Jude Bellingham est fait d'un autre bois que toutes les autres icônes du football anglais

Bellingham a fait preuve d'intrépidité tout au long de sa carrière, qu'il s'agisse de faire ses débuts en équipe première à Birmingham un mois après son 16e anniversaire ou de refuser Manchester United et Chelsea pour partir à l'étranger, au Borussia Dortmund.

Il n'a pas hésité à signer au Real Madrid et à devenir la deuxième recrue la plus chère de tous les temps, marquant plus de buts lors de ses 15 premières apparitions que les légendes du club, Ronaldo, Raul ou Alfredo di Stefano.

Dimanche, il a fait preuve d'intrépidité dans un sens plus traditionnel, de bravoure face à la menace réelle de se faire casser la figure. Lorsqu'il bondit pour reprendre un centre dévié de Bukayo Saka, il manque de peu de s'écraser sur la tête de Milos Veljkovic. Mais il a plongé pour reprendre le ballon avec une telle délectation, comme si le fait d'être au bout du centre était la chose la plus importante au monde. Il ne se soucie ni de sa sécurité ni de ses dents de devant ; tout ce qui compte, c'est de marquer.

Shearer, qui commentait le match pour la BBC, avait marqué de nombreux coups de tête de ce type en club et en sélection, même si ses buts pour Newcastle contre le Bayer Leverkusen et Manchester City sont ceux qui lui rappellent le plus ce geste. Le coup de tête de Ronaldo pour Manchester United contre l'AS Rome en 2008 vient également à l'esprit.

La personnalité de Bellingham s'est également manifestée lorsqu'il a foncé sur le Serbe Filip Kostic ou lorsqu'il a levé les bras vers les supporters, les incitant à faire plus de bruit. En toute honnêteté, l'Angleterre a déjà eu de nombreux joueurs charismatiques dotés d'un esprit de gladiateur. John Terry, Stuart Pearce, Paul Ince et Terry Butcher viennent immédiatement à l'esprit, mais aucun d'entre eux n'avait la grâce de Bellingham.

Le jeune homme de 20 ans a parfois ressemblé à un danseur de ballet, contournant ses adversaires sous la pression pour se sortir d'un mauvais pas ou obtenir une faute, ce qui a permis à l'Angleterre de gagner un temps précieux alors qu'elle luttait pour conserver son avance en deuxième mi-temps.

Ses passes ont également été exceptionnelles. Bellingham a touché plus de ballons que n'importe quel autre joueur anglais, a fait le plus grand nombre de passes et a terminé le match avec un taux de réussite de 96%. Les passes en profondeur de Bellingham rappellent celles de Steven Gerrard. Mais alors que Gerrard prenait souvent des décisions hâtives avec le ballon et était trop pressé, Bellingham jouait avec calme.

Il n'a cependant pas peur de faire le sale boulot. Il a signé le plus de tacles gagnants que n'importe lequel de ses coéquipiers, prenant le ballon sur trois de ses quatre tentatives. Il a également remporté neuf duels.

À Gelsenkirchen, Bellingham a montré au continent ce qu'il a montré au Real Madrid toute la saison et ce qu'il avait fait auparavant à Dortmund : qu'il est un footballeur complet. Mais tous ceux qui ont suivi sa carrière avec intérêt auraient pu le voir venir.

"Il y a des talents qui chuchotent et d'autres qui vous crient au visage, et c'était le cas de Jude", a déclaré Kevin Betsy, l'entraîneur de Bellingham en Angleterre entre l'âge de 13 et 16 ans, au Times.

"Sa personnalité sur le terrain était énorme. Jude est un talent générationnel. Beaucoup de joueurs ont atteint le niveau de Jude, mais son caractère et sa mentalité, sa bravoure et sa personnalité pour réclamer le ballon, ou pour pousser le jeu dans une direction nécessaire pour lui permettre d'influencer le jeu, ont toujours été évidents dès son plus jeune âge".

Cette personnalité s'est manifestée tout au long de la rencontre de Bellingham face aux Serbes et aussi dans son interview d'après-match avec BBC Sport, lorsqu'il a déclaré : "Je suis prêt à faire tout ce qu'il faut pour gagner et je suis prêt à tout faire pour aider le pays à remporter ce tournoi".

Cette personnalité servira l'Angleterre, car s'il y a une chose qui a manqué à cette équipe nationale au fil des ans, malgré un immense talent et d'énormes attentes, c'est la conviction de pouvoir aller au bout.

Ce manque de confiance était évident après avoir pris l'avantage contre la Croatie en demi-finale de la Coupe du monde 2018 et en finale de l'Euro 2020, et il a gagné l'esprit de l'équipe en deuxième mi-temps contre la Serbie. Mais Bellingham est resté concentré et a aidé l'Angleterre à s'en sortir.

"Il a pris le match par le bon bout et c'est ce dont on a besoin", a déclaré Micah Richards, commentateur à la BBC. "Son sang-froid est remarquable. Il est le leader de cette équipe à un si jeune âge et il le sait. Il a une excellente attitude, il a tout ce qu'il faut. Il gère très bien le jeu. S'il peut garder cette forme tout au long du tournoi, alors nous pourrons compter sur lui".

Rio Ferdinand a ajouté : "Il est venu aujourd'hui avec l'attitude de savoir que c'est son match. Il a dit '"es gars, c'est mon match et il m'appartient"".

Gareth Southgate avait insisté avant le tournoi sur le fait qu'il ne voulait pas que l'Angleterre compte sur Bellingham pour la relever, indiquant qu'il ne voulait lui rajouter du poids sur les épaules avec cette responsabilité. Mais Bellingham semble s'épanouir dans ce rôle et c'est lui qui a permis à l'Angleterre de tenir le coup lorsque la Serbie est revenue dans le match après la mi-temps.

"Sa plus grande force est sa mentalité. Il a une mentalité de champion. Il y a très, très peu de joueurs comme ça. Un joueur qui pense toujours que tout va bien se passer, que nous allons gagner", a déclaré au Telegraph Pep Clotet, l'entraîneur qui a permis à Bellingham de faire ses débuts à Birmingham à l'âge de 16 ans.

Clotet a également résumé ce qui rend l'homme du moment de l'Angleterre si spécial. Il a ajouté : "En ce moment, nous vivons dans une ère footballistique basée sur la spécialité. Tout le monde doit avoir un seul talent. Jude les a tous. Jude peut aider, Jude peut jouer dans la poche, Jude peut jouer dans l'espace, il peut défendre, attaquer, faire des courses en profondeur, il est bon dans les airs, il marque des buts. Il peut jouer à n'importe quel poste du milieu de terrain."

"En Angleterre, il a joué en tant que numéro 6, dans l'axe, il a joué avec nous et avec le Real Madrid en tant que faux ailier avec beaucoup de liberté, qui peut attaquer depuis les lignes profondes. C'est un milieu de terrain très complet et ce n'est pas quelque chose que l'on trouve actuellement dans le monde. C'est ce qui le rend très, très spécial."

Clotet a raison de qualifier Bellingham de "vrai milieu de terrain", mais il s'est trompé en affirmant que "l'Angleterre a toujours eu dans son histoire des milieux de terrain très complets et Jude est le prochain".

L'Angleterre a eu beaucoup de bons milieux de terrain, des hommes de main comme Ince, Nobby Stiles et Owen Hargreaves, aux meneurs de jeu comme Paul Gascoigne, David Beckham, Paul Scholes et Glenn Hoddle, en passant par les buteurs comme Bryan Robson, Gerrard, Frank Lampard et Bobby Charlton. Mais ils n'ont jamais eu quelqu'un comme Bellingham, qui combine toutes les qualités de ses prédécesseurs avec son propre sens de l'audace.

Le plus grande intelligence de Bellingham est peut-être le fait qu'il ait cherché à quitter l'Angleterre si jeune, en terminant sa formation de footballeur en Allemagne et en effectuant son troisième cycle en Espagne. C'est un footballeur cultivé qui a parcouru le continent et a déjà joué avec les meilleurs joueurs, absorbant leurs idées et leur mentalité.

L'Angleterre ne doit pas compter uniquement sur Bellingham, mais elle doit s'en inspirer. Et lorsqu'ils affronteront le Danemark jeudi à Francfort, ils ne devront pas se contenter de l'admirer, mais incarner le même esprit que celui dont il a fait preuve tout au long de sa courte mais remarquable carrière.