Gigi Donnarumma Buffon heir GFXGOAL

De "passoire" critiquée à "muraille infranchissable" : L'incroyable rédemption de Donnarumma au PSG

Adolescent, lorsqu'il évoluait dans les équipes de jeunes de l'AC Milan, Gianluigi Donnarumma était parfois ramasseur de balles. Et chaque fois que la Juventus se déplaçait à San Siro, il se postait délibérément derrière le but de Gianluigi Buffon, son idole, pour étudier avec une attention quasi religieuse chaque mouvement, chaque placement du légendaire gardien des Bianconeri. Une admiration précoce qui allait vite se transformer en confrontation directe.

Car à 16 ans à peine, le jeune prodige milanais se retrouvait déjà aligné face à ce même Buffon sur la pelouse de Turin. Un an plus tard, à 17 ans, il entrait en jeu pour remplacer son aîné et faire ainsi ses grands débuts en équipe nationale d'Italie. Les comparaisons entre les deux "Gigi" furent donc, dès lors, inévitables. Mais elles étaient aussi, à bien des égards, justifiées. Car au-delà d'un prénom partagé, les deux portiers semblaient posséder les mêmes qualités physiques et mentales prodigieuses, la même précocité déconcertante. Buffon lui-même, avec sa franchise habituelle, estimait d'ailleurs que Donnarumma était sans doute plus mature que lui au même âge.

« J'étais complètement différent à son âge ! »avait ainsi admis le vétéran gardien italien en 2016. « Lui, c'est un super gamin, très calme, réfléchi, intelligent et doté de qualités absolument extraordinaires. Il a vraiment tout ce qu'il faut pour marquer l'histoire à son poste. Après, il faudra juste attendre une vingtaine d'années pour pouvoir vraiment tirer des conclusions définitives. »

S'il reste encore plus d'une décennie avant de pouvoir dresser ce bilan final évoqué par Buffon, on peut d'ores et déjà affirmer sans trop de risques que Gianluigi Donnarumma n'a pas encore atteint le niveau de régularité et de constance exceptionnel qui fut celui de son mentor tout au long de son immense carrière. Cependant, le numéro 1 actuel du Paris Saint-Germain est en train de prouver, par ses performances de très haut vol en Ligue des Champions cette saison, qu'il possède toujours en lui le talent brut et le tempérament de compétiteur nécessaires pour espérer un jour imiter Buffon et s'imposer comme le plus grand gardien de sa génération...

  • FBL-FRA-LIGUE1-PSG-STRASBOURGAFP

    De héros de l'Euro à la concurrence avec Navas

    À l'été 2021, le Paris Saint-Germain avait réalisé un mercato pour le moins spectaculaire en attirant pas moins de quatre joueurs de renommée mondiale en fin de contrat : Lionel Messi, Gini Wijnaldum, Sergio Ramos et, donc, Gianluigi Donnarumma. Malgré toute l'effervescence et la frénésie médiatique entourant l'arrivée de la superstar argentine Messi au Parc des Princes, c'est bien la signature du jeune portier italien qui, d'un point de vue purement sportif et dans une perspective de long terme, semblait alors le coup le plus significatif et le plus stratégique réalisé par le club de la capitale.

    Il faut dire qu'il n'avait alors que 22 ans, un véritable "bébé" dans le monde si spécifique des gardiens de but, et il débarquait à Paris auréolé d'un statut de héros national, quelques jours seulement après avoir été désigné Meilleur Joueur de l'Euro 2021, une compétition que l'Italie avait remportée en grande partie grâce à ses performances absolument décisives lors des séances de tirs au but, notamment à Wembley face à l'Espagne en demi-finale puis contre l'Angleterre en finale. Dans ces conditions, il était donc, sans l'ombre d'une contestation possible, idéalement et parfaitement positionné pour s'installer comme le numéro 1 indiscutable dans les buts du PSG pour de très nombreuses années à venir.

    Le seul problème, et il était de taille, c'est que le PSG comptait déjà dans ses rangs un certain Keylor Navas, gardien expérimenté et alors au sommet de son art. Cette situation a résulté en un partage du temps de jeu, parfois déroutant, entre le Costaricien et le jeune Italien lors de la saison 2021-2022. Il était clair que quelque chose devait céder à terme, et c'est sans grande surprise Navas qui a finalement dû faire ses valises pour laisser le champ libre à son cadet. Cependant, la sagesse de cette décision et ce choix de privilégier Donnarumma ont été à maintes reprises questionnés et débattus dans les médias français au cours des saisons suivantes, principalement en raison du malaise et de l'inconfort souvent palpables du gardien italien avec le ballon dans les pieds, un aspect du jeu pourtant jugé crucial dans le football moderne.

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  • Real Madrid v Paris Saint-Germain: Round Of Sixteen Leg Two - UEFA Champions LeagueGetty Images Sport

    Le cauchemar de Bernabeu

    L'implosion spectaculaire du Paris Saint-Germain au stade Santiago Bernabeu, le 9 mars 2022, en huitième de finale retour de la Ligue des Champions face au Real Madrid, ne fut certes pas, dans l'absolu, la capitulation la plus douloureuse ou la plus humiliante de l'histoire européenne du club parisien – la concurrence est rude dans ce domaine. Mais ce fut néanmoins, et sans aucun doute, une soirée absolument horrible et cauchemardesque sur le plan personnel pour Gianluigi Donnarumma.

    Après avoir remporté le match aller au Parc des Princes grâce à un but tardif de Kylian Mbappé (1-0), l'équipe alors entraînée par Mauricio Pochettino semblait pourtant avoir fait le plus dur et se diriger sereinement vers une qualification pour les quarts de finale. D'autant plus lorsque leur attaquant vedette français, diablement rapide, inscrivit un nouveau but juste avant la mi-temps lors de ce match retour à Madrid, portant le score cumulé à 2-0 en faveur du PSG. Mais voilà, à la 61ème minute de jeu, le gardien italien Gianluigi Donnarumma tergiversa de manière inexplicable ballon au pied dans sa propre surface, sous la pression de Karim Benzema. L'attaquant français du Real Madrid parvint à contrer son dégagement, le ballon revenant dans les pieds de Vinicius Jr, qui n'eut plus qu'à servir intelligemment son coéquipier pour une conclusion facile dans le but vide. Le début de la fin pour Paris.

    Comme trop souvent dans son histoire européenne récente, le PSG s'effondra alors mentalement et collectivement après ce coup du sort et cette erreur individuelle grossière. Un Karim Benzema des grands soirs en profita pour inscrire un triplé mémorable en l'espace de quelques minutes, crucifiant les espoirs parisiens et éliminant le club de la capitale sur un score cumulé de 3-2. Gianluigi Donnarumma, lui, apparut totalement dévasté et anéanti au coup de sifflet final. Une soirée à oublier, mais qui allait laisser des traces.

  • Real Madrid v Paris Saint-Germain: Round Of Sixteen Leg Two - UEFA Champions LeagueGetty Images Sport

    « Trop fort pour être affecté » : le soutien de Buffon

    De la même manière qu'il avait pu le faire pour consoler et protéger Gianluigi Donnarumma après quelques erreurs inhabituelles de ce dernier lors de la finale de la Coupe d'Italie en 2019 (quand Donnarumma jouait encore à l'AC Milan), son aîné et mentor Gianluigi Buffon fut l'un des premiers et des plus véhéments à monter au créneau pour défendre son jeune compatriote après sa bévue madrilène. « Des erreurs comme celle-là, aussi coûteuses soient-elles sur le moment, sont utiles pour grandir, pour mûrir. Elles font partie intégrante du processus de développement d'un joueur, surtout à ce poste si exposé », avait alors déclaré la légende italienne au quotidien Corriere dello Sport.« Et je suis absolument certain que cet épisode n'aura aucun impact négatif durable sur lui, parce que Donnarumma a déjà prouvé par le passé qu'il possédait la force mentale nécessaire pour surmonter les moments difficiles et les critiques. »

    Buffon avait même ajouté, avec force conviction : « Il est bien trop fort mentalement pour se laisser affecter durablement par tout ça. Gigio est, et reste pour moi, l'un des meilleurs gardiens du monde, sans aucun doute dans le top 3 mondial actuel aux côtés de Thibaut Courtois et Manuel Neuer. » Une prise de position forte de la part d'une sommité.

    Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Buffon avait assurément raison sur un point crucial : Donnarumma possédait bel et bien la force de caractère et la résilience suffisantes pour mettre rapidement derrière lui cette mésaventure et cette soirée cauchemardesque de Madrid. Le soutien et le travail effectué avec sa préparatrice mentale attitrée, Nicoletta Romanazzi, ont également joué un rôle important et bénéfique à cet égard pour l'aider à rebondir.

  • Borussia Dortmund v Paris Saint-Germain: Semi-final First Leg - UEFA Champions League 2023/24Getty Images Sport

    Apprendre de ses erreurs : le credo de Donnarumma (vraiment ?)

    Interrogé sur sa capacité à gérer la pression et les erreurs inhérentes au poste de gardien de but, Gianluigi Donnarumma avait livré une analyse intéressante à la Gazzetta dello Sport. « Une chose importante que j'ai apprise au fil du temps, c'est surtout comment bien réagir après les erreurs, plutôt que de me focaliser uniquement sur les succès », avait-il ainsi expliqué. « À ce titre, je remercie d'ailleurs toujours Nicoletta [Romanazzi, sa préparatrice mentale, ndlr] parce qu'elle m'aide énormément à me concentrer sur moi-même, sur mes sensations, et à ne pas trop penser à tous les éléments extérieurs, comme les critiques ou la pression médiatique. Solliciter de l'aide professionnelle quand on en ressent le besoin n'est absolument pas une faiblesse ; bien au contraire, je pense sincèrement que cela vous rend plus fort mentalement. »

    Le portier italien poursuivait sa réflexion sur son poste si particulier : « Le rôle de gardien de but est l'un des plus difficiles et des plus exposés dans le football, mais c'est aussi, à mes yeux, l'un des plus beaux. L'une de mes principales forces, je crois, c'est ma capacité à rester concentré et à aller de l'avant malgré certaines erreurs que je peux commettre. Si vous commencez à trop cogiter sur une erreur, si vous la laissez vous envahir mentalement, alors vous êtes mort pour le reste du match... Les gens ont le droit de parler, de donner leur opinion, c'est normal. Mais une simple opinion extérieure ne peut et ne doit pas déterminer la valeur réelle d'un gardien. Personnellement, je reste calme, surtout parce que je suis convaincu que je peux apprendre de chaque erreur pour m'améliorer. »

    Le problème, c'est que ces fameuses erreurs, notamment dans son jeu au pied ou sur certaines sorties aériennes, ont continué à se produire avec une régularité préoccupante sous le maillot parisien. Et cela est logiquement devenu, au fil du temps, une véritable source d'inquiétude et de débat à Paris.

  • FBL-EUR-C1-PSG-PRESSERAFP

    Jeu au pied défaillant : Donnarumma est-il Enrique-compatible ?

    Pour illustrer les difficultés et les doutes entourant Donnarumma, souvenons-nous de cette semaine particulièrement désastreuse pour lui lors de la saison 2023-2024, où il avait enchaîné trois erreurs manifestes en trois rencontres consécutives. D'abord contre l'AS Monaco, où il avait littéralement offert un but à Takumi Minamino sur une relance au pied totalement manquée. Trois jours plus tard, en Ligue des Champions, il était directement impliqué et fautif sur l'ouverture du score de Newcastle lors d'une cinglante défaite 4-1 à St James' Park. Et pour couronner cette série noire, il s'était fait expulser quelques jours après lors d'un match de championnat contre Le Havre, pour une sortie aussi spectaculaire que dangereuse et mal maîtrisée en dehors de sa surface de réparation. Face à cette accumulation, Luis Enrique avait alors tenté, en conférence de presse, de faire diversion et de prendre la pression sur lui pour protéger son gardien.

    « Gigio a fait ce que je lui ai demandé de faire. Je demande à mon gardien de couvrir l'espace dans le dernier tiers du terrain, donc si quelqu'un est responsable de cette situation, c'est moi », avait alors courageusement déclaré l'entraîneur espagnol. « La plupart du temps, ce positionnement et cette prise de risque fonctionnent bien et nous apportent beaucoup. Mais quand ça ne se passe pas bien, comme sur cette action, alors le problème vient de moi, de mes consignes. » Une tentative louable de dédramatisation.

    Bien sûr, la réalité sous-jacente est que Luis Enrique, comme tant d'autres entraîneurs de sa génération prônant un football de possession et de relance depuis la défense, souhaite ardemment un gardien de but capable non seulement d'effectuer des arrêts décisifs sur sa ligne, mais aussi et surtout de participer activement à la construction du jeu, d'être le premier relanceur de l'équipe, à l'aise balle au pied. Et si Gianluigi Donnarumma excelle indéniablement dans le premier domaine, celui des arrêts purs, il éprouve en revanche des difficultés bien plus manifestes et récurrentes dans le second, celui du jeu au pied sous pression. Conséquence directe de cette adéquation imparfaite avec le style prôné par son coach : des rumeurs persistantes et de plus en plus insistantes suggèrent depuis des mois que le PSG envisage sérieusement de vendre l'international italien lors du prochain mercato estival, afin de le remplacer par un gardien au profil plus "moderne", le nom du jeune et talentueux portier de Lille, Lucas Chevalier, revenant avec le plus d'insistance.

  • Arsenal FC v Paris Saint-Germain - UEFA Champions League 2024/25 Semi Final First LegGetty Images Sport

    Le sauveur du PSG, sur les traces de Buffon (ou mieux ?)

    Le timing de ces rumeurs insistantes de transfert et de ces critiques récurrentes sur son jeu au pied peut sembler d'autant plus étrange et décalé que la popularité de Gianluigi Donnarumma auprès des supporters parisiens n'a, paradoxalement, jamais été aussi haute qu'actuellement. Il faut dire que, pour être tout à fait objectif, le Paris Saint-Germain ne serait tout simplement pas aujourd'hui aux portes d'une possible finale de Ligue des Champions sans les exploits répétés de son portier italien. En huitièmes de finale, lors de la qualification arrachée face à Liverpool, Donnarumma avait rappelé au monde entier pourquoi il est considéré comme le pire adversaire possible à affronter lors d'une séance de tirs au but fatidique. En quart de finale, après le match retour héroïque contre Aston Villa, son entraîneur Luis Enrique n'avait eu qu'un seul mot pour qualifier sa prestation : « sensationnelle ».

    Et que dire de sa performance lors de la demi-finale aller la semaine dernière sur la pelouse d'Arsenal à l'Emirates ? Ce soir-là, son coéquipier Vitinha, pourtant élu homme du match par l'UEFA, avait tenu à remettre personnellement son trophée à Donnarumma, le désignant sans hésiter comme le véritable "MVP" du PSG. Un geste fort pour saluer les deux arrêts absolument cruciaux réalisés par l'Italien, dont le second, une parade réflexe ahurissante sur une frappe à bout portant de Leandro Trossard, fut d'une importance capitale et d'une beauté extraordinaire.

    S'il parvient à garder de nouveau sa cage inviolée ou à se montrer aussi décisif ce mercredi soirlors du match retour face à Arsenal, Gianluigi Donnarumma ne sera plus qu'à une petite marche de réaliser un exploit que son illustre modèle et mentor, Gianluigi Buffon, n'a jamais réussi à accomplir au cours de son immense carrière : soulever la Coupe aux grandes oreilles, la Ligue des Champions. Cela suffirait-il pour autant à le faire enfin reconnaître comme le meilleur gardien du monde à l'heure actuelle ? Le débat restera sans doute ouvert, particulièrement en raison de cette obsession très moderne pour les gardiens-libéros, excellents relanceurs au pied.

    Mais comme l'a si justement et si élégamment résumé récemment l'ancienne icône de l'AC Milan et de la sélection italienne, Alessandro Costacurta, en parlant des critiques parfois injustes visant Donnarumma : « Ils [les détracteurs] disent à longueur de temps qu'il n'est pas le meilleur quand il s'agit de sortir de sa ligne ou de jouer au pied, mais ils oublient systématiquement de mentionner qu'il est tout simplement le meilleur gardien du monde dans absolument tout le reste ! » Un bel hommage, et peut-être le mot de la fin le plus juste.