Madrid Bellingham dependency GFXGetty/GOAL

Le Real Madrid trop dépendant de Bellingham ? Les Merengues doivent prouver qu’ils savent gagner sans lui face à l’Atlético

Jude Bellingham a peut-être dit « va te faire foutre ». Il a peut-être aussi dit « va te faire voir ». Ni l’un ni l’autre n’est une bonne chose à dire à un arbitre. Tous ceux qui ont joué au football, à n’importe quel niveau, savent que ce genre de mots peut s’échapper sous l’effet de la tension. Il y a bien sûr des limites, et il doit toujours y en avoir, mais le tempérament bouillant de Bellingham a été scruté, analysé, et même sur-analysé.

C’est sur ce même principe qu’il est essentiel d’évaluer son impact sur le Real Madrid – ou plutôt de mesurer ce qui manque en son absence. Pendant longtemps, on a cru que la présence de Vinicius Jr et de Kylian Mbappé suffirait à dominer les adversaires. Après tout, les milieux de terrain vont et viennent, mais les attaquants capables de remporter un Ballon d’Or et de faire basculer un match sont une rareté.

La réalité est plus complexe. Ces derniers mois, on a vu Madrid tenir le coup sans Vinicius, s’adapter sans Rodrygo et même puiser dans son centre de formation pour pallier des absences en défense. Ce que l’équipe ne semble toujours pas savoir faire, en revanche, c’est gagner sans Bellingham. Et alors qu’il est à nouveau suspendu pour l’aller des huitièmes de finale de la Ligue des champions face à l’Atlético – cette fois pour accumulation de cartons jaunes et non pour insultes envers un arbitre –, il est impératif que Madrid brise cette malédiction.

  • Real Betis Balompie v Real Madrid CF - La Liga EA SportsGetty Images Sport

    Un Real sans mordant

    Les chiffres bruts ne sont pas catastrophiques pour le Real Madrid en l'absence de Bellingham. Pendant sa suspension en Liga, les Merengues ont dominé Gérone à domicile avant de s'incliner sur la pelouse du Betis, une défaite qui les a relégués à trois points du leader barcelonais. Si ce revers n'hypothèque pas encore leurs ambitions pour le titre, le contenu des matchs, lui, a de quoi inquiéter Carlo Ancelotti. Madrid est rarement autant dépassé que lors de cette rencontre.

    En seconde période face au Betis, les Madrilènes ont littéralement regardé Isco dicter le jeu sans jamais réellement le presser. Aucune agressivité, aucun pressing, une attitude presque apathique qui n'avait rien d'un bloc bas réfléchi, mais ressemblait davantage à un manque total d'implication.

    C'est là que l'absence de Bellingham pèse lourd. Pendant longtemps, l'ancien prodige de Birmingham City a été perçu comme un milieu "à l’anglaise", un joueur au profil box-to-box à la Steven Gerrard. Une comparaison certes simpliste et légèrement erronée – son style se rapproche plus d’un Zinedine Zidane que d’un Gerrard – mais qui traduit une chose essentielle : Bellingham insuffle une énergie, une hargne et un leadership naturel à son équipe. Il court, il harangue, il récupère des ballons avec une agressivité maîtrisée, et impose une présence qui change tout. Avec lui, Madrid a du caractère. Sans lui, l’équipe semble bien fade.

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  • Borussia Dortmund v Real Madrid CF - UEFA Champions League Final 2023/24Getty Images Sport

    Un vide difficile à combler

    Le problème du Real Madrid, c'est qu'il n'a aucun joueur capable de remplacer Bellingham à l'identique. Luka Modric porte certes le brassard, mais il n’est plus un leader dans l’âme. À ce stade de sa carrière, il se contente d’évoluer dans les bons espaces, cherchant les ouvertures parfaites et économisant ses courses en phase défensive pour mieux dicter le jeu une fois le ballon récupéré.

    Federico Valverde, lui, ne manque pas d’énergie, mais il n’a pas cette capacité à désorganiser une défense par ses déplacements anarchiques, cette « touche de chaos » propre à Bellingham. L'Uruguayen est un joueur discipliné, appliqué, toujours dans le respect des consignes, mais rarement dans l’improvisation. De son côté, Dani Ceballos se déplace beaucoup, mais manque souvent de justesse dans ses interventions. Quant à Aurélien Tchouaméni et Eduardo Camavinga, leur rôle est avant tout de stabiliser le bloc et de casser les attaques adverses.

    Ancelotti lui-même avait souligné l'importance de Bellingham en octobre dernier : "Nous sommes satisfaits de son travail, je suis très satisfait. Il travaille énormément, il est toujours présent, il se bat, il se sacrifie." Sans lui, Madrid perd en dynamisme, en agressivité et en intensité. Tout simplement, sans Bellingham, cette équipe est moins forte.

  • Real Madrid C.F. v Manchester City - UEFA Champions League 2024/25 League Knockout Play-off Second LegGetty Images Sport

    Une implication défensive sous-estimée

    Bellingham est certes un milieu offensif, réputé pour son impact dans la surface adverse, mais ses contributions défensives sont tout aussi remarquables. Et pourtant, elles passent souvent inaperçues. Les statistiques en attestent : parmi les milieux offensifs, il se classe dans le 92e percentile pour les tacles, 94e pour les interceptions et 91e pour les blocs, selon FBRef. Il excelle aussi dans les duels aériens, les dégagements et les passes coupées, des domaines où son rendement dépasse largement la moyenne.

    Mais au-delà des chiffres, c'est son attitude sur le terrain qui frappe. Il n'hésite jamais à parcourir 30 mètres pour presser un adversaire, à tacler avec intensité ou à provoquer son vis-à-vis après avoir gagné une touche. Bellingham possède ce feu intérieur que seuls certains milieux de terrain ont, cette énergie qui pousse toute une équipe à se surpasser.

    Il semble d'ailleurs transmettre cette mentalité à ses coéquipiers. L’image la plus marquante des difficultés madrilènes en début de saison reste sans doute ce match de Ligue des Champions contre Lille, où Vinicius et Mbappé, amorphes, se contentaient de marcher pendant que l’adversaire avait le ballon. Bellingham, lui, n’a pas supporté cette passivité. Depuis le cœur du jeu, il s’est retourné pour hurler sur ses attaquants, leur intimant de réagir. Madrid a peut-être perdu cette rencontre, et on ne peut pas réduire toute une saison à un simple cri, mais depuis ce moment-là, ni Mbappé ni Vinicius ne se sont plus jamais montrés aussi désinvoltes.

  • Endrick Jude Bellingham Real Madrid HICGetty

    Une influence offensive grandissante

    En début de saison 2024-25, beaucoup se sont demandé pourquoi Bellingham avait cessé de marquer autant. Après tout, un an plus tôt, il semblait lancé pour atteindre les 40 buts lors de sa première saison avec Madrid (il en avait finalement inscrit 23 toutes compétitions confondues, ce qui reste une belle performance).

    Plusieurs raisons expliquent cette baisse de régime. Positionné plus bas sur le terrain, il était moins souvent aux avant-postes, et le collectif madrilène n’était pas encore totalement en place. Mais le facteur clé est que Bellingham n’avait plus besoin d’être le principal atout offensif. Vinicius et Mbappé ont pris les commandes, et même un joueur du calibre de Rodrygo peine à obtenir suffisamment d’occasions, alors pour un milieu de terrain…

    Cela dit, Bellingham a répondu à ces interrogations en retrouvant le chemin des filets. Il compte déjà 12 buts toutes compétitions confondues cette saison, mais ce n’est pas forcément son retour au scoring qui change la donne pour Madrid : c’est sa montée en puissance dans la création du jeu.

    Sa capacité à délivrer des passes décisives était quelque peu éclipsée par ses exploits devant le but l’an dernier, alors qu’il avait tout de même offert 17 passes décisives avec le Real et l’Angleterre. Cette saison, il est bien parti pour exploser ce total, puisqu’il en est déjà à 14 et vise au moins 20 d’ici la fin de l’exercice.

    Le match qui illustre le mieux son importance reste sans doute l’unique rencontre qu’il a pu disputer lors de sa suspension en Liga et en Ligue des Champions : la demi-finale aller de Copa del Rey contre la Real Sociedad.

    Ce jour-là, Madrid souffrait et semblait sur le point de craquer. Puis, tout bascula en un éclair : Bellingham récupère le ballon dans sa propre moitié de terrain, pivote sur son pied gauche et, sans même lever la tête, envoie une passe millimétrée de 60 mètres vers Endrick. Le Brésilien contrôle en une touche, ajuste le gardien en une seconde, et voilà Madrid en tête, sur un éclair de génie.

    C’est ce genre d’action qui manque cruellement à l’équipe quand Bellingham est absent.

  • Real Madrid CF v Atletico de Madrid - La Liga EA SportsGetty Images Sport

    Un grand absent pour le derby européen

    Nous y voilà : les huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Un derby madrilène est toujours un événement, mais quand le Real et l’Atlético se croisent en Europe, l’intensité atteint un tout autre niveau. Impossible d’oublier la finale de 2014 et le coup de tête mythique de Sergio Ramos qui a changé l’histoire des Merengues. Cette rencontre avait marqué le début d’une série où les deux rivaux se sont affrontés quatre saisons de suite en C1. À chaque fois, le Real a eu le dernier mot, mais cet Atlético-là – toujours en lice pour un triplé – a déjà tenu tête aux hommes d’Ancelotti avec deux matchs nuls 1-1 cette saison.

    Ce genre de match, Bellingham adore ça. Pourtant, son bilan face aux Colchoneros reste mitigé. Ses premières prestations en derby ont été vivement critiquées, et la saison dernière, en quatre affrontements contre l’Atlético, il n’a inscrit aucun but et délivré qu’une seule passe décisive. Statistiquement, c’est même son pire adversaire en Liga.

    Mais Bellingham ne se résume pas qu’aux chiffres offensifs. Dans ce type de rencontre où chaque duel compte, sa hargne et son intensité défensive manquent cruellement. Il incarne cette rage de vaincre, et comme on l’a vu contre le Betis, le reste du milieu de terrain madrilène semble s’essouffler en son absence.

    Comment le Real Madrid va-t-il compenser son absence ce mardi ? Jouer au Bernabéu est un avantage, tant la magie du stade a transcendé l’équipe dans les grands soirs européens. Mais sans leur maître à jouer au milieu, le Real devra trouver un autre moyen de faire respecter sa loi en Ligue des Champions, sous peine de voir son emprise sur la compétition vaciller.