Yann M’Vila est un homme libéré. Il y a d’abord ses mots livrés dansLibérationen février qui ont surpris. Une manière de « me réconcilier avec moi-même avant de faire connaître mon histoire aux autres », résume l’ancien Rennais. Libéré, l’international français l’est aussi sur le plan contractuel. Après trois années à l’Olympiakos et 141 matchs, le milieu de terrain arrive au terme de son contrat et se projette sur l’avenir. Pour Goal, il confie son envie de trouver un « challenge ». « Je suis animé par ça et je suis prêt à donner beaucoup plus que ce que les gens peuvent imaginer pour vivre ça ».
Vous avez donné, il y a quelques mois un entretien sans filtre, touchant et d’une rare authenticité à Libération. Les gens du football vous en ont-ils parlé ?
Sans filtre, les gens qui me connaissent savent très bien que j’essaie de l’être le plus possible. J’ai reçu pas mal de messages du monde du football mais cette interview a surtout touché un public plus large qui a pu apprendre à me connaître un peu mieux et d’autres qui étaient surpris de A à Z. Certaines personnes de mon entourage m’ont même dit qu’elles ne connaissaient pas certaines parties de ma vie et d’autres, plus intimes, m’ont félicité de m’être livré. J’ai même reçu le message d’un maire d’une commune qui m’a dit tout simplement qu’il ne pensait vraiment pas que j’étais comme ça et qu’il m’avait collé une étiquette.
Quel était l’objectif de cette prise de parole ? Était-ce plus personnel ou était une manière d’inciter des joueurs à raconter les difficultés qu’ils rencontrent?
Il n’y a pas de volonté d’inciter d’autres à le faire. Chacun est différent. Certains auront besoin de l’exprimer publiquement, d’autres en famille ou avec des personnes très proches. Mais si ça peut aider et faire évoluer les choses, bien sûr qu’il faut en discuter. Avec l’expérience que j’ai eue, quand je suis arrivé à Saint-Etienne, des joueurs comme William Saliba n’hésitait pas à me demander conseil mais pas par rapport à ce qu’ils doivent faire dans leur vie mais par rapport à mon vécu. Cet entretien, je ne l’ai pas fait pour qu’on enlève une étiquette car il y a certaines personnes qui sont encore assez stupides pour rester inflexibles. Je l’ai fait pour moi. Il était temps pour moi de me réconcilier avec moi-même avant de faire connaître mon histoire aux autres.
Cela a-t-il attiré l’attention de certains clubs ?
L’article parlait essentiellement de l’homme que je suis plutôt que du footballeur et a eu un impact positif sur mon image. D’un point de vue football, les clubs savent très bien comment je suis, comment je joue. Peut-être pas tous mais énormément connaissent le footballeur et il fallait qu’ils y associent l’humain pour vraiment avoir une vision à 100% de Yann M’Vila. Cela a peut-être pu rassurer certaines équipes. A défaut de m’exprimer face-à-face avec ces personnes-là, j’ai pu leur raconter l’homme que je suis à travers cet article.
"Je ne suis pas un leader qui va crier dans le vestiaire mais je suis un leader technique"
Après tout ce que vous avez vécu dans votre carrière, dans quel état est votre passion pour le football ?
Je suis et je resterai un passionné de football à vie. Malgré les hauts et les bas que j’ai pu avoir, je n’ai jamais cessé d’aimer le football, de le regarder. Ça va au-delà d’une passion parce que c’est vraiment un amour que j’ai pour ce sport. Je ne suis pas capable de donner tous les noms des joueurs mais je regarde énormément de matchs. J’ai évidemment regardé la saison de Lens car il y a mon ancien coach Franck Haise que j’ai eu en U15 à Rennes. Pareil pour Lorient car il y a Régis Le Bris que j’ai eu en U15 aussi. Je regarde beaucoup de jeunes, également l’Olympique lyonnais car il y a Laurent Blanc et ça me fait plaisir de le revoir sur un banc. Je ne regarde pas que la France, même si je vois énormément de matchs de L1 car il y a aussi des amis comme Kenny Lala qui est à Brest ou Mahamadou Sakho, Wahbi Khazri à Montpellier et Arnaud Nordin.
Lorsque vous parlez de la France, on sent qu’il y a toujours quelque chose de particulier. Vous vous voyez y revenir ?
Pourquoi pas ! Je sais que j’ai énormément à donner. Pour certains, l'âge est tabou mais quand tu regardes Modric, Toni Kroos, qui a mon âge et qui sont plus en forme que certains jeunes, on ne devrait pas parler d’âge. Comme me l’a dit Frédéric Antonetti, tout part du terrain et revient au terrain.
Ne craignez-vous pas d’avoir une étiquette qui vous empêche de revenir en France ?
À Saint-Etienne, on dit souvent que je n’ai fait qu’un an et demi de bonne qualité et que pour le reste j’ai fait n’importe quoi. Quand Puel est arrivé et qu’il ne voulait plus des éléments avec un gros contrat, j’étais le joueur avec le plus de minutes de jeu jouées sous Puel. Pour vous dire que même quand on ne me veut pas, je sais être indispensable mais les gens ne le voient pas. Je ne suis pas un leader qui va crier dans le vestiaire mais je suis un leader technique. Ça je l’ai appris d’un grand joueur avec qui j’ai joué c’est Jérôme Leroy. J’ai eu la chance de jouer avec lui et Mickaël Pagis, quel régal ! Jérôme Leroy était un vrai entraîneur sur le terrain alors que les gens ne le voyaient pas. Et puis il y a confiance, je te la rends multipliée par deux sur le terrain. Tous ceux qui m’ont fait confiance, tous (il insiste), la confiance je leur ai rendue sur le terrain.
Vous êtes en fin de contrat avec l'Olympiakos, comment voyez-vous la suite et de quoi avez-vous envie ?
La suite c’est de me reposer parce que j’ai énormément donné avec des coupures souvent de deux à trois semaines et j’ai disputé 140 matchs en trois saisons*. Et si on regarde les 140 matchs, il y a à peu près 120 où je suis titulaire. Dans tous les clubs où je suis passé, quand on parle de nombre de matchs, on parle des rencontres où j’ai joué 90 minutes. Aujourd’hui, je veux un challenge, je suis animé par ça et je suis prêt à donner beaucoup plus que ce que les gens peuvent imaginer pour vivre ça.Quand j’arrive dans un club je donne tout pour ce club. Je n’ai sûrement pas toujours été bon mais je n’ai jamais triché
En 2021 et 2022, vous avez remporté vos deux premiers titres en pro, n’y a-t-il pas l’envie d’essayer de gagner un dernier titre dans un championnat majeur ?
Bien sûr ! Je ne vais pas dire que je regrette mais c’est là où tu te dis que j’aurais bien voulu connaître cela plus tôt. Aujourd’hui avec mon vécu, j’aimerais bien aider et je pense que je peux aider pas mal de clubs sûr et en dehors du terrain.
"Une Coupe d'Europe ? un critère que j’aimerai retrouver dans mon prochain challenge"
Le challenge que vous recherchez est plus projet de jeu ou avec l’idée de disputer une Coupe d’Europe ?
Les deux ! Même une équipe qui n’a pas réussi à atteindre son objectif d’Europe League ou de Ligue des champions, je me sens capable de les aider à y aller. Depuis que je suis arrivé en Grèce, j’ai eu la chance de jouer contre Manchester City ou Porto. J’ai une certaine expérience et je peux aider pas mal de clubs. D’abord en championnat mais aussi en Coupe d’Europe. C’est un critère que j’aimerai retrouver dans mon prochain challenge. Je suis libre et je pense que ça peut m’ouvrir plus de portes. C’est la chance que j’ai.
Dans l’idéal aimeriez-vous trouver votre nouveau club rapidement pour faire la reprise avec votre nouveau club ?
Pour mon bien et surtout pour le bien du club qui veut vraiment qu’on avance main dans la main, ça serait une bonne chose. Je suis impatient même. C’est le mieux pour tout le monde et au moins on ne pourra pas dire que je n’ai pas fait une bonne préparation. Je veux vraiment reprendre avec un groupe et avoir des objectifs dès le départ.
En ce moment, on parle beaucoup de l’Arabie saoudite qui souhaite attirer des grands noms. Est-ce qu’à 32 ans, bientôt 33, vous pensez aussi à vous tourner vers une destination plus exotique et rémunératrice ?
Comme je l’ai dit, la chance que j’ai c’est que je suis libre. Tout me vient à l’esprit et je peux en discuter. Mais je n’ai pas 24 ans non plus et je ne me dis pas que je ne vais privilégier que l’Europe. Là j’ai 32 ans et j’écoute vraiment tout le monde et celui sera le plus sincère avec moi… Je suis approché par certains clubs des plus du Golfe, je n’ai pas de préférence particulière. J’ai dit que je voulais un challenge mais dans ces pays-là il y en a aussi on le voit avec Cristiano Ronaldo ou d’autres joueurs comme Talisca ou Vincent Aboubakar. Je suis open et à l’écoute de chaque proposition.
A l’Olympiakos, vous avez disputé près de 140 matchs* en trois ans sans trop de pépins physiques. Comment expliquez-vous cette régularité ?
Je ne vois pas ça comme un hasard. Cette année, j’ai eu quatre coachs, j’ai été titulaire avec les quatre. Et on peut me dire ce que l’on veut mais si je suis titulaire avec les quatre coachs ce n’est pas pour rien. Si sur 140 matchs, je fais 120 matchs titulaires et que les autres c’était pour me reposer, c’est que je suis important. Si tu nel’as pas compris c’est que tu es un footix. Pareil dans le match de Manchester City, quand Kyle Walker rentre dans l’axe pour créer un surnombre les gens ne le voient pasil faut regarder en profondeur ceux qui font le travail de l’ombre. Moi je sais que je fais ce travail et c’est pour ça que les coachs me font jouer. C’est aussi pour ça que je sais que je suis important. Quand j’ai quitté Sunderland, ils sont descendus. Quand j’ai quitté Saint-Etienne, ils sont descendus. Quand j’ai quitté le Rubin Kazan, ils sont descendus. Je ne vois pas ça comme un hasard.
(*)En trois saisons à l’Olympiakos, Yann M’Vila a disputé 141 rencontres dont 121 en tant que titulaire et 98 jouées en intégralité.


