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Comment Luka Modric est devenu le talisman de la Croatie

Dimanche, au Stade Louzhniki de Moscou, Luka Modric honorera la 112e cape de sa carrière. Un sacré nombre et qui met en évidence tout le vécu qu'il possède avec la sélection au damier. Cela fait même douze ans qu'il défend les couleurs de sa chère Croatie. Néanmoins, et contrairement à ce que ses brillantes performances en Russie pourraient laisser croire, cela n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Même s'il n'a jamais vraiment été décevant avec son pays, le joueur du Real Madrid a attendu avant de pouvoir pleinement répondre aux attentes et exploiter au mieux toutes ses qualités et le faire au service du collectif.

Modric est la plaque tournante de la sélection croate depuis 2006. Dès son plus jeune âge, et en regard de ses qualités techniques hors norme, son volume et sa science de jeu hors pair, il a été installé comme titulaire. Lancé dans le grand bain par Niko Kranjcar, il s'est maintenu dans le onze avec tous les coaches qui se sont succédés ensuite sur le banc de la Vaterni : Slaven Bilic, Igor Stimac, Niko Kovac, Ante Cacic et désormais Zlatko Dalic. Cela étant, il a connu quelques périodes creuses et en particulier celle qui avait suivi le départ de Bilic. Des passages à vide, symbolisés notamment par trois années consécutives sans le moindre but inscrit (entre 2011 et 2014) même si ce n'est pas vraiment sa tâche première.

Il se serait libéré mentalement

En 2012, Modric renforçait les rangs du prestigieux Real Madrid. Un transfert qui lui a inévitablement conféré un statut nouveau. Avec la tunique merengue sur le dos, il a su s'en montrer digne immédiatement. Ça n'a, en revanche, pas été le cas avec sa sélection, où malgré son expérience et son rôle d'ancien, il a peiné pour tirer l'équipe vers le haut. En 2013, il n'a pas pu éviter aux siens une fin de campagne compliquée en éliminatoires du Mondial (défaites contre la Belgique et l'Ecosse) pas plus que le fiasco qui a suivi à l'occasion de la phase finale au Brésil (élimination au premier tour). Le tournoi d'après, l'Euro 2016, a été plus convaincant, mais sans que le natif de Zadar ne réussisse à totalement se libérer et guider sa sélection comme il sait le faire.

Le contraste est donc saisissant avec ce qu'il réalise sur les pelouses russes depuis un mois, et ça l'est d'autant plus que le tournoi est intervenu au bout d'une saison qui l'a vu disputer plus d'une soixantaine de matches avec le Real Madrid. Alors comment se fait-il qu'il ait atteint ce niveau sur le tard ? Dans son pays, les explications divergent.

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Matija Majdak, journaliste pour le célèbre quotidien Vecernji List, pense que si Modric tire enfin la quintessence de son talent c'est parce qu'il est aujourd'hui débarrassé de l'ombre envahissante de Zdravko Mamic, son ténébreux mentor. "Avant, il n'était pas suffisamment bon et il devait aussi faire face aux critiques relatives à son lien avec Mamic. La sélection jouait constamment dans ses stades vides et dans une atmosphère très tendue". S'éloigner du stade Maksimir et jouer dans des enceintes étrangères auraient donc été un déclic. L'argument est à moitié recevable, car il y a déjà eu des tournois majeurs disputés ailleurs qu'en Croatie où l'ex-Spurs a été moins en vue.

L'autre explication réside dans l'aspect purement jeu. Aujourd'hui, Modric a plus confiance en ses qualités et en ce qu'il peut faire. Au Real, il n'avait pas la même responsabilité sur ses épaules, vu tous les joueurs de classe mondiale qu'il y a dans l'effectif. Avec la Croatie si, et il avait besoin du temps pour pouvoir l'assumer parfaitement, sans que cela ne l'inhibe. C'est la thèse qu'avance notamment Hrvoje Tironi, rédacteur de Goal Croatie : "Pour moi, il a toujours été bon, il a simplement réalisé enfin qu'il pouvait être exceptionnel. Il n'avait pas pleinement conscience de cela". Sélectionneur de la Croatie entre 2012 et 2013, Igor Stimac abonde dans le même sens tout en mettant en avant le don du soi dont le capitaine de la Vaterni fait montre désormais : "balle au pied, il a toujours été excellent, faisant en sorte que son équipe ait le plus de maitrise durant les 90 minutes. Mais son plus grand progrès est visible dans le domaine défensif. Il lit le jeu de manière encore plus efficace et il s'est responsabilisé défensivement".

Zidane a joué un rôle dans sa progression

Un Modric devenu, en somme, plus complet. Une évolution qui aurait été favorisée par son travail avec Zinedine Zidane durant les deux dernières années. "On peut dire que Zidane est la principale "raison" de son explosion", concède Majdak, tout en saluant l'intelligence de Dalic qui a su parfaitement l'utiliser depuis sa nomination comme sélectionneur en automne dernier. Stimac est aussi de cet avis : "il a toujours été exceptionnel mais ses années au Real Madrid l'ont rendu très propre, jouant avec confiance et faisant constamment les différences". Des qualités auxquelles on pourrait aussi adjoindre l'endurance, puisqu'il en est à 604 minutes jouées depuis l'entame de la Coupe du Monde.

Pour résumer, Modric dispose dorénavant du contexte propice pour pouvoir faire briller la Croatie, comme il était destiné à le faire dès ses débuts. Et à tout cela, on peut ajouter le facteur de l'expérience, qui ne peut qu'être précieux. "S'il est meilleur qu'avant, c'est surtout parce qu'il a plus de vécu", tonne Tironi. La question maintenant est de savoir s'il peut se maintenir à ce niveau encore longtemps. Ou plutôt un match de plus, selon le vœu que tout le peuple croate nourrit. Une question à laquelle son ancien coach Stimac ose répondre, avec la conviction de ne prendre aucun risque démesuré : "pour moi, il n'y a aucun doute qu'il va devenir l'un des tous meilleurs milieux de terrain de tous les temps. Et cette saison, il mérite à coup sûr le titre du meilleur joueur du monde". S'ils étaient effrayés par la perspective de l'affronter, les joueurs de l'Equipe de France peuvent l'être un peu plus désormais.

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