Norway Euro 2025 GFXGetty/GOAL

Hegerberg, Hansen et le grand mystère : pourquoi la génération dorée de la Norvège n'y arrive jamais

Sur le papier, l'équipe de Norvège a tout d'une prétendante au titre. Avec des joueuses évoluant à Barcelone, Lyon, au Bayern Munich, à Chelsea ou encore à Arsenal, et comptant dans ses rangs certaines des meilleures footballeuses de la planète, on s'attendrait à la voir régulièrement dans le dernier carré des grandes compétitions. Pourtant, comme le résumait crûment Caroline Graham Hansen lors de la Coupe du Monde 2023, la réalité est tout autre : « Nous enchaînons les compétitions et les contre-performances ».

Ces mots, l'ailière du Barça les a prononcés juste après une défaite surprise face à la Nouvelle-Zélande en match d'ouverture. C'était alors la toute première victoire des Football Ferns en Coupe du Monde. « On n'arrive à rien faire. Et au final, c'est une défaite », avait ajouté Hansen, visiblement frustrée, dans une série de réponses laconiques à la chaîne norvégienne NRK.

Placée dans un groupe avec la Nouvelle-Zélande, la Suisse et les Philippines, la Norvège devait survoler les débats et enfin réaliser un tournoi à la hauteur de son potentiel. Au lieu de ça, elle s'est qualifiée de justesse à la deuxième place avant d'être nettement battue par le Japon en huitièmes de finale.

Cet été, à l'Euro, le parallèle est troublant. Malgré ses échecs récents, la Norvège aborde une nouvelle fois son groupe en position de grande favorite. Face à la Suisse (pays hôte qui n'a jamais passé les poules), l'Islande (une seule victoire dans son histoire dans la compétition) et la Finlande (pas de quart de finale depuis 2009), l'occasion est immense pour un effectif comptant des stars comme Graham Hansen et la Ballon d'Or Ada Hegerberg. Mais cette fois, la saisiront-elles ?

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    Un effectif cinq étoiles

    Pour bien mesurer l'ampleur de la déception norvégienne, il faut d'abord prendre la mesure du talent qui compose cette équipe. Il est difficile de ne pas être impressionné par la qualité de l'effectif. Les deux étoiles qui brillent le plus sont évidemment Ada Hegerberg et Caroline Graham Hansen. D'un côté, la Lyonnaise, sextuple championne d'Europe et meilleure buteuse de l'histoire de la Ligue des Champions féminine. De l'autre, la Barcelonaise, triple lauréate de la compétition et dauphine au classement du dernier Ballon d'Or. Rien que ces deux noms suffiraient à faire de n'importe quelle nation une candidate sérieuse.

    Mais la liste ne s'arrête pas là, loin de là. Dans l'effectif de la sélectionneuse Gemma Grainger, les joueuses de classe mondiale sont légion. Frida Maanum (Arsenal) et Ingrid Engen (Barcelone) comptent également des Ligues des Champions à leur palmarès. Guro Reiten est un pilier de l'équipe de Chelsea qui a outrageusement dominé l'Angleterre ces cinq dernières années, réalisant même le triplé la saison dernière. Un triplé qu'a également remporté Tuva Hansen sous les couleurs du Bayern Munich. Ajoutez à cela le duo de l'Atlético de Madrid (Vilde Bøe Risa et Synne Jensen) et le trio de Manchester United (Elisabeth Terland, Lisa Naalsund et Celin Bizet), et la densité de talent au plus haut niveau devient évidente. Sans oublier Signe Gaupset, considérée comme l'un des plus grands espoirs du football mondial.

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  • Ingrid Engen Norway Women 2023Getty Images

    Douze ans de désillusions

    Pourtant, ce potentiel s'est rarement concrétisé sur la scène internationale. Lorsqu'elles ont atteint la finale de l'Euro 2013, un immense espoir a parcouru le pays. Après tout, Ada Hegerberg et Caroline Graham Hansen n'avaient alors que 18 ans, et une autre future star, Maren Mjelde, figurait déjà dans l'équipe-type du tournoi. L'avenir semblait radieux. Mais depuis, la Norvège n'a jamais réussi à retrouver de telles hauteurs. Loin de là. Lors des deux Championnats d'Europe suivants, l'équipe n'a même pas réussi à sortir de la phase de poules. Le point d'orgue de cette série noire reste sans doute l'humiliation subie face à l'Angleterre en 2022, une déroute historique 8-0. En Coupe du Monde, le bilan n'est guère plus reluisant. Les huitièmes de finale ont marqué la fin du parcours en 2015 et 2023. Le quart de finale de 2019 reste ainsi le meilleur résultat de ces douze dernières années. Une performance bien maigre pour une équipe dotée d'un tel réservoir de talent et qui devrait légitimement viser beaucoup plus haut.

  • Hege Riise 2023Getty

    Le chaos en coulisses

    La Coupe du Monde 2023 fut une déception particulièrement amère. Le retour d'Ada Hegerberg, qui avait mis sa carrière internationale entre parenthèses pendant près de six ans en attendant des améliorations au sein de la fédération, aurait dû être le signe d'un renouveau. C'était tout le contraire. L'été norvégien en Océanie fut marqué par le chaos et la crise. Bien sûr, certains problèmes échappaient au contrôle de la sélectionneuse Hege Riise, comme le manque criant de profondeur en défense. Mais d'autres décisions de l'ancienne coach par intérim de l'Angleterre ont suscité l'incompréhension. Elle a par exemple laissé Caroline Graham Hansen sur le banc pour le deuxième match, un match nul qui a dangereusement compromis les chances de qualification. Son insistance à faire jouer Guro Reiten dans l'axe plutôt que sur son aile a également soulevé de nombreuses questions.

    La situation a explosé à la veille du dernier match de groupe. La chaîne NRK a révélé que plusieurs joueuses avaient vivement critiqué les méthodes de Riise, se plaignant d'un « manque de gestion de match, de messages flous, de mesures concrètes insuffisantes et d'un manque de retour lorsque le plan A ne fonctionne pas ». L'ambiance était délétère. Sans surprise, bien que la Norvège ait réussi à gagner ce dernier match pour se qualifier, Riise a quitté son poste juste après la défaite 3-1 contre le Japon en huitièmes de finale, laissant derrière elle un champ de ruines.

  • Gemma Grainger Norway Women 2025Getty Images

    Le pari d'un nouveau guide

    L'identité de la successeure de Hege Riise a surpris plus d'un observateur. En nommant Gemma Grainger, la fédération norvégienne a pris un pari. Mais la technicienne britannique cochait une case importante, celle que de nombreuses joueuses auraient souhaitée avant même la nomination de Riise : un regard extérieur. Formée au sein du système de la fédération anglaise, Grainger, 42 ans, sortait de trois années à la tête du Pays de Galles. Une expérience durant laquelle elle avait frôlé la qualification pour un premier tournoi majeur, sans toutefois y parvenir.

    À l'époque de sa nomination, Grainger avait admis n'avoir « aucune intention » de quitter son poste avec le Pays de Galles. Mais la proposition norvégienne représentait, selon ses propres mots, « une opportunité inattendue » qu'elle « ne pouvait pas refuser ». Un raisonnement qui se tient. Compte tenu de l'incroyable qualité de l'effectif norvégien et du potentiel immense de cette équipe, l'opportunité de la guider vers les sommets continentaux et mondiaux était trop belle pour la laisser passer. Le défi était de taille : transformer un groupe de stars en une machine à gagner.

  • Ada Hegerberg Norway Women 2025Getty Images

    Des débuts en demi-teinte

    Cependant, la transition n'a pas été un long fleuve tranquille pour Gemma Grainger. Son bilan de neuf victoires, six nuls et quatre défaites pourrait laisser penser le contraire, mais un examen plus attentif révèle une autre réalité. Ces succès ont été acquis contre la Croatie, la Finlande, l'Albanie, l'Irlande du Nord et la Suisse, des nations toutes classées bien en dessous de la Norvège au classement mondial. D'ailleurs, seule la Suisse figure dans le top 25 mondial parmi ces cinq équipes. Le véritable test se situe ailleurs.

    Car face aux nations du gotha mondial, celles que la Norvège devra inévitablement battre pour espérer franchir le premier tour à élimination directe, l'équipe peine à rivaliser. Elle éprouve les plus grandes difficultés à imposer son jeu et à se montrer dangereuse. La défaite 2-0 subie jeudi contre la Suède voisine est une nouvelle preuve inquiétante de cette incapacité à se hisser au niveau des meilleures. Ce revers a particulièrement mis en lumière les fragilités défensives d'une équipe dont l'arrière-garde semble toujours en chantier, l'identité des quatre titulaires restant incertaine à l'aube d'une compétition majeure.

  • Norway Women 2025Getty Images

    L'heure de saisir sa chance

    Malgré ces signaux préoccupants, le discours au sein du camp norvégien se veut résolument optimiste. Interrogée par la chaîne TV2, Gemma Grainger a qualifié la défaite contre la Suède de « répétition générale parfaite ». De son côté, Ada Hegerberg ne semblait guère inquiète du faible rendement offensif de son équipe (seulement quatre buts en sept matchs en 2025). « On peut beaucoup parler de statistiques. Le plus important, c'est que nous essayons de construire des résultats sur la durée, et c'est ce que nous avons fait. Il y a eu de bons résultats cette année », a-t-elle déclaré à NRK. Caroline Graham Hansen a renchéri : « Il ne faut pas grand-chose pour que ça clique. Tant qu'on commence à marquer pendant l'Euro, ça me va. »

    Bien sûr, la Norvège a plusieurs raisons d'espérer que ce tournoi soit enfin le bon. D'abord, les attentes sont bien plus faibles que par le passé, compte tenu des récents échecs. Ensuite, leur groupe est clément, d'autant qu'elles ont déjà battu la Suisse à deux reprises en 2025. Ajoutez à cela le talent exceptionnel qui pousse si souvent les observateurs à prédire de grandes choses pour cette équipe, et elles devraient, logiquement, être capables de sortir de la phase de poules pour la première fois à l'Euro depuis 2013.

    Et après ? Peuvent-elles enfin rivaliser avec l'élite européenne ? Une première place dans le groupe A leur offrirait probablement un quart de finale contre l'Italie, une équipe qu'elles ont tenue en échec deux fois en 2024. Une deuxième place serait en revanche synonyme d'un choc face à l'Espagne, championne du monde en titre. C'est dans ce genre de matchs couperets que la Norvège devra se montrer plus efficace devant le but et plus solide derrière pour espérer l'emporter.

    Mais c'est aller bien plus loin que ce que cette équipe a été capable de faire lors des deux derniers Euros. Pour commencer, l'objectif doit être simple : sortir du groupe. C'est le strict minimum pour une telle sélection. Si elles y parviennent, alors peut-être que la Norvège pourra enfin lancer sa compétition. Car une équipe avec Hegerberg, Graham Hansen et tant d'autres talents au sommet de leur art est le genre d'équipe que tout fan de football rêve de voir briller.