PSG wing wonders GFXGetty/GOAL

Doué, Kvaratskhelia et les ailiers du PSG : ces artistes qui nous rappellent que le foot peut encore être un jeu

Le football anglais n’est pas toujours une partie de plaisir. Tous les matchs ne peuvent pas être de « grandes pubs pour la Premier League ». Et certains dimanches ne sont tout simplement pas très « Super » – ce qui est parfaitement acceptable. Mais il y avait quelque chose dans ce triste derby de Manchester, la semaine dernière, qui a profondément agacé Gary Neville – et ce n’était pas seulement de voir son ancien club incapable de battre son rival local.

Sa déception allait bien au-delà du simple chauvinisme. Pour lui, la fadeur du nul à Old Trafford symbolisait une maladie plus profonde, une léthargie généralisée qui affecte le championnat le plus populaire du monde. « C’était déprimant. On voit de plus en plus de matchs de ce genre », a-t-il regretté en rejoignant les studios de Sky Sports. « La Premier League, c’est censé être du frisson, du spectacle, du risque – mais là, rien. Je m’excuse même pour mes commentaires ; j’étais ennuyeux, moi aussi… Mais cette nature robotique, cette obsession de rester dans son couloir, d’être managé à la milliseconde, sans la moindre liberté, sans le moindre risque pour gagner un match… C’est en train de devenir une maladie. »

Peut-être que le Paris Saint-Germain, lui, a déjà trouvé l’antidote…

  • FBL-ENG-PR-MAN UTD-MAN CITYAFP

    De pâles copies de Guardiola

    La faiblesse supposée de la Premier League version 2024-2025 est devenue un sujet de débat récurrent ces dernières semaines. Mais cette lassitude générale tient surtout à l’absence totale de suspense, aussi bien dans la course au titre que dans la lutte pour le maintien.

    Et pourtant, de nombreux éléments plaident en faveur d’un championnat plus compétitif que jamais. Le niveau des équipes de milieu de tableau n’a cessé de grimper, au point que les cadors laissent filer des points bien plus souvent qu’auparavant. La fameuse hiérarchie du « Big Six » semble même révolue, tant Manchester United et Tottenham se font régulièrement malmener par Brighton, Bournemouth, Crystal Palace ou encore Fulham.

    Ce que Gary Neville pointe du doigt, ce n’est donc pas une chute de niveau ou un manque d’histoires positives – il suffit de voir Nottingham Forest truster le podium ou Newcastle mettre fin à sa disette de trophées domestiques pour s’en convaincre. Ce qu’il dénonce, c’est l’uniformisation du jeu, l’absence d’audace tactique. Une standardisation du football qu’il voit comme une conséquence indirecte du succès planétaire de Pep Guardiola et de son fameux « tiki-taka ».

    « Ce qu’on voit aujourd’hui, ce sont des imitations ratées », a lâché l’ancien latéral droit, loin d’être le seul à formuler ce constat.

  • Publicité
  • FBL-ITA-CUP-AC MILAN-INTERAFP

    Quand l’Inter rend à l’Italie son identité

    L’idée selon laquelle le « guardiolisme » – comme l’a baptisé Giorgio Chiellini – a perverti l’essence du football n’a rien de nouveau. C’est même un sujet qui alimente les débats en Italie depuis plusieurs années. Fabio Capello, entre autres, déplore que les valeurs fondamentales du calcio aient été sacrifiées dans une course effrénée à l’adoption de la philosophie de jeu prônée par le technicien catalan. Mais tout le monde n’a pas suivi la tendance, comme l’Inter l’a démontré de manière éclatante lors de sa victoire en Ligue des champions face au Bayern Munich mardi dernier.

    La formation de Simone Inzaghi a réalisé un véritable « casse à l’italienne » à l’Allianz Arena, dans une performance défensive parfaitement maîtrisée, ponctuée par quelques contre-attaques d’école, dont l’une a abouti au but victorieux signé Davide Frattesi. « Nous avons gagné grâce à notre football et à nos principes, que nous défendons depuis près de quatre ans », s’est réjoui Inzaghi après la rencontre.

    Il serait toutefois réducteur de qualifier l’Inter d’équipe défensive. C’est tout simplement la meilleure formation de Serie A, contrainte chaque week-end d’imposer son jeu face à des blocs bas. Les Nerazzurri figurent aussi parmi les rares équipes européennes à évoluer avec deux véritables attaquants, disposent d’un milieu technique de haut niveau et peuvent s’appuyer sur des pistons de grande qualité : Federico Dimarco et Denzel Dumfries.

    Mais si les couloirs sont essentiels dans l’animation offensive des Intéristes, ils ne disposent pas de la même arme fatale que le PSG : cette panoplie de dribbleurs spectaculaires qui redonne un goût de liberté au football moderne.

  • TOPSHOT-FBL-EUR-C1-BARCELONA-BENFICAAFP

    « On ne reverra jamais un joueur comme Ronaldinho »

    Le football moderne semble avoir scellé le sort des numéros 10 à l’ancienne. Ces artistes inspirés, à la liberté totale, comme Diego Maradona, Michel Platini, Roberto Baggio, Zinedine Zidane ou Dennis Bergkamp, n’ont plus leur place dans un jeu désormais ultra-codifié. Mis à part Lionel Messi, peut-être, ces génies ont été peu à peu muselés par des systèmes où le pressing prime sur l’improvisation.

    Patrice Évra l’a parfaitement résumé sur le podcast de Rio Ferdinand : « Tout le monde veut bien jouer, mais ce tiki-taka, seul Guardiola sait vraiment le faire. Pourquoi tout le monde veut le copier ? On n’a plus de créativité. On n’a plus de génies. On a des robots. »

    Et de prendre un exemple marquant : « On ne reverra jamais un joueur comme Ronaldinho. Parce qu’aujourd’hui, dès qu’un jeune fait un dribble, l’entraîneur lui dira : "Si tu ne fais pas la passe, tu vas sur le banc." Pourtant, le football, à la base, vient de la rue. »

    Aujourd’hui, il semble trop souvent sortir d’un laboratoire. Tout est calibré, aseptisé. Le flair et l’instinct ont été remplacés par les automatismes et l’obsession de l’efficacité.

  • FBL-EUR-C1-MAN CITY-REAL MADRIDAFP

    Quand l’imprévisibilité disparaît

    Pendant longtemps, une inquiétude bien réelle a plané : celle de voir les ailiers suivre le même destin que les trequartistas d’antan — ces meneurs de jeu libres et imprévisibles — ou, à tout le moins, d’être transformés en quelque chose de bien différent de leur vocation initiale. Comme l’a si bien formulé Jorge Valdano, l’un des penseurs les plus lucides du football : les centres de formation ne se contentent plus de polir les diamants bruts, ils les façonnent jusqu’à en faire un simple maillon d’un grand mur défensif, à coups de « passes à une ou deux touches », au détriment des « feintes, dribbles et moments d’imprévisibilité qui rendaient le football si palpitant ».

    Il ne s’agit évidemment pas de faire porter toute la responsabilité à Guardiola. Son football, à son meilleur niveau, est un pur émerveillement. Et ce n’est certainement pas de sa faute si tant d’autres ont tenté de copier son modèle sans en maîtriser la subtilité. Après tout, c’est lui qui, le premier, a eu l’idée de bâtir une attaque entière autour de Messi — sans doute le dribbleur le plus redoutable de tous les temps.

    Mais, comme on l’a bien vu avec la gestion de Jack Grealish à Manchester City, Pep n’accorde que très rarement à ses ailiers la liberté d’aller défier les défenseurs quand bon leur semble.

    Heureusement, Luis Enrique, lui, pense autrement.

  • FBL-EUR-C1-PSG-PRESSERAFP

    « Je ne m’énerve pas quand un joueur dribble »

    Comme Guardiola, Luis Enrique a remporté un triplé avec le Barça. Mais contrairement à son illustre prédécesseur, il l’a fait avec un jeu bien plus vertical et direct. Sans surprise, il a instauré un style similaire au Paris Saint-Germain. À la différence près que, dans son attaque, ce n’est pas un mais trois ailiers qui animent les couloirs : Khvicha Kvaratskhelia à gauche, Désiré Doué ou Bradley Barcola à droite, et Ousmane Dembélé en électron libre dans l’axe.

    Et si l’on considère que Achraf Hakimi et Nuno Mendes évoluent eux aussi comme de véritables ailiers — leur position moyenne face à Aston Villa mercredi dernier était dans la moitié de terrain adverse, très proches des lignes de touche — alors l’importance capitale que Luis Enrique accorde à la largeur et au un contre un saute aux yeux.

    Une scène survenue après le match au Parc des Princes en est d’ailleurs révélatrice. Un journaliste demande à l’Espagnol si ses signes d’agacement en début de rencontre étaient liés à quelques dribbles manqués de Doué. Réponse immédiate de l’intéressé : « Non, je ne m’énerve pas quand un joueur dribble. Doué est un spécialiste du un contre un. » Avant d’ajouter, presque avec fierté : « C’est ça, la grandeur du PSG. »

    Alors, cette audace sur les ailes suffira-t-elle à offrir au PSG la Ligue des champions qu’il convoite tant ? Impossible à dire. Mais une chose est sûre : le club de la capitale prouve, à sa manière et de façon spectaculaire, que le football peut encore faire rêver — et que le jeu est peut-être en train de retrouver un peu de sa magie.

  • Paris Saint-Germain v Aston Villa FC - UEFA Champions League 2024/25 Quarter Final First LegGetty Images Sport

    « De plus en plus importants »

    Luis Enrique n’est, après tout, pas le seul entraîneur à redonner de la liberté aux ailiers. Luis de la Fuente a remporté l’Euro 2024 avec deux dribbleurs décomplexés dans son onze de départ, Nico Williams et Lamine Yamal — ce dernier fait aujourd’hui des ravages en Ligue des champions avec le Barça. Quant à Bukayo Saka, son retour de blessure a métamorphosé l’attaque d’Arsenal face au Real Madrid. Sans Jamal Musiala, le Bayern Munich, lui, est apparu bien terne face à l’Inter.

    Même Arne Slot a reconnu cette évolution, vendredi dernier, en expliquant la décision de Liverpool d’offrir une prolongation de contrat à Mohamed Salah, malgré ses 32 ans. « Quand je regarde les matches de Ligue des champions cette semaine, les ailiers sont plus importants que jamais dans le football moderne, car les blocs bas sont devenus la norme », a expliqué le technicien néerlandais. « Yamal, Kvaratskhelia, Doué, Saka, Martinelli… tous ont su percer les dernières lignes et créer des occasions. »

    Les matchs retour de cette semaine devraient offrir une nouvelle démonstration de la valeur du déséquilibre. Notamment avec un PSG en mission : rappeler à tous le plaisir simple et précieux qu’il y a à voir des joueurs prendre le ballon, oser, éliminer, faire lever les foules. Certes, le dribble reste un art risqué — mais les récompenses sont à la hauteur de l’audace. Et même Guardiola, longtemps vu comme le fossoyeur de la fantaisie, semble en avoir pris conscience : Man City a recruté deux ailiers “à l’ancienne” l’été dernier, Jérémy Doku et Savinho.

    Non, l’art du dribble n’est pas mort. Au contraire : il pourrait bien être le souffle d’air frais dont le football avait désespérément besoin — celui-là même que des observateurs comme Gary Neville réclament à cor et à cri.

0