Alvaro Carreras TT gfxGetty/GOAL

De la D2 anglaise au Real Madrid : l'incroyable come-back d'Alvaro Carreras

Il y a des joueurs qui semblent destinés aux sommets dès le début de leur carrière, connaissant une ascension fluide de l'académie à l'équipe première avant de faire l'objet d'un transfert retentissant. L'effectif du Real Madrid est rempli de joueurs qui ont suivi cette voie royale, comme Trent Alexander-Arnold, David Alaba ou Kylian Mbappé.

Et puis, il y a ceux qui éclosent sur le tard. Ceux qui débutent dans des clubs plus modestes avant de gravir les échelons, comme Antonio Rüdiger, passé par Stuttgart, la Roma puis Chelsea avant de rejoindre Madrid. Et enfin, il y a une troisième voie : celle des joueurs formés dans les plus grands clubs, dont la carrière semble marquer le pas, avant de revenir, contre toute attente, à leur point de départ.

C'est précisément l'histoire d'Alvaro Carreras, qui s'apprête à boucler son retour au Real Madrid, cinq ans après avoir quitté le club pour voir d'autres horizons. En 2020, il rejoint Manchester United, en même temps qu'Alejandro Garnacho. Mais alors que Garnacho, de plus d'un an son cadet, explose à Old Trafford et intègre l'équipe première à 18 ans, le latéral, lui, prend un chemin bien différent.

Carreras est prêté à Preston North End, une expérience qu'il décrira lui-même comme le fait d'« aller dans la boue », puis à Grenade, avant de quitter définitivement United pour Benfica, sans jamais avoir disputé la moindre minute en compétition officielle. C'est à l'Estádio da Luz que sa carrière va enfin décoller, attirant l'œil des recruteurs européens. Comme le résumait son entraîneur à Benfica, Bruno Lage, en fin de saison dernière : « Quand je suis arrivé, Alvaro était vu comme un échec. Mais aujourd'hui, le Real Madrid et l'Atlético Madrid veulent le recruter. »

Le Real a remporté la bataille en acceptant de payer 50 millions d'euros pour le joueur de 22 ans, tout en envoyant Rafael Obrador dans le sens inverse pour 5 millions. Une revanche éclatante pour Carreras, qui a désormais l'opportunité d'imiter son idole de jeunesse, Marcelo, et d'écrire sa propre histoire au Real Madrid.

  • Un buteur reconverti

    C'est à Ferrol, en Galice, que l'histoire d'Alvaro Carreras commence. C'est là, au sein du club local du Racing de Ferrol, qu'il fait ses gammes dès l'âge de quatre ans, mais à un poste surprenant : avant-centre. Une position où son talent explose littéralement. « J'adorais marquer des buts », a-t-il confié un jour à Marca. « Lors d'une saison avec le Racing, j'en ai mis 100 ! ». Son parcours le mène ensuite chez le géant local, le Deportivo La Corogne, où son destin bascule. Il est repositionné latéral gauche. Une reconversion difficile pour ce joueur aux instincts résolument offensifs. Il a lui-même admis que le plus dur était d'apprendre à défendre, plaisantant sur le fait que sa meilleure défense, c'était l'attaque.

    En 2017, il fait le grand saut et rejoint le prestigieux centre de formation du Real Madrid. Un choix qui n'a rien d'anodin pour un adolescent. « Ce fut une décision difficile », a-t-il révélé. « Une bonne étape, mais une étape compliquée. J'ai dû quitter ma maison et parcourir 600 kilomètres pour poursuivre mon rêve de devenir footballeur. » Le premier sacrifice d'une carrière qui en connaîtra bien d'autres.

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  • Le rêve anglais et ses désillusions

    Trois ans plus tard, en pleine pandémie de Covid-19, Alvaro Carreras fait un choix encore plus audacieux : quitter le cocon madrilène pour rejoindre Manchester United. « Ce fut une autre décision difficile, mais je crois que c'était la bonne », expliquait-il alors. « Mes caractéristiques correspondent parfaitement au football anglais. Je voulais venir en Angleterre pour progresser en défense et devenir un joueur complet. Et c'est impossible de ne pas progresser quand on s'entraîne tous les jours avec Cristiano Ronaldo, Juan Mata, Jadon Sancho et Marcus Rashford. »

    Durant ses deux saisons avec les équipes de jeunes de United, il brille, inscrivant six buts et délivrant onze passes décisives. On se souvient notamment d'une performance éblouissante avec les U21 à Stamford Bridge contre Chelsea, où il avait inscrit un but magnifique. Mais le plafond de verre de l'équipe première reste infranchissable. D'abord barré par Alex Telles et Luke Shaw, il voit ensuite arriver Tyrell Malacia à l'été 2022. La concurrence est trop forte. Il décide alors de partir en prêt à Preston, en deuxième division, pour enfin s'aguerrir. Une expérience qu'il qualifiera de « bon défi », avec 39 matchs et 6 passes décisives à la clé.

    À l'été 2023, il participe à la préparation avec United, mais est rapidement écarté des matchs importants de la tournée américaine. Sa seule apparition se fera contre Wrexham, au sein d'une équipe de jeunes. Un signe clair que sa carrière à Manchester touche à sa fin, malgré une dernière passe décisive pour son compatriote Marc Jurado. Les promesses de départ s'étaient envolées.

  • Alvaro Carreras BenficaGetty

    Le déclic portugais

    L'espoir renaît brièvement lorsqu'il est titulaire lors du dernier match de préparation contre l'Athletic Club. Les blessures de Luke Shaw et Tyrell Malacia semblent lui ouvrir une voie royale. Mais au lieu de lui donner sa chance, Manchester United préfère recruter Sergio Reguilón en urgence. C'est le coup de grâce. Carreras est envoyé en prêt à Grenade, où il vit une période frustrante, ne débutant que cinq matchs dans l'une des équipes les plus faibles de Liga. En janvier 2024, United met fin au prêt et l'envoie à Benfica. C'est à Lisbonne que sa carrière va enfin décoller.

    Après quelques mois d'adaptation, le nouvel entraîneur Bruno Lage lui donne sa chance. Carreras la saisit à deux mains. En une semaine, en novembre, il inscrit deux buts : une frappe du gauche contre Farense, suivie d'un but du droit lors de la démonstration 4-1 face à Porto. Ses performances lui valent des comparaisons immédiates avec Alejandro Grimaldo, autre latéral espagnol relancé à l'Estádio da Luz.

    Interrogé par Marca en novembre dernier, Carreras expliquait les raisons de son éclosion, non sans lancer une pique à peine voilée à son ancien club. « Je crois que si vous méritez quelque chose, vous finirez par l'obtenir », déclarait-il. « J'avais un sentiment d'inachevé à United. Si on ne vous donne pas votre chance, vous devez partir et faire vos preuves. C'est ce que j'ai dû faire. J'ai dû aller faire mes preuves en deuxième division. Puis à Grenade, je ne me suis pas très bien adapté, mais il faut continuer à se battre. Si vous avez du talent, les gens finiront par le voir. » Et le Real Madrid l'a vu.

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    Le profil d'un latéral moderne

    La principale qualité d'Alvaro Carreras est sans conteste sa capacité à dribbler. Rapide, il préfère pourtant éliminer ses adversaires par la technique plutôt que par la vitesse pure. Il a cette faculté à ralentir le jeu, à attirer son vis-à-vis d'un côté pour mieux le feinter. Capable de déborder sur son flanc gauche pour centrer ou tirer de son pied fort, il peut aussi, à l'occasion, repiquer dans l'axe pour utiliser son pied droit. Cette polyvalence lui permet d'évoluer comme un latéral inversé, se projetant confortablement au milieu de terrain, d'où il peut distribuer le jeu grâce à une qualité de passe longue impressionnante.

    Mais c'est surtout sur le plan défensif qu'il a réalisé les progrès les plus spectaculaires. Une transformation qu'il attribue directement à son passage à Preston. « Je crois que c'est en allant 'dans la boue', en deuxième division anglaise, que j'ai le plus appris défensivement », a-t-il expliqué à Marca. « J'étais plus concentré, car j'ai toujours eu des facilités pour attaquer, mais défensivement, je devais me forcer à être plus rigoureux. »

    L'héritage le plus visible de son année à Deepdale est son goût pour les tacles glissés, un geste qu'il a perfectionné à Benfica. Il n'hésite jamais à se jeter dans sa propre surface pour stopper une attaque et se montre particulièrement agressif pour récupérer le ballon au milieu de terrain. Il a gardé son âme d'attaquant, mais l'a complétée avec le cœur d'un défenseur.

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    Les zones d'ombre

    Le jeu d'Alvaro Carreras ne présente pas de défauts évidents. Cependant, les principaux points d'interrogation qui l'entourent concernent le temps qu'il a mis à s'imposer au plus haut niveau et ses difficultés lors de ses deux premiers passages dans les grands championnats européens. Dans ce contexte, sera-t-il capable de rééditer sa saison portugaise une fois de retour en Liga, dans le club le plus exigeant du monde ? C'est la question que beaucoup se posent. En Espagne, certaines voix influentes ont émis des doutes, notamment au sujet du montant de son transfert.

    « Je l'aime bien, mais le chiffre me semble particulièrement élevé », a ainsi commenté Carlos Carpio, journaliste à Marca. « Je trouve étrange que le Real Madrid s'apprête à payer une telle somme pour un footballeur avec si peu d'expérience. » Le talent est là, c'est une évidence. Mais le plus dur commence peut-être pour Carreras : prouver qu'il n'est pas l'homme d'une seule saison et qu'il a les épaules assez larges pour supporter la pression immense qui pèse sur chaque joueur du Real Madrid.

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    Et maintenant, le plus dur commence

    Après avoir réalisé son rêve de revenir à Madrid, Alvaro Carreras doit maintenant se battre pour une place dans le onze de départ de Xabi Alonso. La tâche sera loin d'être aisée. Il devra faire face à la concurrence de Fran Garcia, qui a impressionné pendant le Mondial des Clubs, et de Ferland Mendy, une fois que le Français sera remis de sa blessure.

    Toutefois, Carreras pourrait tirer son épingle du jeu si Alonso décide d'utiliser régulièrement le système en 3-4-3 qu'il affectionnait au Bayer Leverkusen. Avec son profil très offensif, il serait en effet parfait dans un rôle de piston. S'il parvient à s'imposer comme un titulaire régulier au Real, sa première convocation avec la sélection espagnole ne sera alors plus qu'une question de temps.

    Une chose est sûre : Alvaro Carreras a emprunté des chemins de traverse pour retrouver Madrid. Mais après avoir tant travaillé et tant sacrifié pour forcer son retour, il est bien déterminé, cette fois, à y rester pour de bon. Le voyage a été long, mais il est enfin rentré à la maison.