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Zéro titre en trois saisons : Pourquoi l'aventure saoudienne de Cristiano Ronaldo n'est qu'une vaste course aux stats personnelles

Mercredi dernier, après la défaite crève-cœur d'Al-Nassr (3-2) face à l'équipe japonaise de Kawasaki Frontale en demi-finale de la Ligue des Champions Asiatique (AFC), les caméras se sont attardées sur un Cristiano Ronaldo ressassant sa frustration, seul dans le rond central. Gestes d'agacement des mains et des pieds, tête basse puis regard perdu lancé vers le ciel... Le Portugais semblait ruminer cette énorme occasion d'égaliser qu'il avait vendangée dans le temps additionnel. Se demandait-il, une fois de plus, les yeux levés vers les cieux séoudiens : "Pourquoi moi ?"

Pourtant, difficile d'invoquer la seule malchance ou le sort pour expliquer cette nouvelle désillusion. Al-Nassr serait sans doute qualifié pour la finale continentale si son attaquant vedette de 40 ans s'était montré un tant soit peu plus lucide et efficace devant le but. Car en plus de cette occasion en or manquée dans les derniers instants, CR7 avait également trouvé la barre transversale sur une tête puissante en première mi-temps, avant de gâcher deux coups francs très bien placés après la pause.

À son apogée, au sommet de son art, Cristiano Ronaldo se nourrissait de ces matchs couperets à haute pression, de ces moments décisifs où tout se joue sur un détail. Il excellait quand les enjeux étaient élevés. Mais force est de constater qu'en Arabie Saoudite, il peine cruellement à endosser ce costume de "difference-maker" ultime, de joueur capable de faire basculer à lui seul le destin d'une rencontre, une réputation qui a pourtant forgé sa légende planétaire. On peut même légitimement se poser la question : l'ancienne superstar de Manchester United et du Real Madrid n'a-t-elle pas, paradoxalement, affaibli Al-Nassr ? Le club caracolait en effet en tête de la Saudi Pro League au moment de son arrivée en grande pompe en janvier 2023...

Certes, l'arrivée de Ronaldo a indéniablement et considérablement accru la visibilité et l'attractivité du football saoudien sur la scène mondiale. Mais sur le plan purement sportif, il n'a pas (encore ?) réussi à faire entrer Al-Nassr dans une nouvelle ère glorieuse et triomphante. Aucun trophée majeur n'est venu garnir la vitrine du club d'Al-Awwal Park depuis son arrivée il y a bientôt trois saisons. Et sauf miracle improbable lors des cinq dernières journées de championnat, cette inquiétante série noire et cette disette de titres vont inéluctablement se poursuivre une année de plus.

Dans ce contexte, il apparaît de plus en plus clairement que l'aventure de Cristiano Ronaldo au Moyen-Orient se résume davantage à une lucrative opération de "gonflage de statistiques" personnelles qu'à une quête de succès collectifs. Il continue certes d'empiler les buts à un rythme effréné, et quelques records individuels pourraient encore tomber au passage d'ici la fin de son contrat. Mais si les trophées les plus importants et les plus prestigieux continuent d'échapper obstinément à Al-Nassr, ce dernier chapitre de l'immense et richissime carrière de CR7 risque fort de n'ajouter strictement rien – voire de ternir légèrement – sa légende globale et son héritage dans l'histoire du football.

  • Cristiano Ronaldo GFXGetty Images/Goal

    Quand les stats personnelles comptent plus que les titres

    Malgré l'arrivée en fanfare de Cristiano Ronaldo, rappelons qu'Al-Nassr n'avait pu faire mieux qu'une deuxième place en Saudi Pro League lors de la saison 2022-23, terminant à cinq points du champion Al-Ittihad. La saison suivante (2023-24) fut encore plus décevante collectivement, avec une nouvelle deuxième place mais cette fois à une distance abyssale de 14 points du vainqueur, Al-Hilal. Et l'histoire semble malheureusement vouée à se répéter une troisième fois cette année : à seulement cinq journées de la fin du championnat 2024-2025, Al-Nassr pointe à une modeste troisième place, comptant déjà huit points de retard sur le leader, Al-Ittihad (désormais entraîné par Stefano Pioli), et deux sur son dauphin, Al-Hilal. Même si un choc crucial face au leader Al-Ittihad est programmé la semaine prochaine à Al-Awwal Park, offrant une ultime chance de réduire l'écart, il faudrait un véritable séisme pour imaginer les leaders actuels s'effondrer, tant ils ont fait preuve d'une régularité impressionnante jusqu'ici (21 victoires, 5 nuls et seulement 3 défaites en 29 matchs).  

    Un maigre lot de consolation, purement individuel, se profile toutefois pour Cristiano Ronaldo : le titre de meilleur Buteur du championnat saoudien. L'insatiable attaquant portugais, ancien crack formé au Sporting CP, a déjà fait trembler les filets à 23 reprises en 27 apparitions en championnat cette saison. Il caracole en tête du classement des buteurs, devant Ivan Toney (Al-Ahli) et l'expérimenté Abderrazak Hamdallah (Al-Shabab), tous deux auteurs de 19 réalisations, ainsi que le talisman et capitaine d'Al-Ittihad, son ancien coéquipier Karim Benzema (18 buts). Ce dernier, interrogé après avoir marqué un but décisif lors de la victoire cruciale d'Al-Ittihad contre Al-Ettifaq le 21 avril dernier, a d'ailleurs offert une réponse devenue virale sur les réseaux sociaux, une réponse qui en dit long sur le contraste de mentalité et de priorités entre les deux anciennes légendes du Real Madrid : « Rattraper Cristiano au classement des Buteurs ? Honnêtement, je m'en fiche complètement, mon ami. La seule chose qui compte, la chose la plus importante, c'est de gagner le trophée [de champion]. » Des propos simples, efficaces, et largement interprétés comme une pique subtile envers CR7.

    Car cette déclaration de Benzema n'a fait que confirmer ce que beaucoup d'observateurs ressentent et écrivent depuis longtemps : pour Cristiano Ronaldo, les trophées collectifs, bien qu'importants pour son palmarès, n'ont jamais semblé avoir la même saveur, ni susciter la même joie intense et non feinte, que les récompenses individuelles. On ne l'a d'ailleurs jamais vu aussi rayonnant, aussi visiblement et profondément satisfait, que lorsqu'il montait fièrement sur scène pour recevoir chacun de ses cinq Ballons d'Or, souvent glanés au nez et à la barbe de son éternel rival argentin, Lionel Messi. Des trophées dorés qu'il a ensuite constamment et abondamment utilisés comme arguments et munitions médiatiques pour clamer à qui voulait bien l'entendre qu'il était, sans l'ombre d'un doute, "le meilleur joueur de l'histoire". Une obsession personnelle qui, aujourd'hui encore, semble parfois primer sur la réussite de son équipe.

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  • Cristiano Ronaldo Al Nassr 2024Getty

    Objectif 1000 buts : la seule ambition de Ronaldo ?

    Depuis son arrivée à Al-Nassr, Cristiano Ronaldo semble en effet bien plus motivé par l'idée de gonfler son total de buts stratosphérique en carrière que par tout autre objectif collectif. L'international portugais avait atteint la barre symbolique des 899 réalisations en août dernier, lors d'une victoire 4-1 contre Al-Fayha. Peu de temps après, il avait publiquement affiché sa cible la plus ambitieuse lors d'une interview accordée à son ancien coéquipier de Manchester United, Rio Ferdinand, sur la chaîne YouTube de ce dernier. « Pour moi, la plus belle marque, le plus beau record que je puisse viser dans le football, c'est d'atteindre d'abord les 900 buts », avait alors déclaré Ronaldo. « Après ça, mon défi personnel, c'est d'aller chercher les 1000 buts. » Il n'avait d'ailleurs pas manqué, au passage, de lancer une pique à peine déguisée à la légende brésilienne Pelé, qui revendiquait 1279 buts mais en incluant ceux marqués lors de matchs non-officiels : « Tous les buts que je marque, moi, il y a la vidéo pour le prouver. Donc je peux démontrer qu'ils sont bien réels. Si les blessures m'épargnent, je veux atteindre ce total [de 1000 buts]. » Une obsession chiffrée clairement assumée.  

    Avançons rapidement jusqu'à aujourd'hui, début mai 2025. Le compteur personnel de CR7 affiche désormais 933 buts – un décompte suivi de manière quasi frénétique par le "gourou" italien des transferts Fabrizio Romano, qui informe la planète entière via les réseaux sociaux à chaque nouvelle réalisation du Portugais. Une communication parfaitement huilée autour de ce record en devenir. Pourtant, force est de constater qu'on attend toujours d'entendre Cristiano Ronaldo s'exprimer avec la même passion dévorante, la même flamme dans les yeux, lorsqu'il s'agit d'évoquer les aspirations collectives d'Al-Nassr ou la quête de succès pour son équipe.

    Désormais, à chaque match d'Al-Nassr, une grande partie de l'attention médiatique et populaire semble focalisée quasi exclusivement sur une seule et unique question : Cristiano Ronaldo va-t-il marquer et ainsi se rapprocher un peu plus de ce fameux et mythique cap des 1000 buts ? Qu'il l'ait voulu ou non, le Portugais a créé un véritable "spectacle dans le spectacle" permanent autour de sa seule personne. Un feuilleton personnel qui, inévitablement, détourne une partie de l'attention des efforts collectifs du reste des joueurs de l'effectif dirigé par Stefano Pioli, et nuit potentiellement à la concentration et à la cohésion du groupe dans sa quête de résultats.

  • cristiano-ronaldo(C)Getty Images

    Quand Ronaldo lui-même commence à douter

    Car atteindre ce fameux cap des 1000 buts n'est absolument pas une conclusion écrite d'avance pour Cristiano Ronaldo, même avec sa détermination légendaire. Pour y parvenir, il lui faudra probablement continuer à jouer au plus haut niveau (ou du moins, au niveau saoudien) pendant au moins deux saisons supplémentaires – ce qui correspondrait d'ailleurs à la durée de la prolongation de contrat qu'il aurait déjà paraphée, selon certaines rumeurs insistantes, avec Al-Nassr. Mais même avec ce temps de jeu potentiel, rien ne garantit que l'attaquant désormais vétéran sera capable de maintenir sur la durée sa cadence infernale de buts passée. D'ailleurs, cette saison, il est déjà à 11 unités de son total de 44 buts (toutes compétitions confondues) atteint lors de l'exercice précédent.

    Certes, le niveau global, relativement faible, du championnat saoudien – sans commune mesure avec l'exigence des grandes ligues européennes – joue indéniablement en sa faveur et lui permet de continuer à marquer régulièrement. Son instinct de prédateur devant le but reste également intact. Mais, à 40 ans passés, il n'est objectivement plus aussi rapide, plus aussi explosif, ni aussi mobile sur le front de l'attaque qu'il a pu l'être par le passé.

    Un constat physique lucide qu'il n'ignore peut-être pas lui-même, au fond. C'est en tout cas une interprétation possible de sa surprenante déclaration faite après avoir inscrit un doublé lors de la victoire 3-1 dans le derby face au rival Al-Hilal, le mois dernier (avril 2025). Devant les micros, Ronaldo avait alors lancé : « Les gars, profitons simplement du moment présent, de l'instant. Personnellement, je ne suis pas focalisé sur la barre des 1000 [buts]. Si ça arrive un jour, parfait. Si ça n'arrive pas, ce n'est pas grave, ce n'est pas la fin du monde. » Faut-il y voir la preuve d'une soudaine et improbable transformation en homme humble, enfin détaché des records et des statistiques personnelles ? Permettez-nous d'en douter fortement. Ces mots ressemblent bien plus à l'aveu discret, presque inconscient, d'un doute qui commence sérieusement à s'installer dans l'esprit du Portugais quant à sa capacité réelle à atteindre cet objectif ultime qu'il s'est lui-même fixé.

  • Al Nassr v Al Hilal: Saudi Super Cup FinalGetty Images Sport

    L'effet Ronaldo : un cadeau empoisonné pour Al-Nassr ?

    Soyons honnêtes : jusqu'à présent, Cristiano Ronaldo n'a absolument rien accompli de réellement notable sur le plan sportif en Arabie Saoudite, si l'on excepte bien sûr l'augmentation spectaculaire de ses émoluments hebdomadaires. Pour un joueur de sa stature, de son palmarès et de son ambition affichée, c'est une situation pour le moins embarrassante. D'autant plus lorsqu'on la compare aux succès collectifs rencontrés par plusieurs de ses pairs, d'anciennes stars européennes qui ont suivi ses pas et ont également rejoint le Moyen-Orient ces dernières saisons. Pendant que Ronaldo et Al-Nassr collectionnent les désillusions, Karim Benzema, Fabinho et N'Golo Kanté sont sur le point d'être sacrés champions d'Arabie Saoudite avec Al-Ittihad. La saison précédente (2023-2024), ce sont Sergej Milinkovic-Savic, Aleksandar Mitrovic et Malcom qui avaient joué un rôle prépondérant dans le titre conquis par Al-Hilal.

    Le recrutement XXL et à grand renfort de millions d'Al-Nassr ne s'est pourtant pas arrêté au seul cas de Ronaldo. Des joueurs de très haut calibre comme Sadio Mané, Marcelo Brozovic, Aymeric Laporte et, tout récemment, le jeune attaquant Jhon Duran ont également été convaincus de rejoindre le projet ambitieux – du moins sur le papier – du club de Riyad. Alors, comment expliquer qu'Al-Nassr, malgré cet effectif pléthorique, n'ait pas réussi à progresser collectivement et à performer de la même manière que ses deux principaux concurrents directs pour le titre ? Une explication revient avec insistance : peut-être est-ce dû au fait que tout, absolument tout, doit toujours tourner autour de la seule personne de Cristiano Ronaldo.

    Cette même accusation, ce même reproche, lui avaient d'ailleurs été adressés lors de son retour controversé à Manchester United à l'été 2021, après son départ de la Juventus. Suite à son arrivée et malgré ses buts, la forme et les résultats collectifs de l'équipe mancunienne avaient chuté de manière drastique. Immédiatement placé au centre du projet offensif par l'entraîneur d'alors, Ole Gunnar Solskjaer, Ronaldo avait certes rempli sa part du contrat en termes de statistiques personnelles, mais l'obligation pour le coach de l'accommoder systématiquement et de construire l'équipe autour de lui avait fini par totalement déséquilibrer et affaiblir le reste du collectif des Red Devils.

    L'histoire semble tristement se répéter à l'identique du côté d'Al-Nassr. Avant Stefano Pioli, les entraîneurs Rudi Garcia puis Luis Castro ont tous deux échoué à bâtir une véritable unité collective forte et cohérente, sans doute en partie à cause de la pression constante et implicite de devoir systématiquement aligner et satisfaire la superstar portugaise, quels que soient sa forme du moment ou l'équilibre tactique global de l'équipe. Et le technicien italien Stefano Pioli, nommé en septembre dernier [2024], ne semble guère faire mieux pour l'instant dans cette équation complexe.

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    Ligue des Champions Asiatique : l'échec de trop pour Al-Nassr ?

    Pour couronner le tout et ajouter une couche d'humiliation supplémentaire à la frustration de Cristiano Ronaldo, ce dernier risque fort d'assister impuissant ce week-end au sacre potentiel de l'ancien buteur de Brentford, l'Anglais Ivan Toney, en Ligue des Champions Asiatique (AFC). Recruté par Al-Ahli, Toney a en effet été l'un des artisans de la qualification de son équipe pour la finale, marquant notamment lors de la victoire 3-1 en demi-finale contre le rival Al-Hilal. S'il venait à remporter le trophée face aux Japonais de Kawasaki Frontale (bourreaux d'Al-Nassr), l'international anglais aurait alors accompli bien plus collectivement en une seule saison en Arabie Saoudite que CR7 en bientôt trois ans... C'est dire si l'élimination d'Al-Nassr à ce stade de la compétition s'apparente à un véritable désastre industriel pour le club et sa superstar.

    Un désastre d'autant plus cuisant et difficile à digérer que la compétition reine en Asie, fraîchement rebaptisée "AFC Champions League Elite" pour cette édition inaugurale 2024-2025, a introduit des changements de format majeurs qui semblaient pourtant taillés sur mesure pour favoriser les chances de succès des richissimes équipes saoudiennes. Rappelons qu'auparavant, la compétition était scindée en deux zones géographiques distinctes (la zone Ouest, regroupant les pays du Golfe et d'Asie centrale, et la zone Est, avec notamment le Japon, la Corée du Sud, la Chine ou l'Australie), garantissant ainsi une finale opposant systématiquement un club de l'Ouest à un club de l'Est. Le nouveau format "Elite", lui, décloisonne la compétition et regroupe toutes les équipes qualifiées à partir des quarts de finale. Mieux encore pour les clubs saoudiens : pour cette toute première saison sous cette nouvelle formule, toutes les rencontres à élimination directe (quarts de finale, demi-finales et finale, sur match unique) étaient organisées sur leur sol, dans la ville de Djeddah, ouvrant ainsi grand la porte à une possible finale 100% saoudienne.

    Ce scénario idéal ne s'est finalement pas produit cette année, puisque Al-Ahli affrontera Kawasaki Frontale. Le club de Toney pourrait néanmoins devenir seulement le deuxième club saoudien à soulever ce trophée continental au cours des 19 dernières années. Une performance qui contrasterait fortement avec l'échec global des autres représentants de la Saudi Pro League, qui comptait pourtant trois équipes (sur quatre) dans le dernier carré de la compétition ! Difficile de savoir s'il s'agissait là d'une décision politique consciente de la part de la Confédération Asiatique de Football (AFC), mais il est indéniable qu'assurer la présence d'un maximum de clubs saoudiens, et de leurs stars fraîchement recrutées, dans les ultimes phases finales de la compétition sert grandement la stratégie de croissance rapide et d'amélioration de l'image de la ligue saoudienne à l'international. C'était donc une opportunité en or, offerte sur un plateau par cette restructuration pour le moins avantageuse, qu'Al-Nassr et Cristiano Ronaldo ont été totalement incapables de saisir.

  • Cristiano Ronaldo Al Nassr 2024Getty

    Une fin de carrière en poinillés pour CR7 ?

    Pour que le tableau soit complet, et potentiellement encore plus sombre pour Al-Nassr et sa star, il existe même un risque bien réel que le club ne parvienne même pas à se qualifier pour la prochaine édition de l'AFC Champions League Elite (2025-2026). En effet, seules les trois premières équipes du championnat saoudien obtiennent leur précieux sésame pour la compétition continentale reine. Si Al-Nassr occupe actuellement cette troisième et dernière place qualificative, une défaite cruciale face au leader Al-Ittihad, programmée mercredi prochain, ouvrirait grand la porte à Al-Ahli, actuellement quatrième à seulement deux petits points derrière.

    Manquer la plus prestigieuse compétition de clubs en Asie la saison prochaine serait assurément un nouvel affront, une humiliation supplémentaire pour l'immense orgueil de Cristiano Ronaldo, surtout à un an de ce qui sera très probablement sa dernière Coupe du Monde avec la sélection portugaise. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître pour un joueur de sa trempe, ce ne serait finalement pas une totale surprise au vu de ses performances collectives récentes. Car il semble loin, très loin désormais, le temps où Cristiano Ronaldo, par la seule force de son talent individuel hors norme et de sa rage de vaincre communicative, parvenait quasi systématiquement à transcender son équipe et à tirer tous ses coéquipiers vers le haut dans les moments décisifs.

    Le Portugais reste un compétiteur féroce dans l'âme, c'est indéniable. Mais avec le déclin logique et progressif de ses capacités physiques exceptionnelles, Ronaldo semble être devenu encore plus individualiste, encore plus obsédé par ses propres statistiques et sa propre image, plutôt que de chercher à adapter intelligemment son jeu au service du collectif. Cette attitude parfois obstinée et égocentrée lui vaut d'ailleurs de faire tout autant les gros titres pour ses comportements jugés puérils, parfois même déplorables (gestes d'humeur, simulations...), sur et en dehors des terrains saoudiens, que pour ses exploits continus face au but.

    Par le passé, l'avalanche quasi ininterrompue de trophées collectifs majeurs remportés masquait en grande partie ses défauts de caractère et ses excès comportementaux. Aujourd'hui, sans ces succès collectifs pour faire diversion ou justifier son statut à part, ses failles et ses frustrations apparaissent plus évidentes, plus criantes que jamais, offrant parfois un triste spectacle aux observateurs. Avec le recul, on peut légitimement se demander s'il n'aurait pas dû prendre sa retraite internationale, et peut-être même mettre un terme à sa carrière en club, après la Coupe du Monde 2022 au Qatar, lorsque les premiers signes évidents de son déclin au plus haut niveau mondial sont devenus patents.

    Quoi qu'il arrive lors des prochains mois ou des prochaines années, Cristiano Ronaldo restera à jamais gravé dans l'histoire, et à juste titre, comme l'un des plus grands et des plus marquants footballeurs ayant jamais foulé une pelouse. Son héritage statistique et son palmarès sont tout simplement monumentaux. Mais si son aventure dorée en Arabie Saoudite ne porte toujours pas ses fruits sur le plan collectif la saison prochaine, si aucun trophée majeur ne vient s'ajouter à sa collection, alors ce dernier chapitre de sa carrière restera très probablement dans les mémoires comme la manière dont il aura choisi de terminer ses derniers jours de joueur : en empilant les buts dans un championnat mineur, certes, mais dans une relative indifférence sportive et sans véritable panache collectif. Une fin en mineur pour une carrière pourtant si majeure.