C'est une anomalie émotionnelle que seuls les barrages peuvent créer. Depuis ce vendredi soir, l'Italie vit dans un futur conditionnel. Le tirage au sort de Washington a placé la Nazionale dans le groupe B, lui offrant sur un plateau le Canada, le Qatar et surtout la Suisse. Sur le papier, c'est une "opportunité en or" comme le souligne Fanpage.it, qui voit déjà les Azzurri sortir des poules pour la première fois depuis 2014. Mais pour vivre ce rêve américain, il faudra d'abord traverser l'enfer des barrages en mars prochain. Les journaux italiens, de la Gazzetta dello Sport au Corriere della Sera, se livrent depuis 72 heures à un exercice de funambulisme : analyser des adversaires qu'ils ne sont pas sûrs d'affronter.
Une revanche servie sur un plateau ?
Ce qui excite le plus la presse transalpine, c'est la perspective de retrouver la Suisse. Ce n'est plus du sport, c'est une affaire personnelle. La Nati est devenue la bête noire officielle de l'Italie : c'est elle qui l'a privée de qualification directe pour le Mondial 2022 et qui l'a humiliée (2-0) lors du dernier Euro. Fanpage parle d'une cicatrice encore ouverte, transformant ce potentiel match de poule en thérapie nationale. Battre les voisins suisses aux États-Unis serait l'exorcisme parfait pour tourner la page d'une décennie de déceptions. Quant au Canada et au Qatar, ils sont perçus avec un respect poli mais une confiance non dissimulée, considérés comme des adversaires largement à la portée d'une Italie retrouvée.
Mais avant de faire ses valises pour l'Amérique, il faut éviter l'apocalypse. Gennaro Gattuso a endossé le rôle du rabat-joie nécessaire, rappelant que l'Irlande du Nord, premier adversaire des barrages, est "une équipe qui ne lâche jamais". Le sélectionneur refuse de regarder plus loin que le mois de mars, hanté par le "spectre" des deux dernières éliminations. La presse relaie cette prudence viscérale : personne n'a oublié la Suède en 2017 ni la Macédoine du Nord en 2022. L'euphorie du tirage est constamment tempérée par la réalité brutale d'un match couperet à Bergame.
"La troisième fois n'arrivera pas"
Dans ce climat schizophrène, c'est le capitaine qui a fixé le cap. Gianluigi Donnarumma a balayé les doutes avec une autorité qui rassure tout un peuple. "La troisième fois n'arrivera pas, cette Nazionale finira au prochain Mondial", a martelé l'ancien portier du PSG. Une sortie médiatique forte, destinée à briser la psychose de l'échec qui paralyse parfois les jambes italiennes. Andrea Abodi, le ministre des Sports, appelle lui aussi à "cultiver la confiance", sentant que le mental sera la clé pour ne pas sombrer une troisième fois d'affilée.
L'Italie est aujourd'hui une nation qui calcule ses points pour les huitièmes de finale tout en tremblant à l'idée de jouer contre l'Irlande du Nord. C'est tout le paradoxe de ce tirage anticipé. Les supporters savent que le chemin est tracé et qu'il est beau, mais ils savent aussi qu'il suffit de 90 minutes ratées en mars pour que ce Groupe B ne reste qu'un mirage cruel.
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