Riyad Mahrez AlgeriaGetty

Riyad Mahrez non retenu pour le trophée du meilleur joueur de la CAF, une omission qui fait tache

Riyad Mahrez ne sera pas le premier algérien à être élu meilleur joueur africain de l’année à deux reprises. Du moins, pas en 2023. Il aurait pu griller la politesse aux légendes que sont Lakhdar Belloumi et Rabah Madjer, mais la CAF en a décidé autrement. Jeudi matin, et en prévision de sa cérémonie annuelle prévue en début de semaine prochaine, l’instance africaine a révélé les trois finalistes pour son plus prestigieux prix. Et le joueur d’Al Ahli SC n’en fait curieusement pas partie.

Ceux qui ont l’honneur de briguer la succession de Sadio Mané sont Mohamed Salah, Victor Osimhen et Achraf Hakimi. Un trio prestigieux, mais est-ce le meilleur qui aurait pu être sélectionné ? On a le droit d’en douter. Car, et loin de nous l’idée de dénigrer ou contester les qualités footballistiques de chacune de ses étoiles africaines, il n’est pas certain que ce trident est celui qui se soit le plus illustré durant les 12 derniers mois. Ou alors, ce n’est peut-être pas les critères les plus évidents qui ont été retenus : celui de la compétitivité et du palmarès. Outre Mahrez, on peut aussi s’étonner de l’absence de Yassine Bounou. Le retenir à la place de son compatriote Hakimi n’aurait pas été un scandale.

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    La CAF a snobé un champion d’Europe

    Pour revenir à Mahrez, c’est à se demander ce qu’il aurait pu faire de mieux pour captiver l’attention et la reconnaissance des dirigeants de la CAF. Remporter un triplé avec son club de Manchester City n’était-ce pas suffisant ? Surtout quand on sait qu’aucun joueur africain n’avait réussi cet accomplissement auparavant. On pourra toujours débattre sur l’effilochage de son statut durant ses derniers mois chez les Sky Blues, mais par souci d’objectivité il ne faudra pas oublier non plus qu’il a tout de même disputé 46 des 60 parties de City durant cette saison historique (dont 35 dans la peau d’un titulaire). Et son apport aux avant-postes est resté considérable avec 28 gestes décisifs (15 buts et 13 assists). Seul Erling Haaland (61) et Kevin De Bruyne (38) ont fait mieux au sein de cette formation durant la campagne en question.

    Au-delà de ces données statistiques, il convient aussi de préciser qu’un joueur africain soulevant le plus beau des trophées européens ce n’est pas commode. Il y en a eu 28 au total depuis le sacre du Zimbabwéen Bruce Grobbelaar avec Liverpool en 1982. Et il est utile de préciser que Mané lorsqu’il a été sacré avec Liverpool (2019) ou Samuel Eto’o quand il a gagné avec le Barça (2010) n’ont pas été oubliés. D’aucuns objecteront que Didier Drogba en 2012 ou Yaya Touré en 2009 eux n’ont pas eu la cerise sur le gâteau malgré leurs triomphes sur la plus belle des scènes, mais la CAF n’a fait qu’inverser entre les deux et les années de leurs consécrations. De plus, l’un comme l’autre ont été suffisamment rétribués sur la durée pour que le sentiment d’une quelconque injustice ne persiste (6 triomphes à eux deux).

    Evidemment, d’autres joueurs africains ont soulevé la Coupe aux grandes oreilles sans être primés sur leur continent. On pense à Hakim Ziyech et Edouard Mendy (Chelsea, 2021), Joel Matip et Naby Keita (Liverpool, 2019), Michael Essien et Salomon Kalou (Chelsea, 2012), Muntari et Mariga (Inter, 2010), Seydou Keita (Barcelone, 2009 et 2011). Mais, honnêtement, combien avaient l’impact dans leur club comparable à celui qu’a eu Mahrez à Manchester City ? N’est-il pas le 2e joueur le plus décisif des Eastlands sur la période 2017/2023 (derrière de Bruyne, avec 78 buts et 56 passes), celle de son séjour à l’Etihad Stadium et qui coïncide à peu près avec celle de Guardiola (2016/2023) ?

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  • Riyad Mahrez Al-Ahli 2023-24Getty

    Mahrez, inattaquable sur sa carte de visite

    Et il n’y a pas qu’en Ligue des Champions que Mahrez a eu un impact conséquent. Dans le championnat anglais, il a aussi laissé une trace indélébile. Derrière Mohamed Salah, il est le deuxième meilleur passeur africain de l’histoire (65). Et on ne parle pas de ses nombreux titres de champion. Ils sont au nombre de cinq, ce qui fait que seul Grobbelaar a fait mieux (6 titres avec Liverpool) en Afrique.

    Evidemment, un titre du meilleur joueur de l’année ne récompense pas toute une carrière. Mais que peut-on bien reprocher à Mahrez pour ne pas (plus) le considérer dans le top 3 africain en 2023 ? Est-ce son transfert en Arabie Saoudite qui l’a desservi ? Sachant que Sadio Mané, le tenant du titre, n’a pas été retenu non plus, cela peut constituer une explication. Néanmoins, opter pour le Golfe n’est plus aussi déshonorant que par le passé. La Saudi Pro League est devenu un championnat important et d’un niveau plus que correct. Et puis, Karim Benzema n'a-t-il pas fini 16e au classement du Ballon d’Or tout en jouant dans cette ligue et après avoir fait une saison blanche avec le Real ? Mahrez, lui, a au moins le mérite de ne pas avoir quitté l’Europe les mains vides.

    Non. On a beau creuser, on ne voit pas où l’ancien havrais a failli pour être à ce point dénigré. Cela nous invite inexorablement à nous demander s’il n’y a pas des considérations autres que sportives à cette non-sélection. Déjà, il n’avait pas été primé en 2019 alors qu’il avait été le grand artisan du triomphe de l’Algérie à la CAN en Egypte. Et en 2022, on l’a également éjecté du top 3 alors qu’il avait été champion d’Angleterre et demi-finaliste de C1 avec Man City.

  • Patrice Motsepe, Sadio Mane, Caf Awards 2022Getty Images

    Des choix sportifs ou des choix politiques ?

    La CAF a-t-elle une dent contre l’Algérien ? Ou contre l’Algérie en général ? L’hypothèse est largement avancée de l’autre côté de la Méditerranée et on ne peut pas vraiment dire qu’elle est dénuée de sens. Il y a quelques mois, les instances de la CAF avaient déjà surpris en snobant complètement la double candidature de ce pays pour les organisations des CAN (2025 et 2027) alors que ce n’est pas loin d’être la nation la plus structurée du continent pour accueillir cet évènement. Sans verser dans la théorie du complot, il y a tout de même de grosses interrogations qui émergent à ce sujet. Et ce n’est la présence d’Abdelhak Benchikha (ex USM Alger) dans la catégorie du meilleur coach de l’année en Afrique qui est à même de les évaporer ou faire office de compensation.

    Pour Mahrez, qui fêtera ses 33 ans dans trois mois, le coup est rude à encaisser. Toutefois, il en a connu d’autres durant son long et brillant parcours. N’ayant percé au plus haut niveau qu’à 24 ans, il sait ce que c’est que d’avoir des obstacles sur son chemin et des contrariétés imprévues à surmonter. On se souvient aussi de son début de collaboration avec Guardiola qui n’a pas été idyllique, ou encore les premiers pas timides avec la sélection nationale (lors du Mondial 2014 au Brésil). Mais, le bonhomme ne s’est jamais découragé et a toujours fini par triompher de l’adversité. Il en faut donc bien plus qu’un concours individuel non remporté pour le décourager. A fortiori lorsque le concours a une crédibilité limitée, car organisé une année sur deux (parfois même sur trois). Même si, d'un autre côté, et il le reconnaissait volontiers dans une récente interview à L'Equipe, que réussir le doublé après sa victoire en 2016 lui tenait à cœur.

  • Riyad Mahrez AlgeriaGetty

    Mahrez prépare déjà sa réponse

    On peut donc compter sur le Fennec pour faire abstraction de cet épisode ennuyeux et rebondir au plus vite. Et il aura l’occasion de le faire très rapidement. Dès le mois prochain, il y a la CAN en Côte d’Ivoire qui débute. Un évènement qui le motive au plus haut point et durant lequel il va peut-être encore pouvoir faire étalage de toute sa classe. Le terrain, c’est son domaine d’expression préféré et c’est aussi la meilleure des réponses qu’il pourrait livrer à ceux qui l’ont ignoré. En menant l’Algérie à sa 3e consécration continentale, il s’inscrirait définitivement comme l’un des plus grands footballeurs que l’Afrique ait connus. N’en déplaise à ses quelques contempteurs du siège de Caire.

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