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Djamel Belmadi, l'homme du renouveau des Fennecs ?

Samedi soir, dans la capitale gambienne de Banjul, l'Algérie renoue avec les éliminatoires de la CAN. Et c'est avec un nouveau visage sur le banc que les Verts vont aborder ce premier match de compétition depuis plus d'un an. Exit Rabah Madjer, Djamel Belmadi s'est vu confier les rênes de la sélection maghrébine. Ancien international (42 capes), ce dernier endosse le costume dont il rêvait depuis ses débuts dans le métier. En sera-t-il à la hauteur ? La réponse ne peut se dessiner que dans le temps. Toutefois, plusieurs éléments laissent déjà supposer qu'il fera mieux que ses prédécesseurs. Et qu'avec lui les Verts ne peuvent que rebondir au bout d'une interminable chute libre.

Belmadi n'était pas le premier choix de la fédération. Kheireddine Zetchi, le président de l'institution, visait gros dans un premier temps pour ce poste si exposé. Mais, à son grand désarroi, ni Carlos Queiroz, ni Vahid Halilhodzic n'ont été tentés par ce challenge et où il y avait manifestement plus à perdre qu'à gagner pour un technicien de renom. De fait, l'homme fort de la FAF a donc dû se rabattre sur une solution alternative, celle qu'incarne l'ex-joueur de l'OM et du PSG. Cependant, l'on connait des choix par défaut qui ont suscité beaucoup plus de remous et de scepticisme que celui-ci dans l'opinion publique algérienne. Car le natif de Champigny-sur-Marne réunit un bon nombre de critères qui le rendent légitime pour cette fonction.

Belmadi est d'abord un joueur qui connait le haut niveau international. Les puristes relèveront que c'était également le cas de Madjer. La différence est que le nouveau sélectionneur, lui, ne s'en vante pas. Comme joueur, il possède plus de 200 matches chez les pros, avec notamment des expériences en Liga, en Premier League ou chez les deux meilleurs ennemis de la Ligue 1. Ne comptez pas sur lui cependant pour se mettre en avant. Au contraire, il laisse les spécialistes juger à sa place et ne se concentre que sur les échéances à venir. Et les spécialistes, justement, abondent presque tous dans le même sens en affirmant qu'il est taillé pour ce rôle.

Un entraineur qui a su patiemment se construire et faire ses preuves

Sélectionneur de l'Algérie à l'occasion de la CAN 2000, Nasser Sandjak est de ceux qui se félicitent le plus de la venue de Belmadi à la tête des Fennecs. Pour lui, "c'est même la plus belle chose qui soit arrivée à la sélection algérienne depuis très longtemps". "Moi, je le trouve parfaitement armé. Il a les armes de la compétence, enchérit-il pour Goal. Il connait parfaitement ce que sont les séances d'entrainement, les situations dans le jeu et aussi la gestion des hommes. Au Qatar, il a eu à faire à un groupe de joueurs de très bon niveau. Je crois qu'il va démontrer rapidement qu'il a le niveau international".

Pour l'ancien coach du MO Bejaïa, la FAF a même retenu les leçons de ses erreurs du passé en faisant appel à ce jeune et ambitieux technicien : "c'est une très bonne chose et j'ai même envie de dire qu'il était temps. Il était temps que l'Algérie fasse confiance à ses enfants. On sait bien que le football a évolué et il faut des entraineurs de ce niveau-là et avec les compétences requises. Et qui ont une grande envie. Djamel répond parfaitement à tous ces paramètres-là. Il connait bien le football international, et maitrise aussi le football arabe".

L'opinion de Sandjak est partagée par José Anigo, le coach français qui a connu Belmadi à Marseille lors de sa première expérience à la tête des Phocéens en 2001. Après avoir relevé que dès son jeune âge, son ancien protégé avait "des aptitudes de leader", il a souligné l'avantage que cette nomination présente pour l'Algérie : "celui que les joueurs auront d'avoir un coach algérien de pure souche. Et il (Belmadi) connait bien l'atmosphère qui peut régner autour de la sélection".

Avec le vécu qui est le sien, Anigo sait cependant que la vérité des coulisses s'efface vite devant celle des terrains et que Belmadi aura à vite convaincre à travers les résultats : "Je compare souvent l'équipe algérienne à l'OM, par rapport au côté passionnel. Et, comme entraineur, on est très souvent remis en cause dans ses situations. Est-ce qu'il aura suffisamment d'expérience ? J'espère que oui, mais je suis comme les gens j'attends de voir. Et c'est sûr que c'est un autre niveau d'entraineur l'équipe nationale qu'une équipe au Qatar. Je suis d'accord avec ça. Lui, il a dû peser le pour et le contre et bien réfléchir à la question. S'il a accepté cette aventure, c'est qu'il est persuadé de réussir", nous a-t-il confié.

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Ses anciens coaches sont unanimes ; il a l'expérience nécessaire

La question de l'expérience est celle que les détracteurs de Belmadi ont brandie lorsqu'il a été rapatrié en urgence à la fin du mois dernier. D'aucuns ont même minimisé ses accomplissements au Qatar (quatre titres de champion et deux coupes nationales), sous prétexte que ce championnat n'est pas aussi relevé que ceux d'Europe ou même d'Afrique du Nord. Des remarques que n'approuvent pas Alain Perrin. Ce dernier a aussi coaché Belmadi à Marseille. En outre, il a également eu l'honneur de le croiser comme adversaire sur le banc durant son passage dans le Golfe. "C'est bien de travailler dans un club et de faire ses armes. La sélection, c'est une autre forme de travail. Mais depuis le temps qu'il est à la tête des équipes, il a l'expérience nécessaire pour pouvoir s'occuper d'une sélection, a-t-il indiqué à Goal. Au Qatar, il était quand même dans de grands clubs et avec de grands joueurs. Il a appris à manager les joueurs. En sélection, le travail est un peu différent. On n'a pas beaucoup de jours de travail pour pouvoir préparer une équipe. Il faut réussir à composer avec l'ensemble des joueurs".

La légitimité de Belmadi est donc difficilement contestable. Cela étant, diriger son propre pays est un métier à part. La mission est escortée d'exigences décuplées par rapport à ce qu'il a connu lors de ses précédentes expériences. Sandjak en convient mais, là aussi, il ne s'en inquiète pas. "Tous les entraineurs qu'on peut voir, il faut bien qu'un jour ils commencent. Djamel va commencer par un match en Gambie, mais cela aurait pu être la Coupe d'Afrique. C'est un match international, mais cela ne diffère pas de tous les matches de football qu'il a vécus depuis qu'il est entraineur. Ça ne va rien lui changer, d'autant plus qu'il a été sélectionneur du Qatar. Il a tous les éléments pour réussir et mettre en place son projet. Ça fait longtemps qu'il entraine et il connait bien les rouages du football arabe. Il n'y a rien qui va le surprendre ou lui faire peur".

Perrin aussi se montre optimiste pour Belmadi, en prédisant une réussite à ce dernier pour peu qu'il parvienne à maitriser le facteur du temps. "Je pense qu'il s'est habitué à la pression au Qatar, où il était en charge de grands clubs. Quand est un compétiteur, on doit et on veut gagner. La différence avec les clubs, et je le répète, c'est le temps dont vous disposez pour mettre en place l'équipe. Il faut faire les bons choix et sur les états de forme du moment, alors qu'en club vous les avez sur toute l'année et plus de temps pour préparer. Mais Djamel a suffisamment d'expérience pour pouvoir manager une sélection".

Engagé à long terme, mais avec l'obligation de séduire rapidement

Questionné sur les dangers qui peuvent guetter le nouveau patron des Fennecs, Anigo est finalement le seul à exprimer une certaine prudence. Pour lui, et étant donné le contexte, le pari sera déjà en parti gagné si Belmadi arrive à joindre l'acte à la parole, faire adhérer tout le monde à ses idées et se montrer enfin sans concessions dans sa manière de fonctionner. "L'équipe nationale algérienne, c'est la fierté de tous les Algériens. Tout le monde l'adore, que ça soit les locaux ou ceux qui sont en Europe. Des aventures comme celles-là, quelques fois ça peut être extraordinaire, et quelques fois difficile, parce qu'on en attend beaucoup, rappelle d'abord celui qui entraine aujourd'hui le Panionions. Tout dépend de ce qu'il va pouvoir faire. Il va certainement sélectionner les meilleurs joueurs. Je lui conseillerai d'être hermétique à tout, adopter une ligne de conduite et s'y tenir, et aussi de bien s'entourer. Car dans une équipe nationale il faut avoir des personnes compétentes dans le staff. Ça c'est le plus important".

Les conseils d'Anigo trouvent écho chez Sandjak. Selon l'ancien sélectionneur, Belmadi se facilitera considérablement la tâche s'il arrive à convaincre rapidement. Tout en demandant qu'on lui laisse le temps et qu'on le soutienne, il conçoit que c'est en empilant les bons résultats que son jeune compatriote arrivera à fédérer autour de lui : "ce qui est important déjà, c'est de créer un bon rapport entre les joueurs, nouer des attaches. Le premier match a lieu à l'extérieur et ça sera un grand test pour évaluer les capacités de ses joueurs. Je pense qu'il connait bien les joueurs qu'il a sous sa main et qu'il réussira à mettre en place une équipe cohérente. Et qui sera capable de fonctionner comme un commando. Une équipe qui sera capable de bien défendre et placer des contres efficaces. Parce que ce qui importe aujourd'hui c'est la victoire. Pour mettre en place un projet comme celui de 2010 ou de 2014, il faut beaucoup de temps. Et il faut témoigner une grande confiance au staff pour que l'équipe puisse ressurgir d'où elle était avant. Il faut beaucoup de choses, en somme".

Au final, on ne demande pas plus à Belmadi qu'à ceux qui occupaient ce fauteuil avant lui. La seule différence peut-être c'est que vu l'unanimité qu'il a suscitée, il est tenu à vite fructifier tous ses espoirs, histoire d'enclencher une dynamique positive et provoquer une rupture avec le passé. La mission est de taille, mais elle n'est pas impossible. Pour Sandjak, elle a même toutes les chances de réussir. "Je suis très optimiste, a-t-il tonné. Quand je vois les noms qui se sont succédé à la tête de la sélection ces dernières années…C'est bon les gars ! Il faut arrêter. Djamel incarne l'Algérie et aussi l'indépendance de notre pays. A la face du monde, on montre qu'on a des entraineurs qui sont très très bons. Et vous allez voir qu'il va démontrer sur le terrain qu'il est un très grand entraineur". Après de longues années de souffrance, les millions de supporters d'El Khadra oseraient à peine tant en demander.

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