Eyraud Marseille Ligue 1Getty

Défiance et scepticisme, Eyraud est déjà sous pression à l'OM

Moins d'un an après le rachat de l'Olympique de Marseille par Frank McCourt et sa nomination à la présidence du club, Jacques-Henri Eyraud traverse sa première période de turbulences. Après la lune de miel des débuts, JHE s'est mis à dos une frange des supporters. Conséquence directe d'un mercato en décalage avec les espoirs suscités par sa prise de fonction en octobre 2016, des résultats décevants de l'équipe de Rudi Garcia et d'une méthode qui ne passe pas auprès des groupes très influents. Comment en est-on arrivé à cette défiance envers Eyraud et surtout peut-il en sortir ?

Des débuts idylliques

Pris pour un simple traducteur de Frank McCourt lorsque son visage est apparu dans le paysage marseillais, Jacques-Henri Eyraud a rapidement conquis son monde. Son profil d'entrepreneur tranchait singulièrement avec celui de ses prédécesseurs les plus récents, Pape Diouf, Jean-Claude Dassier ou Vincent Labrune. A la fois cool et sérieux, JHE, plus à l'aise en Yeezy et tee-shirt militaire qu'en chemise blanche cintrée et mocassins, semblait taillé pour le poste. Et surtout, il donnait l'impression de savoir exactement où il allait. 

L'OM redescend sur terre

Ses décisions rapides et tranchantes dès les premiers jours confirmaient cette impression. Son côté "effaceur" était même salué ! JHE brillait sur les réseaux sociaux, était accueilli comme une rock star dans les clubs amateurs et déclamait du rap en interview. Il frappait un grand coup (de com') en offrant l'hôtel à tous les supporters marseillais à Dijon quand un match était décalé de 24h. Avec en prime, un tweet bien senti : "Retourner chez soi quand le match est décalé au lendemain ? Not under my watch. Marseillais, on a besoin de vous demain. Bonne nuit à tous." 

Eyraud, qui ne craignait pas le ridicule en dansant dans un clip de Noël, en faisait probablement un peu trop mais le début de son ère était parfaitement maîtrisé. Le mercato d'hiver avec quatre recrues dont Dimitri Payet qui battait le record du transfert le plus cher de l'histoire du club offrait encore plus de crédit au projet McCourt et surtout au président.

Une vision à long terme

Jacques-Henri Eyraud le répète à l'envi : "Nous pensons à l'OM dans 3 ans, 7 ans, 10 ans…"  Le moyen et long terme font partie intégrante de son travail. C'est sans doute la partie la moins visible mais en tentant de poser des fondations JHE s'expose également aux critiques dans un club dont l'environnement a érigé le court terme en mode de vie voire même de survie. 

Eyraud a signé 21 partenariats avec les clubs amateurs de la région dans un programme pompeusement intitulé "Next Generation Champion". Le diplômé de Harvard a également négocié le loyer du stade Vélodrome en obtenant le droit d'entamer des discussions avec Arema pour que l'OM obtienne la gestion commerciale du stade. Eyraud et ses équipes planchent également sur le futur centre d'entraînement du club marseillais. La Commanderie est trop petite selon le nouvel état-major sportif. Ces dossiers ne concernent pas directement l'équipe professionnelle ni le mercato. Ils sont à mettre au crédit d'un Eyraud qui ne sera jugé au final que sur les résultats.

Une communication avec effet boomerang

"Dire, c'est faire rire. Faire, c'est faire taire." Eyraud a trimbalé sa formule piquée à un restaurateur marseillais lors de sa tournée des médias de l'automne. Sûr de sa force, il pensait tenir son slogan. Au final, le président de l'OM a beaucoup dit. Beaucoup fait aussi, il faut l'avouer. Mais pas assez pour les fans qui avaient fondé d'immenses espoirs en lui et McCourt. 

Il faut dire qu'en terme de belles phrases en forme de promesses, le boss américain a pris sa part. L'attaquant à 60 millions c'est lui. Viser la première place c'est lui. Battre Paris, c'est lui. Eyraud s'est moins enflammé mais c'est lui qui prend l'effet boomerang de plein fouet. Il a multiplié les sorties hasardeuses. En se présentant aux salariés et aux joueurs avec la Ligue des champions à bout de bras, le successeur de Ciccolunghi a lancé une image présomptueuse alors que ce n'était pas le but recherché. 

Plus tard, sa blague sur la tisane a été très mal perçue surtout qu'elle n'a pas été suivie d'annonces fracassantes. Eyraud est passé pour un fanfaron. En fin de mercato, il s'est totalement déchiré en déclarant que "Diego Costa se marierait bien avec l'OM" alors qu'il savait pertinemment qu'il n'en avait pas les moyens. Le président, qui s'était bien gardé de le faire jusque-là, vendait de la poudre aux yeux. Une erreur fatale.

L'été qui change tout

A l'OM, plus qu'ailleurs, le mercato est le seul juge de paix. A fortiori quand un repreneur débarque en claironnant ses immenses ambitions. En claquant plus de 40 millions en janvier, Eyraud avait annoncé la couleur croyait-on. Pour son premier mercato, JHE gagne ses galons de président. Il se taille une réputation de fin négociateur en arrachant Dimitri Payet à West Ham pour 29 millions d'euros… On allait voir ce qu'on allait voir. "L'été sera le temps fort", prévient-il. 

Face aux supporters, il annonce des recrues pour juin afin de booster les abonnements. Il a eu tout faux. Car malgré sept recrues, de nombreux supporters sont insatisfaits et reprochent à Eyraud des promesses non tenues. La venue à la dernière minute de Mitroglou a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase car elle a donné l'impression d'avoir cédé à la panique. Et le Grec n'a pas vraiment le profil du grand attaquant tant espéré. Conséquence directe, Eyraud a vécu sa première crise sportive avec les deux lourdes défaites contre Monaco (1-6) et Rennes (1-3). Cible de la fronde des virages, Eyraud a très mal vécu les banderoles et les insultes. Le président ne comprend pas cette impatience alors qu'il est persuadé d'avoir remis l'OM sur les rails. L'ancien de chez Mickey découvre qu'à Marseille, il existe des Loulou qui peuvent faire du rififi.

La défiance a également gagné le bâtiment administratif. En proposant un plan de départs volontaires, Eyraud a écorné son image de patron bienveillant. Des dizaines de salariés - la plupart dans le service médias - vont quitter le club. Malgré des conditions souvent avantageuses, la nouvelle direction ne fait pas de sentiment. Certes, le ménage était sans doute nécessaire dans toutes les strates du club après des années d'errance mais Eyraud a dévoilé une face plus sombre de sa personnalité de chef d'entreprise.

Peut-il retourner sa situation ?

Peu de présidents ont subi la vindicte populaire si rapidement. A bien des égards, elle paraît prématurée. Mais elle dit beaucoup des erreurs commises par Jacques-Henri Eyraud en un an de pouvoir. D'un côté des paroles, de l'autre un recrutement sans paillettes à part Payet. D'une part un travail en profondeur, de l'autre des décisions contestées. En fermant de son propre chef la zone des South Winners alors qu'aucune sanction disciplinaire ne l'y obligeait, Eyraud a joué avec le feu. La hausse des abonnements est un autre sujet de discorde. Il n'en fallait pas plus pour tendre la situation avec les principaux leaders des groupes de supporters. En pensant qu'il pouvait leur commander un tifo géant pour OM-PSG, Eyraud a encore démontré sa méconnaissance du contexte. Et des enjeux… 

Entre ceux qui ont des intérêts peu avouables et ceux qui sont déçus par la tournure du projet McCourt, le nombre des sceptiques a gonflé doucement mais sûrement à son sujet. Toutefois, fort de la confiance de son actionnaire, l'homme trace sa route avec une stratégie à l'américaine pour transformer l'OM en société moderne. Comme une autre pourrait-il ajouter. Il conserve beaucoup de partisans notamment ceux qui croient au changement de mentalité à l'OM. Pour l'heure, il ne peut compter sur les médias avec lesquels il est en froid. 

Eyraud ne se prête pas au jeu des confidences. Tel un anti-Labrune, passé maître dans l'art de la petite phrase off qui créait le contre-feu, JHE demeure mutique au point de se mettre à dos certains journalistes qui n'apprécient pas sa froideur. Est-il capable de forcer sa nature (et sa stratégie) pour renouer le fil à son avantage ? Pour Eyraud, le temps fera son oeuvre. Si Rudi Garcia et ses hommes connaissent le succès, il en profitera et sera épargné. Sinon, il sera en première ligne.

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