Rice Vieira Arsenal heir GFXGetty/GOAL

Declan Rice, l’héritier désigné de Vieira : pourquoi le milieu à 115M€ peut entrer dans la légende d’Arsenal et de l’Angleterre

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Pendant des années après son départ, on répétait à Arsenal – même à l’aube de l’ère numérique – qu’il fallait enfin trouver un vrai successeur à Patrick Vieira. L’illustre capitaine, pilier de la saison des « Invincibles », avait quitté le navire un an plus tard pour rejoindre une Juventus alors au bord du scandale du Calciopoli, qui précipitera sa relégation.

Mais cette version des faits pose problème à plus d’un titre. D’abord, elle oublie qu’un certain Cesc Fabregas – alors adolescent – avait donné la leçon à Vieira lui-même lors de l’élimination de la Juve en Ligue des champions en 2006. Certes, l’Espagnol incarnait un tout autre profil, ce qui reste pardonnable. Mais comment espérer remplacer un joueur de la trempe de Vieira, l’un des plus marquants de sa génération, dans un club entré en pleine ère de rigueur budgétaire post-Emirates ?

Il aura fallu près de vingt ans aux Gunners pour dénicher enfin l’héritier légitime du trône laissé vacant par le Français. Un joueur arraché à West Ham pour 115 millions dd'euros. Declan Rice, ex capitaine des voisins des Hammers et pilier de la sélection anglaise, a depuis fait taire les sceptiques. Son prix, aussi élevé soit-il, semble désormais pleinement justifié.

Rice coche toutes les cases pour devenir un visage incontournable du football européen pour les années à venir. Et ce qu’il est en train de bâtir, c’est bien plus qu’une belle histoire : c’est une légende en marche.

  • West Ham United v Leeds United - Premier LeagueGetty Images Sport

    Un poisson trop à l’étroit dans son étang

    Personne ne s’attendait à ce que Declan Rice atteigne un tel niveau. Vraiment, personne. Lorsqu’il s’est révélé à West Ham comme milieu défensif capable de se glisser entre les deux centraux, les observateurs s’accordaient à dire qu’il plafonnerait au profil d’un Eric Dier : un titulaire honnête, sans éclat, dans un club du top 6.

    Mais Rice a fait bien plus que dépasser ces projections. Il n’a cessé d’enrichir sa panoplie, évoluant d’un simple récupérateur à un régulateur du tempo, jusqu’à devenir une véritable force de la nature, capable de se projeter et de faire mal dans les deux surfaces. Pas un hasard si cette ascension a coïncidé avec la mue de West Ham, passé du statut de candidat au maintien à celui d’habitué des joutes européennes. Les Hammers ont transformé leur pépite maison en un milieu complet, évalué à plus de 100 millions.

    À ses qualités physiques et techniques – son surnom actuel, « The Horse », en dit long – s’est vite ajoutée une solidité mentale à toute épreuve. Notamment lorsque West Ham flirtait avec la zone rouge. « Le moment le plus difficile pour moi ? La saison 2018-2019, sans hésiter », racontait Rice à HYPEBEAST en 2022. « On perd 4-0 contre Liverpool, je sors à la mi-temps. Je ne joue pas les deux matchs suivants, je demande à être prêté, on me dit non. Là, tu doutes vraiment. Tu crois que tu n’as pas le niveau, qu’une mauvaise mi-temps suffit à tout remettre en question. Puis on joue Everton, je suis élu homme du match… et je n’ai plus jamais regardé en arrière. »

    Rice, toujours lucide sur son évolution, sait ce qu’il vaut. « Je ne suis plus juste un milieu défensif », confiait-il à Sky Sports, dans une interview où il était comparé à Lampard et Gerrard. « On m’a longtemps cantonné à un rôle de sentinelle devant la défense, mais aujourd’hui, je veux être ce joueur capable de tout faire, de remonter le terrain, de créer, tout en aidant derrière. »

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  • ACF Fiorentina v West Ham United FC - UEFA Europa Conference League Final 2022/23Getty Images Sport

    Capitaine de cœur et de conquête à West Ham

    Même les plus fidèles supporters des Hammers admettront que Declan Rice avait déjà dépassé le cadre du club au moment où West Ham atteignait les demi-finales de la Ligue Europa en 2022. Quelques semaines plus tard, il héritait logiquement du brassard de capitaine à seulement 23 ans, succédant à Mark Noble, véritable institution à Londres.

    Cette épopée européenne avait permis à West Ham d’aborder la saison suivante comme l’un des favoris de la Ligue Europa Conférence. Encore fallait-il assumer ce statut. Ce fut chose faite, jusqu’à la finale remportée face à la Fiorentina dans un scénario inoubliable. Ce soir-là, Rice est entré dans la légende en devenant le premier capitaine du club à soulever un trophée majeur depuis 43 ans – en dehors de l’accession via les barrages de Championship.

    Cette campagne a confirmé ce que beaucoup pressentaient : le milieu anglais était prêt pour le très haut niveau. Les bases d’une carrière brillante étaient solidement posées. Et le prix affiché par West Ham – plus de 100 millions d’euros – paraissait pleinement justifié. Ce n’était pas seulement l’un des meilleurs éléments de l’histoire récente des Hammers qu’ils s’apprêtaient à perdre, mais aussi un futur pilier du football européen. Et ce genre de profil, ça se paye. Les seules incertitudes – sa condition physique et son endurance – ont vite été balayées : Rice affiche un parcours quasi vierge de blessures.

  • Spain v England: Final - UEFA EURO 2024Getty Images Sport

    Cicatrices de bataille de l'Angleterre

    Ce qu’il faut bien comprendre avec Declan Rice, c’est que son vécu international avec l’Angleterre est déjà considérable. Le milieu londonien était un maillon essentiel du onze des Three Lions qui a frôlé le sacre à l’Euro 2020. En plein cœur du tournoi, il confiait sur le site de West Ham son envie de s’imposer au sein d’un groupe aussi expérimenté que brillant : « Quand j’arrive en sélection, tu as des gars comme Harry Kane ou Jordan Henderson. L’aspect vocal est fondamental. Si tu ne communiques pas, si tu ne t’entraides pas sur le terrain, tu passes à côté. Il faut imposer sa personnalité, et c’est ce que j’essaie de faire. »

    Au Mondial 2022, Rice a changé de binôme au milieu de terrain, troquant Kalvin Phillips pour Jude Bellingham. Une transition qu’il a évoquée dans The Guardian : « On apprend beaucoup ensemble. Il a marqué énormément de buts cette saison en surgissant dans la surface. C’est quelque chose qu’il a ajouté à son jeu. Lampard était le maître dans l’art d’arriver à la dernière seconde. Jude commence à vraiment maîtriser ça. »

    Mais ce que Rice a aussi appris du niveau international, c’est sa complexité. L’instabilité tactique, les longues coupures entre les rassemblements, un collectif à rebâtir à chaque fois... « Il faut apprendre vite et devenir soi-même un coach sur le terrain », résumait-il sobrement.

    Aujourd’hui, après avoir fait le choix de représenter l’Angleterre plutôt que l’Irlande, Rice cumule déjà 64 sélections. Il a disputé deux finales d’Euro, sans encore en soulever le trophée. Mais ce vécu-là, à seulement 25 ans, finira forcément par faire la différence.

  • Manchester City v Bayern Muenchen - Preseason FriendlyJ.LEAGUE

    Dire non aux géants

    À l’été 2023, deux poids lourds européens figuraient en tête de file pour s’attacher les services de Declan Rice : le champion d’Angleterre en titre, Manchester City, et le Bayern Munich. Le club bavarois avait d’ailleurs mis le paquet, avec un Thomas Tuchel particulièrement impliqué dans le dossier. L’entraîneur allemand avait longuement échangé avec Rice, au téléphone comme en personne, dans l’espoir de le convaincre de rejoindre la Bavière. Une telle insistance de la part d’un club aussi prestigieux en disait long sur la qualité du joueur et sur l’intensité de la bataille pour l’attirer.

    Mais Rice avait un objectif clair : rester en Angleterre. Il a confié à The Athletic que le projet d’Arsenal lui semblait « plus excitant » que celui de City. Un choix fort, d’autant que les Gunners venaient tout juste d’être coiffés au poteau par les hommes de Guardiola dans la course au titre. Ce revirement a insufflé un nouvel élan d’espoir au sein du club londonien : celui d’un avenir prometteur et d’un destin enfin à portée de main.

    Sur le plan symbolique et financier, l’arrivée de Rice fut un coup retentissant pour Arsenal. Avant lui, seuls quatre joueurs avaient dépassé la barre des 50 millions de livres : Ben White (£50M), Pierre-Emerick Aubameyang (£56M), Kai Havertz quelques semaines plus tôt (£65M) et le flop retentissant Nicolas Pépé (£72M). Atteindre la barre des neuf chiffres pour faire de Rice le joueur britannique le plus cher de l’histoire (£105M, bonus compris) n’était pas anodin. Le club devait être certain de son choix. Et au vu du rendement du joueur, il n’a eu aucun regret.

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    Un chouchou du public dès ses débuts

    Le simple fait d’avoir refusé Manchester City a suffi à faire grimper Declan Rice dans l’estime des supporters d’Arsenal. Mais c’est sur le terrain qu’il a définitivement conquis le cœur des fans. Dès septembre 2023, son but dans le temps additionnel contre Manchester United (3-1) a marqué les esprits : « C’était fou, surtout parce que c’était contre United à la 96e minute. Incroyable », dira-t-il plus tard.

    Sous la houlette de Mikel Arteta, son intégration a été fulgurante. Nommé pour le prix FIFA The Best en hiver, Rice est vite devenu un homme de base de l'entrejeu londonien. Arteta, admiratif, confiera : « Il a quelque chose de spécial. Je l’ai ressenti quand on jouait contre lui. Je le voulais à tout prix. »

    Dans les gros matchs, Rice s’est affirmé comme un leader, notamment face à Liverpool à Anfield, où il a brillé malgré l’intensité chaotique typique des Reds. « J’adore ces matchs. Tu veux être là où on t’attend. »

    En parallèle, Rice continue de progresser. La saison 2023-24 est sa plus prolifique, avec 7 buts et 10 passes décisives. S’il a longtemps évolué comme milieu défensif (n°6), il s’épanouit désormais plus haut sur le terrain, en n°8 : « J’adore recevoir le ballon, porter le jeu et créer. Le coach m’a donné la confiance pour évoluer à ce poste, et je pense que ça me va parfaitement. »

  • Arsenal FC v Real Madrid C.F. - UEFA Champions League 2024/25 Quarter Final First LegGetty Images Sport

    Deux coups francs légendaires

    La cerise sur le gâteau. Le carré de chocolat au fond du Cornetto. L’heure de sommeil en plus quand on passe à l’heure d’hiver. Non content de tirer les corners dans une équipe d’Arsenal obsédée par les coups de pied arrêtés, Declan Rice est aussi capable de marquer directement sur coup franc.

    Son doublé contre le Real Madrid restera dans les mémoires, quel que soit le sort du match retour. Difficile de décrire ce que ces deux buts ont suscité à l’Emirates. C’était comme si Arsenal avait offert un sacrifice aux dieux du football, et que la récompense était une déflagration d’extase pure. Le stade a vibré comme si les plaques tectoniques s’étaient percutées sous terre, et l’apparition d’un volcan derrière la North Bank n’aurait surpris personne.

    Mais au-delà de la pureté technique – l’un des coups francs contournant le mur façon Roberto Carlos, l’autre logé si haut dans la lucarne que même Thibaut Courtois n’a rien pu faire – c’est le contexte qui a rendu ce moment inoubliable. C’était l’instant où Arsenal a enfin frappé à la porte du gotha européen. Et ils l’ont fait de la manière la plus fracassante possible. Impossible de faire comme si de rien n’était.

    Ces buts n’étaient pas nécessaires pour comprendre que Rice est un milieu de terrain de classe mondiale, du moins en Angleterre. Mais à l’échelle mondiale, ils ont tout changé : Rice est passé du statut de référence nationale à celui de star internationale. Et ça, c’est une toute autre dimension.

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    Jusqu'où peut aller Rice ?

    Declan Rice ne terminera pas sa carrière avec la seule Ligue Europa Conférence comme trophée majeur. C’est quasiment une certitude, autant qu’on puisse en avoir dans le football. Lui comme Arsenal semblent lancés sur une trajectoire de succès concrets. Et même si ce n’est pas avec les Gunners qu’il enrichit son palmarès, d’autres clubs seraient prêts à l’accueillir à bras ouverts pour l’y aider.

    À 26 ans, Rice n’a cessé de progresser saison après saison. Il est aussi fiable et endurant qu’il est brillant. Leader sur le terrain comme en dehors, il cumule qualités visibles et impact invisible. Il serait absurde de parler aujourd’hui de plafond à son potentiel.

    Et si Arsenal remportait la Ligue des champions cette saison, Rice entrerait-il dans la course au Ballon d’Or ? Serait-il un prétendant crédible à l’avenir s’il enchaîne titres de champion et trophées internationaux, pourquoi pas en tant que capitaine ? Pourrait-il jouer 100 nouveaux matchs avec l’Angleterre et devenir son joueur le plus capé ? Serait-il alors fait "Sir Declan Rice" ? Et, au final, pourquoi ne pourrait-il pas surpasser Vieira dans la légende du club ?

    Ce sont des questions ouvertes, mais le simple fait qu’elles puissent être posées sérieusement en dit long sur le chemin parcouru par Rice – et sur les sommets qu’il lui reste à atteindre.