What's happened to ViniciusGetty

Six buts en 2025 : que devient le Vinicius Jr que l’Europe redoutait ?

« J'en ferai dix fois plus s’il le faut. Ils ne sont pas prêts. » Voilà ce qu’écrivait Vinicius Jr sur Twitter après l’épisode rocambolesque du Ballon d’Or remporté par Rodri en octobre. Une décision qui n’a pas plu au Real Madrid, au point de boycotter la cérémonie de Paris. Fallait-il couronner Vinicius ? Peut-être. La bataille était serrée. Mais quelle que soit la position qu’on adopte dans ce débat, la réaction madrilène n’a pas fait bonne impression.

Et si le Brésilien semblait animé par un esprit de revanche, les mois suivants n’ont pas donné lieu à la tournée annoncée. Vinicius est en difficulté cette saison – du moins au regard de ses standards habituels. Ses 11 buts et 7 passes en Liga ne font pas de lui un sérieux prétendant au Ballon d’Or. Et même si ses 10 contributions en Ligue des champions sauvent les apparences, on est loin du « 10x » promis.

Le plus inquiétant, c’est ce qu’il produit depuis le début de l’année 2025 : seulement six buts et cinq passes décisives toutes compétitions confondues. Il n’a pas échoué dans sa quête de revanche ; elle n’a simplement jamais vraiment démarré. Le vrai Vinicius se fait attendre. Et son réveil – ou non – pourrait bien décider de la saison du Real.

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    Ne plus être à la hauteur de son assurance

    La première chose à reconnaître, c’est qu’il ne doit pas être facile d’être Vinicius. Voici un joueur qui a toujours vécu sous les projecteurs, souvent pour des raisons qu’il ne maîtrisait pas. D’abord la cible des critiques acerbes des supporters madrilènes – qui lui reprochaient d’avoir osé manquer quelques occasions franches à ses débuts – il a ensuite été victime d’attaques venues des tribunes adverses. Beaucoup relèvent du racisme ordinaire qui gangrène encore le football, le reste s’en prenant à son attitude : Vinicius est très talentueux, et il le sait. Ce genre de confiance ne plaît pas à tout le monde, surtout chez un sportif.

    Mais ce genre d’assurance exige une contrepartie : il faut que les performances suivent. Si on « parle fort », il faut aussi « marcher droit ». Et pour l’instant, Vinicius déraille. Les statistiques ne sont pas là, et cela se ressent dans son attitude : son allant, sa confiance, son aura… Tout semble avoir disparu. Cette énergie si particulière qui poussait les défenseurs à paniquer à son approche s’est évaporée. Désormais, on peut le museler, le manipuler, le bousculer.

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  • Vinicius Real Madrid 2025Getty

    Des chiffres en net recul

    Et ce déclin se traduit aussi dans les statistiques. En examinant de plus près ses buts inscrits depuis le début de l’année, ce n’est pas seulement leur rareté qui inquiète — c’est aussi leur manque d’importance.

    Deux de ses six réalisations sont survenues face à une faible équipe de Salzbourg déjà éliminée de la Ligue des champions, tandis qu’une autre a été marquée lors d’une défaite douloureuse face à Valence. Au final, un seul de ses buts peut être considéré comme « décisif » : le deuxième inscrit contre le Rayo Vallecano lors d’un succès 2-1 — et encore, il ne faisait que doubler la mise après l’ouverture du score.

    Dans cette même période, Vinicius a également manqué deux penalties cruciaux. Le premier, à la 70e minute du huitième de finale retour contre l’Atlético, et le second, arrêté sans difficulté face à Valence le 5 avril. En tout, le Brésilien a déjà raté trois penalties cette saison.

    Les données avancées de sa production offensive dressent le portrait d’un joueur qui a moins d’occasions… et qui en fait un peu moins avec celles qu’il a. L’an dernier, Vinicius tentait en moyenne 3,72 tirs toutes les 90 minutes. Cette saison, on est tombé à 3,26. Il cadré 1,83 tir par 90 minutes l’an passé ; aujourd’hui, seulement 1,01. Il avait également surperformé son expected goals (xG) de 1,9 — cette saison, il n’est qu’à +1,4.

    Il subsiste néanmoins quelques signes positifs. Son taux de dribbles réussis est en hausse, passant de 37 % à 43 %. Il subit aussi moins de tacles adverses. Ses stats globales sont d’ailleurs plus proches de celles de la saison 2021-2022 — celle de son explosion à Madrid. Cette année-là, il avait été décisif tout au long de la campagne européenne aux côtés de Karim Benzema, formant un duo redoutable jusqu’au sacre final. Mais il avait surtout surperformé son xG de 4,7.

    Peut-être faut-il en conclure que Vinicius n’est pas moins talentueux, mais qu’il traverse une phase creuse, alimentée par d’autres facteurs. Un phénomène mondial en perte de confiance, dont les chiffres le trahissent.

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    Le casse-tête Mbappé

    Et si tout cela avait une cause bien identifiée ? Il ne fallait pas être un génie du football pour deviner que faire cohabiter Vinicius et Kylian Mbappé dans la même équipe pouvait tourner au casse-tête tactique. Les deux joueurs préfèrent évoluer côté gauche dans un trio offensif, là où ils peuvent toucher beaucoup de ballons et exprimer leur explosivité. Mais tandis que Vinicius traverse une période difficile en 2025, Mbappé, lui, semble enfin prendre ses marques sous le maillot merengue.

    En 25 matchs cette saison, l’ancien Parisien a inscrit 19 buts — et, détail amusant, délivré une seule passe décisive sur cette période. Il commence aussi à peser dans les grands rendez-vous : impérial face à Manchester City en Ligue des champions en février, il a également égalisé lors du derby crucial contre l’Atlético en Liga. Depuis, il continue d’enchaîner les buts ici et là, tout en ressemblant de plus en plus au buteur record du PSG qu’il était devenu à seulement 25 ans.

    Certes, tout n’est pas encore parfait. Il éviterait de tenter de casser des jambes à quelques jours d’un Clasico capital pour le titre, et il serait aussi apprécié qu’il défende de temps en temps. Mais Mbappé n’a jamais été un joueur complet, et le Real a accepté de composer avec son génie autant qu’avec ses travers.

    Le problème, c’est que Vinicius semble en payer le prix.

  • Carlo Ancelotti, Vinicius Junior, Real MadridGetty Images

    « Ne parle pas, joue »

    Il est tentant de penser que la situation serait différente si Carlo Ancelotti était un vrai tacticien. Peut-être qu’un entraîneur plus moderne, plus fin dans sa lecture du jeu, comme Xabi Alonso, ne laisserait pas une telle dynamique s’installer.

    Mais si le Real avait vraiment voulu du dogmatisme tactique, cela ferait longtemps qu’Ancelotti ne serait plus sur le banc. Le succès de l’Italien repose avant tout sur l’instinct, la gestion émotionnelle et le contrôle de l’environnement. Il possède bien sûr ses principes de jeu, mais c’est avant tout un expert en relations humaines et en communication. Son vrai talent, c’est de savoir gérer les ego et maintenir un équilibre dans un vestiaire peuplé de stars. Neuf fois sur dix, son travail repose sur la gestion du discours et de la pression médiatique.

    « C’est difficile à expliquer »,a-t-il confié en conférence de presse lorsqu’on l’a interrogé sur la forme actuelle de Vinicius et de son compatriote Rodrygo. « On traverse une période de baisse de régime, pas seulement dans notre efficacité offensive. On a aussi encaissé trop de buts récemment. Il faut retrouver de la solidité défensive, surtout dans les moments où nos attaquants sont moins décisifs qu’à l’accoutumée. »

    Mais en coulisses, quelques tensions semblent apparaître entre Vinicius et son entraîneur. Un incident lors d’un match de Coupe du Roi contre la Real Sociedad en a dit long. Alors que Vinicius subissait de nombreuses fautes et s’en plaignait, Ancelotti lui aurait lancé sans détour : « Arrête de parler et joue. » Vinicius a insisté dans ses protestations, au point qu’Ancelotti a immédiatement demandé à Brahim Diaz de s’échauffer. Ce n’est qu’à ce moment-là que le Brésilien a retrouvé sa concentration.

    Des épisodes isolés, certes, mais qui pourraient bien être les symptômes d’un malaise plus profond.

  • vinicius(C)Getty Images

    Arsenal, l’Arabie saoudite et la question d’avenir

    Alors, que va-t-il se passer maintenant ? Vinicius reste un joueur d’exception, capable de changer le cours d’un match à tout instant, comme il l’a prouvé tant de fois en Ligue des champions. Et s’il fallait un héros pour permettre au Real Madrid de renverser Arsenal mercredi au Bernabeu, personne ne serait surpris de le voir surgir au moment décisif.

    Mais au-delà de cette échéance immédiate, plusieurs interrogations planent sur l’avenir du Brésilien. Les rumeurs d’un possible départ vers la Saudi Pro League, autrefois balayées d’un revers de la main, refont surface. Lui comme Carlo Ancelotti ont démenti, mais ces échos ne viennent sans doute pas de nulle part. Si un fond de vérité existe, on pourrait comprendre que Vinicius ait momentanément l’esprit ailleurs.

    À l’inverse, rien ne l’empêche non plus de sortir brusquement de sa torpeur, d’empiler 15 buts d’ici la fin de saison, d’emmener le Real vers un triplé historique, d’ajouter une Coupe du monde des clubs à son palmarès, et de faire oublier en un éclair ces trois mois et demi de frustration. Mais à l’heure actuelle, peu d’éléments permettent de croire à un tel miracle.