Entre le Barça et la sélection, le corps de Lamine Yamal crie à l’aide

Lamine Yamal n'avait que 15 ans, 9 mois et 16 jours lors de ses débuts contre le Betis Séville le 29 avril 2023. En quelques mois, il est devenu un titulaire indiscutable. Lors de la saison 2023-2024, il n'a manqué qu'un seul des 38 matchs de Liga et a participé aux 10 rencontres de Ligue des champions de son équipe.

Ses performances sensationnelles lui ont logiquement ouvert les portes de la sélection espagnole pour l'Euro 2024. Il n'avait alors que 16 ans et emportait ses livres de cours en Allemagne pour réviser ses examens. Sur le terrain, pourtant, le jeune ailier aux bagues dentaires a donné une leçon de football à des joueurs confirmés, menant la Roja à un triomphe éclatant.

La comparaison n'était plus taboue : Yamal était déjà en avance sur Messi et Cristiano Ronaldo au même âge. Depuis Pelé au Mondial 1958, jamais un adolescent n'avait eu un impact aussi spectaculaire sur la scène internationale. Le problème, c'est que son importance pour le Barça et l'Espagne n'a fait que croître, exerçant une pression immense sur un corps encore en développement.

Yamal a participé aux 11 premiers matchs du Barça lors de la saison 2024-2025, et le seul qu'il n'a pas débuté, contre Osasuna, s'est soldé par une défaite. Il a enchaîné avec trois matchs de Ligue des Nations, avant qu'une première alerte ne le prive d'une rencontre face à la Serbie. Quelques semaines plus tard, une blessure à la cheville l'écartait des terrains pour quatre matchs.

Malgré ces pépins, il a terminé la saison avec 55 apparitions toutes compétitions confondues avec le Barça, soit cinq de plus que l'année précédente, avant de disputer les phases finales de la Ligue des Nations. Il confiait alors s'inspirer de Messi pour gérer ses efforts. « J'ai appris à me gérer cette année, expliquait-il à ESPN. Certains se demandent pourquoi je ne bouge pas pendant dix minutes, mais il y a des moments où il ne faut pas courir tout le temps. Il faut savoir s'économiser. Franchement, je me sens très bien. »

Malheureusement, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Et la question est de savoir à qui revient la faute.

Après un début de saison canon, Yamal a rejoint la sélection espagnole début septembre pour deux matchs de qualification à la Coupe du Monde. C'est là que la situation a dégénéré. De retour à Barcelone avec une douleur aux adducteurs, il a provoqué la fureur de Hansi Flick.

« Il est parti en sélection avec une douleur et ne s'est pas entraîné. Ils lui ont donné des antidouleurs pour qu'il joue, a fulminé le technicien allemand. Ils menaient de trois buts dans chaque match, et il a joué 73 et 79 minutes ! C'est un manque de respect pour le joueur. La sélection espagnole a des joueurs fantastiques, mais elle n'a pas pris soin des siens. Je suis très triste de cette situation. »

Bilan : quatre matchs manqués pour le Barça. À son retour, il n'a eu besoin que d'une minute pour offrir la victoire face à la Real Sociedad, avant de disputer l'intégralité du choc de Ligue des champions contre le Paris Saint-Germain. C'est alors que Luis de la Fuente l'a de nouveau convoqué pour les matchs d'octobre, au grand dam du Barça.

Le sélectionneur a nié tout « conflit avec Flick », tout en se disant déçu par les critiques de l'Allemand. « Il a été sélectionneur, il devrait avoir cette empathie. Il sait comment nous traitons les joueurs. »

De la Fuente a également affirmé que Yamal n'avait jamais signalé de problème majeur avant ou entre les matchs de septembre. « Ce sont des douleurs normales, contrôlables, a-t-il insisté. Il n'a mentionné une gêne qu'après les rencontres. »

Finalement, Yamal a dû déclarer forfait, le Barça ayant annoncé une aggravation de sa blessure aux adducteurs subie contre le PSG. « Difficile de dire s'il pourra jouer dans deux, trois ou quatre semaines, ou s'il sera là pour le Clasico (le 26 octobre), a reconnu Flick avant la défaite contre Séville (4-1). Nous devons attendre et gérer sa charge de travail. » Une gestion qui, selon beaucoup, a fait défaut jusqu'à présent.

Le rapport annuel 2024 de la FIFPRO (le syndicat mondial des joueurs) avait déjà souligné le temps de jeu colossal de Jude Bellingham avant ses 18 ans (6 216 minutes). L'édition de cette année a révélé que Yamal a accumulé près de 2 000 minutes de plus que l'Anglais au même âge, un record absolu pour un lauréat du Golden Boy.

Le rapport rappelle que plusieurs anciens prodiges ont vu leur carrière minée par les blessures après une éclosion précoce : Mario Götze, Paul Pogba, Anthony Martial, mais aussi ses coéquipiers Pedri et Gavi. Le Barça est également bien placé pour savoir comment une blessure peut freiner une carrière promise au sommet, le cas d'Ansu Fati, qui se relance à peine en prêt à Monaco, étant encore dans toutes les mémoires.

Le rôle de Hansi Flick, qui a largement contribué à la remise en forme de Pedri, sera crucial. Mais limiter le temps de jeu d'un joueur aussi influent n'est pas simple. À titre de comparaison, Messi a attendu ses 22 ans pour disputer une saison à 50 matchs ; Yamal l'a déjà fait deux fois à 18 ans.

Ce week-end, Flick a adopté un ton plus conciliant, appelant à une approche commune. « Pour moi, l'affaire est close. Je ne regrette pas d'avoir fait un peu de bruit pour protéger mon joueur, a-t-il déclaré. Mais l'important est maintenant de gérer cela ensemble. Le joueur, le club et la Fédération espagnole, nous devons collaborer. »

Préserver la santé de Lamine Yamal est dans l'intérêt de tous. Car après tout, peu importe qu'il devienne aussi fort que Messi. L'essentiel est de s'assurer qu'une charge de travail déraisonnable ne l'empêche même pas d'essayer.