Le départ de Xavi prouve que le Barça est devenu le plus embarrassant des clubs européens

Tout cela n'aurait, en fait, jamais dû se produire. Xavi a annoncé son intention de quitter le club en janvier, après une défaite face à Villarreal, et bien que son annonce ait été inattendue, elle était logique à l'époque. Son équipe s'était essoufflée et, que ce soit à cause d'une mauvaise tactique, de la malchance ou des deux, le Barça n'avait pas réussi à atteindre les sommets qui lui avaient permis de remporter son premier titre de champion en quatre ans, en avril 2023.

Xavi était peut-être trop grand et trop important pour être licencié d'emblée. Il savait que s'il partait, ce serait sous sa propre impulsion. Quitter un club de football - surtout dans un tel état - n'est pas un acte de bravoure, mais Xavi savait que le club était dans une sale posture et qu'il fallait un nouveau visage à la barre pour y remédier.

Dans les semaines qui ont suivi, il a attaqué à plusieurs reprises les médias pour le traitement qu'ils lui avaient réservé et a laissé entendre que l'environnement toxique autour du club avait un impact négatif sur sa santé mentale. Plus inquiétant encore, lorsqu'on lui a demandé s'il donnerait des conseils au prochain entraîneur blaugrana, il a publiquement exhorté Rafa Marquez, légende du club et actuel entraîneur du Barca Atletic, à ne pas accepter le poste.

Fin avril, Laporta convoque Xavi et le conseil d'administration du Barça pour un dîner. Autour de sushis, les parties se sont mises d'accord sur le fait que l'entraîneur devait rester en poste après une série de résultats encourageants tant sur le plan national qu'européen, même si la saison devait se terminer sans le moindre trophée. Les deux hommes, ainsi que le directeur sportif Deco, ont tenu une conférence de presse et posé pour des photos afin de montrer la solidarité qui régnait au sein du club.

Le mercredi 15 mai, les choses ont changé. Invité à adresser un message de soutien aux supporters, Xavi a préféré parler des difficultés financières du club. « Les supporters de Barcelone doivent comprendre que nous sommes dans une situation difficile, surtout sur le plan économique », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Notre situation financière n'est pas la même qu'il y a 20 ans, lorsque le directeur du club pouvait dire : « je veux signer ce joueur, ce joueur et ce joueur », et nous les obtenions tous. Les supporters doivent comprendre que nous devons nous adapter à cette situation. Je le fais et nous le ferons ensemble en tant que club. Cela ne veut pas dire que nous ne serons pas compétitifs. Nous ferons de notre mieux."

Laporta, en retour, ne s'est pas déplacé avec l'équipe pour le match contre Almeria le lendemain soir, et des rumeurs ont rapidement émergé selon lesquelles il envisageait de faire volte-face à son tour.

Indépendamment du statut légendaire de Xavi au sein du club, le fait qu'il ait été licencié a provoqué une énorme frustration, car cette équipe du Barça commençait enfin à redevenir amusante. Même si l'équipe n'a passé que quelques semaines à se battre pour la deuxième place de la Liga, certains signes montrent que la bonne forme affichée au début de l'année 2024 est en train de se transformer en un véritable divertissement.

Le milieu de terrain statique qui avait été bien cerné par les adversaires a disparu, et un schema en 4-3-3 amusante a fait son apparition. Lamine Yamal est au centre de l'action, car il use les défenseurs sur le côté droit, tandis que Raphinha semble être un joueur renaissant sur le côté opposé. Robert Lewandowski a recommencé à marquer des buts et, sans la pression de Pedri et de Ronald Araujo, Xavi a offert plus de temps de jeu à Pau Cubarsi et Fermin Lopez, tous deux issus de La Masia. Les résultats n'ont pas été parfaits, mais de belles promesses sont apparues à l'approche de la fin de la saison.

Xavi, quant à lui, semble en paix. Il n'est plus entravé par l'incertitude qui pèse sur son avenir, il a cessé de s'en prendre aux arbitres et s'est montré nettement plus mesuré lors des conférences de presse. Les problèmes du Barça n'ont pas disparu, mais il y a soudain des raisons d'être optimiste.

Mais avec Laporta à la barre - et Deco à ses côtés - tout est possible. Le président a peut-être été le plus grand supporter de Xavi à certains moments, mais il n'a pas été le dirigeant qui laisse faire dont le club pourrait avoir besoin. Il n'a cessé d'interférer avec le pouvoir du coach au cours de son mandat, sapant l'autorité de Xavi à la fois publiquement et aussi en interne.

L'épisode le plus flagrant s'est peut-être déroulé en décembre 2023. Le Barça s'étant déjà qualifié pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions, Xavi a choisi une équipe bis pour se rendre au Royal Antwerp dans un match sans enjeu. Araujo, Lewandowski, Frenkie de Jong et Ilkay Gundogan, tous susceptibles d'être titularisés dans un match d'une certaine importance, devaient être laissés à la maison. Mais à la dernière seconde, Laporta a annulé la décision de son entraîneur et Araujo, Lewandowski et Gundogan ont voyagé avec l'équipe à la demande du président. Malgré cela, le Barça s'est incliné 3-2.

Deco a lui aussi joué son rôle dans ce feuilleton. L'été dernier, Xavi cherchait désespérément un milieu de terrain central pour remplacer Sergio Busquets. Il convoitait Martin Zubimendi, de la Real Sociedad, mais aurait accepté n'importe quel joueur de qualité à ce poste. Au lieu de cela, Deco s'est tourné vers l'Amérique du Sud et a dépensé beaucoup d'argent pour recruter l'attaquant Vitor Roque, un joueur excitant mais sans expérience, faisant exploser le budget de transfert des Blaugrana pour un joueur dont ils n'avaient pas vraiment besoin, ce qui les a obligés à se tourner vers le vétéran Oriol Romeu pour remplacer Busquets. L'ancien joueur de Southampton n'avait manifestement pas le niveau requis et n'a pratiquement pas commencé un match en 2024, tandis que Roque a eu du mal à voir le terrain depuis son arrivée en janvier.

Tout cela n'a fait que détériorer les relations du club avec ses supporters. Ceux-ci étaient d'abord impatients de voir Xavi partir, et n'hésitaient pas à huer la légende du club lorsque les résultats allaient à l'encontre du club vers la fin de l'année 2023. Mais ils ont changé d'avis au début de l'année 2024 et ont même encouragé le coach à rester avant qu'il ne choisisse officiellement de le faire.

Depuis, la ferveur n'a fait que s'intensifier. Xavi semble bénéficier du soutien indéfectible des Blaugrana, ce qui a créé un fossé entre l'entraîneur et Laporta, sur lequel Xavi a été contraint de s'exprimer. Il l'a fait dimanche soir, condamnant les chants anti-Laporta et insistant sur le fait que le club devait être uni.

« Je ressens de la reconnaissance de la part des supporters, mais je n'ai pas aimé les chants contre le président », a-t-il déclaré. « Nous devons être unis. Il y a trois semaines, nous avons parlé d'être unis et de faire avancer ce projet et c'est toujours le cas.»

C'est un moment difficile pour le président, qui s'est présenté à ce poste en se présentant comme un « cule » de toujours et qui a si souvent parlé d'offrir aux supporters un produit digne d'être regardé. Soudain, le personnage qui a tiré suffisamment de leviers pour ramener la gloire en Catalogne a été mis de côté.

Pourtant, il est difficile de blâmer Laporta pour l'état dans lequel se trouve le Barca. Il est critiqué à juste titre pour son attitude effrontée et sa machine de propagande pro-Barca trop zélée et souvent flagrante, mais il a hérité de l'une des pires missions l'histoire du football d'élite en remplaçant le président sortant Josep Bartimeu, qui a laissé le club dans un état de délabrement en 2020 en provoquant la quasi-faillite de l'institution.

Bartomeu a ensuite été arrêté pour avoir prétendument payé une campagne illégale de diffamation en ligne qui a fait la promotion de messages sur les médias sociaux qui glorifiaient son image tout en lançant des tirades contre Lionel Messi, Gerard Piqué et Xavi. L'ancien président a été innocenté, mais les dommages causés au club sont restés.

Laporta, lorsqu'il a pris ses fonctions à la fin de l'année 2020, s'est retrouvé avec un club brisé. Les succès sur le terrain commençaient à se faire attendre, tandis qu'une horrible gestion financière signifiait que le premier acte réel de Laporta en tant que président était la perte forcée de Messi - les problèmes financiers du Barca signifiant que le grand Argentin devait filer à Paris contre son gré.

Laporta a eu le mérite de redresser la barre à certains égards. Il s'est débarrassé de certains joueurs surpayés, en a recruté de bons et a remporté un titre de champion. Mais la manière dont il s'y est pris risque de nuire encore plus au club à l'avenir.

La stabilité financière est restée difficile à atteindre, car la tactique de Laporta, qui consistait à tirer sur les leviers en roue libre en 2022, n'a pas réussi à sortir les Blaugrana du marasme financier, tandis que sa gestion de la presse, sa relation tumultueuse avec le coach et ses accès de colère erratiques n'ont guère permis au club d'être dépeint sous un jour plus clément. Si la réputation du Barça était déjà entachée, Laporta n'a pas fait grand-chose pour la redorer.

Le Barça fait donc à nouveau les gros titres pour de mauvaises raisons. Xavi, que l'on suppliait de revenir sur sa décision de partir il y a moins d'un mois, est aujourd'hui poussé vers la sortie. Ses commentaires sur les finances du club étaient peut-être malvenus, mais Laporta aurait dû avoir le recul nécessaire pour comprendre le point de vue de l'entraîneur. Et même si ce n'est pas le cas, qu'en est-il de l'aspect technique du licenciement d'un entraineur que vous avez tant fait pour convaincre de rester quelques semaines plus tôt ?

Sans parler de la situation globale du Barça. Tout à coup, le Barça doit payer la dernière année du contrat de Xavi, alors que les finances des Blaugrana sont si pauvres qu'ils ne pourraient probablement pas payer les honoraires ou le salaire d'un entraîneur d'élite. En supposant qu'il y en ait un qui serait prêt à accepter le poste. Au lieu de cela, c'est Flick, libre de tout engaement et qui a récemment connu une période difficile à la tête de l'Allemagne, qui semble prêt à prendre les commandes du FC Barcelone.

Laporta aurait été bien inspiré de se montrer plus intelligent et de garder Xavi. Malheureusement pour les supporters du Barça, le président n'a pas souvent pris la décision la plus sage au cours de son mandat, et celle-ci semble être la pire à ce jour.

Le club de Johan Cruyff, Pep Guardiola et Messi est aujourd'hui méconnaissable, une honte, plus « mes que una comedia » que « mes que un club ». Et maintenant que Xavi a été licencié, qui sait combien de temps ce chaos catalan va durer.