Cecilia Runarsdottir Iceland GFXGetty/GOAL

Cecilia Rán Rúnarsdóttir : la meilleure gardienne d'Europe a une revanche à prendre

Dans le football féminin européen, de nombreuses gardiennes de but sont devenues des références ces dernières années. Le continent peut se vanter de compter des vétéranes confirmées comme Mary Earps et Christiane Endler, de jeunes stars comme Cata Coll et Hannah Hampton, ou encore des profils en pleine ascension comme Phallon Tullis-Joyce et Daphne van Domselaar. Pourtant, lors de la saison 2024-2025, la meilleure gardienne d'Europe était sans doute une toute autre joueuse, dont le nom est certainement moins familier.

Il s'agit de Cecilia Rán Rúnarsdóttir, l'internationale islandaise de 21 ans sacrée Meilleure Gardienne de l'Année en Serie A, après avoir été l'une des pièces maîtresses de la première vraie course au titre de l'Inter. Les Nerazzurre ont finalement échoué de peu, la Juventus retrouvant les sommets du football italien, mais cela ne doit en rien éclipser les performances de Rúnarsdóttir. Elle a réalisé plus de clean sheets que n'importe qui d'autre dans le championnat et a été un élément essentiel de la meilleure défense de la division, permettant à l'Inter de se qualifier pour la première fois de son histoire en Ligue des Champions.

Quand GOAL lui fait remarquer que sa saison n'aurait pas pu mieux se passer, Rúnarsdóttir est prompte à rectifier : « Si on avait gagné le titre », corrige-t-elle aussitôt. Cette saison fut en effet une étape majeure pour une joueuse qui a connu son lot de malchance ces dernières années. Après une blessure à la veille de l'Euro 2022 qui a nécessité une opération, puis une absence de près d'un an à cause d'un très grave problème au genou, Rúnarsdóttir est de nouveau sur la bonne voie pour devenir l'une des meilleures gardiennes du monde. Et elle aborde l'Euro de cet été avec la ferme intention de le prouver sur la plus grande des scènes.

  • Cecilia Ran Runarsdottir Bayern Munich Women 2022-23Getty Images

    Le coup du sort, puis le cauchemar

    La première rencontre de GOAL avec Cecilia Rán Rúnarsdóttir remonte à l'été 2022, alors qu'elle préparait l'Euro. À cette époque, alors âgée de 19 ans seulement, la jeune gardienne venait de signer un contrat de quatre ans avec le Bayern Munich, confirmant ainsi son statut d'immense espoir à son poste. Pourtant, moins d'une semaine après avoir paraphé ce contrat, la plus jeune gardienne de l'histoire de la sélection islandaise allait connaître un terrible coup d'arrêt. Une fracture du doigt, nécessitant une opération, la privait de l'Euro à la veille du premier match de l'Islande.

    Cet obstacle semblerait pourtant bien dérisoire face à celui que Rúnarsdóttir allait devoir surmonter à peine un an plus tard : une luxation de la rotule. Pire encore, le cartilage de son genou a été si sévèrement touché qu'elle a dû subir une greffe. « Ce fut un choc terrible », confie-t-elle à GOAL.

    Avec le recul, Rúnarsdóttir parvient à trouver quelques points positifs dans cette longue période d'indisponibilité : les six semaines qu'elle a pu passer chez elle en Islande au début de sa convalescence, les installations de rééducation de classe mondiale du Bayern, ou encore la présence quasi-permanente de sa coéquipière Weronika Zawistowska, victime d'une rupture des ligaments croisés au même moment. Mais le chemin du retour fut long et difficile, s'étalant sur dix mois.

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  • Cecilia Ran Runarsdottir Inter Women 2024-25Getty Images

    Le match qui a tout changé

    Que la lumière au bout de ce long tunnel soit apparue lors du tout dernier match de la saison 2023-2024 fut un tournant décisif. Rúnarsdóttir a pu retrouver sa forme juste à temps pour disputer une rencontre avec l'équipe réserve du Bayern Munich lors de l'ultime week-end de leur saison. Avec le recul, après une campagne aussi remarquable en prêt à l'Inter, elle ne peut s'empêcher de souligner l'importance capitale de ce moment.

    « Je pense que c'était une bonne chose pour moi, car j'ai eu du temps de jeu et j'ai pu partir en vacances d'été avec la confiance nécessaire. Je pouvais me dire : 'OK, mon genou est stable à 100 %, je suis prête' », explique-t-elle. Cette assurance retrouvée l'a suivie durant l'été, lors d'un rassemblement avec l'équipe nationale. « Je savais que je n'allais pas jouer, mais j'avais la certitude que je pouvais le faire si quelque chose se produisait. »

    Ce match a eu un effet libérateur, chassant les doutes qui l'auraient inévitablement assaillie en arrivant dans un nouveau club. « Si je n'avais pas joué ce match, j'aurais signé à l'Inter en me disant : 'Mon Dieu, ça fait combien de temps que je n'ai pas joué ?'. Je pense que ça m'aurait beaucoup plus angoissée », conclut-elle.

  • Haley Bugeja Cecilia Ran Runarsdottir Inter Women 2024-25Getty Images

    Une main de fer sur l'Italie

    Cette confiance regagnée, Rúnarsdóttir l'a emportée avec elle dès son arrivée à l'Inter pour la saison 2024-2025. Un transfert qui, bien que temporaire, a tout de suite sonné comme une évidence. « Pour être honnête, je me suis sentie chez moi dès le premier jour », déclare-t-elle à propos de son prêt. « Quand j'ai commencé la préparation, je me sentais vraiment bien. Et après avoir joué le premier match, je me suis dit : 'OK, c'est ma chance. Je dois juste jouer et faire mes preuves'. J'ai le sentiment d'y être parvenue tout au long de la saison. »

    Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Parmi toutes les gardiennes ayant disputé au moins neuf matchs en Serie A la saison dernière, aucune n'a encaissé moins de buts que Rúnarsdóttir. Aucune n'a réalisé plus de clean sheets. Aucune n'a affiché un meilleur pourcentage d'arrêts. Une domination totale.

    « Je suis vraiment fière de moi, d'avoir su revenir à un si bon niveau après cette grosse blessure », admet-elle. « Sincèrement, j'ai juste savouré le plaisir de rejouer au football, après deux ou trois années très difficiles où j'ai très peu joué. C'est fou comme la vie devient cent fois meilleure quand on joue et qu'on est en confiance. Le temps passe si vite. Pour moi, j'ai eu l'impression que la saison n'avait duré que deux mois. »

  • Cecilia Ran Runarsdottir Iceland Women 2025Getty Images

    Le statut de numéro 1 en Islande

    Tout cela signifie que Rúnarsdóttir, qui vient d'ailleurs de s'engager définitivement avec l'Inter ce mardi, aborde l'Euro 2025 dans une position idéale. Plus de cinq ans après ses débuts en sélection, qui avaient fait d'elle la plus jeune gardienne de l'histoire de l'Islande, son retour en pleine forme et ses performances exceptionnelles en club lui ont permis de s'imposer comme la numéro 1 incontestée de son pays. Elle a d'ailleurs débuté les six rencontres de Ligue des Nations disputées en 2025.

    Bien sûr, Rúnarsdóttir ne tiendra jamais ce statut pour acquis. Elle sait mieux que quiconque qu'« on ne sait jamais ce qui peut arriver ». Mais les déceptions des dernières années n'ont fait que décupler sa motivation à l'approche de l'été.

    « Mon objectif depuis le dernier Euro a toujours été de disputer celui-ci », affirme-t-elle. « Ce serait un immense honneur, ne serait-ce que de jouer pour son pays, et nous aurons beaucoup de supporters qui vont faire le déplacement. Honnêtement, ce serait un rêve qui se réalise. J'en ai toujours rêvé. Je crois que chaque petite fille, chaque footballeuse, rêve de disputer un grand tournoi pour son pays. »

  • Glodis Viggosdottir Iceland Women 2022Getty Images

    Une histoire inachevée

    Mais Rúnarsdóttir n'est pas la seule à avoir une revanche à prendre lors de cet Euro 2025. Il y a trois ans, en Angleterre, alors qu'elle était contrainte de suivre le tournoi depuis les tribunes, ses coéquipières ont échoué de manière déchirante à atteindre la phase à élimination directe, un exploit qu'elles n'avaient réalisé qu'une seule fois, en 2013. Le scénario avait été particulièrement frustrant. Après avoir mené au score contre la Belgique puis contre l'Italie lors de leurs deux premiers matchs, les Islandaises s'étaient à chaque fois fait rejoindre, concédant deux matchs nuls 1-1. Elles étaient donc contraintes de battre la France pour se qualifier. Mais un troisième match nul, sur le même score, les a privées des quarts de finale pour un seul petit point.

    Le fait que Rúnarsdóttir décrive cet échec comme « une très grosse déception » témoigne de la progression de cette équipe. L'Islande, malgré son statut de petite nation, a développé de grandes ambitions. « Je pense que la déception a été immense pour tout le monde : pour le sélectionneur, pour le staff, pour les joueuses », se souvient-elle. « Je me rappelle juste que tout le monde était vraiment triste. Je crois que cet été, nous arriverons avec le couteau entre les dents. »

  • Iceland Women 2025Getty Images

    L'heure de briller

    Forte d'un effectif solide, comptant des représentantes de l'Inter, du Bayern, de West Ham ou encore du Bayer Leverkusen, l'Islande a une réelle opportunité de mettre fin à douze ans d'attente et de disputer enfin son deuxième match à élimination directe dans un tournoi majeur. L'équipe de Thorsteinn Halldórsson se retrouve dans un groupe avec la Suisse, pays hôte, la Finlande et la Norvège. Un groupe très compétitif où la Norvège fait figure de légère favorite, même si elle a toujours déçu depuis sa finale de l'Euro 2013.

    « Je pense que toutes les équipes du groupe pensent pouvoir se qualifier. Chaque match sera donc très disputé, et tout le monde voudra battre tout le monde », analyse Rúnarsdóttir. « Je trouve que ça rend le groupe plus amusant. Mais au final, seules deux équipes passeront, et bien sûr, on espère en faire partie. Il faudra donc aborder chaque match pour le gagner. »

    Le sentiment général est que ce groupe se jouera sur des détails. Une impression renforcée par les résultats entre l'Islande, la Suisse et la Norvège, qui étaient déjà dans la même poule en Ligue des Nations cette année. Sur ces six rencontres, il y a eu quatre matchs nuls, et les deux autres se sont joués sur un seul but d'écart.

    « Il nous suffit de ne pas encaisser de but et d'en marquer un, c'est facile, non ? », lance Rúnarsdóttir dans un éclat de rire. Avec la talentueuse gardienne de 21 ans dans les buts, les chances de l'Islande de réussir la première partie de l'équation sont certainement plus élevées, alors que l'équipe et sa gardienne chercheront à vivre un été qui effacera enfin les déceptions de 2022.