en club, tu peux joueur la Ligue des Champions et l’Europa League, mais rien ne remplace les compétitions avec ta sélection nationale. Parce que tu représentes toute une nation. Pour moi, c’était un honneur et je suis sûr que c’est le cas pour tous mes coéquipiers de l’époque. Quand t’arrives dans ce genre de tournoi, tu te donnes à 100%. Pour tout africain, c’est le sommet d’une carrière, même s’il y a aussi la Coupe du Monde. Et avoir pu gagner ce tournoi, c’est encore plus valorisant pour tout footballeur.

R.J. : C’est un honneur de représenter sa sélection et son pays. Tu sais que tu représentes 12 millions de Tunisiens qui portent tous le même rêve. J’ai vécu ça avec mes collègues en 2004 et ça reste toujours dans notre mémoire collective. On espère maintenant que la nouvelle génération puisse reproduire la même performance. Qu’on gagne un autre trophée, pour nous faire vivre d’autres moments forts.

Propos recueillis par Naim Beneddra

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