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Brésil, Real, Xabi Alonso : la transition idéale d’Ancelotti

On connaît la scène. Le Real Madrid entre sur la pelouse avec ses Galactiques. Pendant un quart d’heure, c’est poussif. Pas d’intensité, peu d’envie. Les adversaires se procurent des occasions, parfois même marquent les premiers. Dans les tribunes du Bernabéu, les murmures montent. Parfois, ce sont même des sifflets. Et puis, l’inévitable. Carlo Ancelotti glisse quelques mots à son fils Davide, esquisse un geste vers le terrain. Le sourcil se lève. Et tout change. Madrid s’éveille et finit par rouler sur son adversaire. Une victoire 4-1, mini-crise éteinte.

Ces dernières années, il est devenu presque à la mode de minimiser l’impact d’Ancelotti sur ses équipes. Son célèbre sourcil levé est devenu un meme. Et son onze de départ, entre prétendants au Ballon d’Or et seconds couteaux de luxe, semble presque se gérer tout seul. Alors, gérer ce Real : mission facile ? Pas vraiment.

Mais c’est justement cette approche détachée, ce calme olympien et cette capacité à faire briller les stars sans en faire trop, qui font de lui un candidat parfait… pour une sélection. Et c’est pourquoi le Brésil, qui vient de se séparer de Dorival Jr, pense à lui encore une fois.

Ancelotti avait refusé l’été dernier, promettant d’aller au bout de son contrat madrilène. Mais aujourd’hui, le contexte a changé. Et si c’était le moment idéal pour un dernier grand défi ?

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    L'impasse Dorival

    Ce dont le Brésil a besoin aujourd’hui saute aux yeux. Le talent est là, brut, éclatant : Neymar, Vinicius, Rodrygo. Trois génies capables de renverser un match à eux seuls, pour peu qu’on sache les utiliser. Et c’est bien là que tout coince. Ces dernières années, les sélectionneurs se sont succédé sans jamais vraiment trouver la clé. Et Dorival, dernier en date, a échoué plus que les autres.

    Son mandat a été marqué par l’indécision permanente. Incapable d’assembler les pièces du puzzle offensif, il a laissé son équipe stagner dans une inertie inquiétante. Le trio du milieu – Bruno Guimarães, Joelinton et, lorsqu’il était disponible, Lucas Paqueta – s’imposait de lui-même. Vinicius était indiscutable à gauche, Rodrygo pouvait alterner entre l’axe et le côté droit, et Raphinha s’était imposé récemment dans le onze. Mais malgré ce socle, rien ne prenait.

    Le jeu était lent, prévisible, sans imagination. Vinicius se faisait découper à chaque prise de balle et traversait une disette légendaire. Rodrygo disparaissait des zones dangereuses. Raphinha, lui, n’a jamais retrouvé l’explosivité qui fait sa force à Barcelone.

    Bref, un collectif sans liant ni ambition. L’éviction de Dorival n’a surpris personne. Trop limité, trop enfermé dans les logiques locales d’un football brésilien pourtant mondialisé. Ce groupe a besoin d’un homme qui comprend cette réalité, qui parle le langage des stars, qui sait les laisser respirer sans perdre le fil. Ce profil existe. Il a les sourcils les plus célèbres du football européen.

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  • FBL-EUR-C1-MAN CITY-REAL MADRIDAFP

    L'école Ancelotti

    Carlo Ancelotti n’est pas ce que l’on appelle un génie tactique à l’européenne. Il ne cherche pas à révolutionner le jeu chaque saison, ne théorise pas le pressing inversé ou les zones intermédiaires comme un laboratoire permanent. Il n’a pas de système fétiche, ni de “style Ancelotti” estampillé sur ses équipes.

    Mais ce qu’il maîtrise mieux que quiconque, c’est l’art de la gestion humaine. Il sait créer une alchimie, une atmosphère dans laquelle des individualités brillantes peuvent s’épanouir ensemble. Pas dans un cadre rigide, mais dans un climat de confiance et de liberté maîtrisée. Et c’est exactement ce dont le Brésil a besoin aujourd’hui.

    Les stars de la Seleção ont besoin d’espace, de feeling, d’un leader qui les respecte et les comprenne. Un sélectionneur capable de les valoriser sans les contraindre. Et Ancelotti excelle dans ce domaine. Il le prouve dans ses conférences de presse, en public, par son éloge constant de ses joueurs.

    Jude Bellingham ? « Le meilleur joueur du monde », lançait-il en décembre. Vinicius ? Il tenait le même discours neuf mois plus tôt. Et que dire de cette déclaration absurde, mais révélatrice : « J’ai les trois meilleurs arrières droits du monde » — en parlant de Carvajal, Lucas Vazquez et Valverde.

    Derrière ces mots, pas de stratégie cynique. Juste une méthode : la confiance par la valorisation. Un sourire, une tape sur l’épaule, une déclaration forte. C’est simple, c’est humain, et c’est souvent ce qui sépare les bons sélectionneurs des grands. Le Brésil n’a pas besoin d’un idéologue. Il a besoin d’un chef d’orchestre des émotions. Et Ancelotti en est un des meilleurs.

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    Ancelotti, autorité tranquille mais inflexible

    Derrière le calme olympien, les accolades et les déclarations bienveillantes, Carlo Ancelotti cache une main de fer. Loin de n’être qu’un "père tranquille", il sait se montrer tranchant, même avec les légendes. L’humain est au cœur de sa méthode, mais le mérite reste la règle absolue.

    En 2023, alors que Toni Kroos et Luka Modric approchaient de la fin de leur contrat, il n’a pas hésité à leur faire comprendre qu’ils devaient se préparer à partir. Finalement, ils sont restés, mais le message était clair : rien n’est acquis. Il a également sorti Rodrygo en plein match sans ménagement, s’est montré sans concession avec Aurélien Tchouaméni lorsqu’il traversait des phases d’inconstance, et n’a offert que quelques miettes à Endrick, pourtant recruté à prix d’or.

    Avec Ancelotti, la hiérarchie se mérite sur le terrain, pas sur le pedigree ou le prix du transfert. Et ce modèle fonctionne. Madrid a peut-être perdu deux Clasicos cette saison, et accuse un léger retard sur le Barça en Liga, mais c’est bien le Real qui reste la référence en Espagne comme en Europe.

    Avec un effectif amoindri — Carvajal et Eder Militao blessés longue durée — le Real est toujours en course sur tous les tableaux. Et c’est là qu’on mesure l’apport d’Ancelotti : une gestion fluide, humaine, mais sans faiblesse. Une autorité naturelle, sans cris ni coups d’éclat, mais terriblement efficace. Le Brésil, friand de stars sensibles aux égards mais exigeantes en termes d’équité, aurait tout à gagner à s’appuyer sur un tel homme.

  • Kylian Mbappe Vinicius Jr Real Madrid 2024-25Getty

    Le triplé en ligne de mire

    Après une victoire arrachée dans les dernières minutes face à la Real Sociedad, le Real Madrid s’apprête à défier le FC Barcelone pour une place en finale de la Coupe du Roi.

    En Ligue des champions, les Merengue abordent leur quart de finale face à Arsenal avec le statut de grands favoris. Et en Liga, si le Barça venait à trébucher, Madrid serait prêt à bondir. Le Clásico du 11 mai s’annonce d’ores et déjà comme l’un des plus intenses et décisifs de ces dernières années.

    Évidemment, une telle réussite dépendra d’abord des joueurs. Kylian Mbappé devra continuer à marquer, Vinicius Junior à faire des différences, Jude Bellingham à briller dans tous les registres, pendant que l’ensemble du collectif maintiendra l’équilibre derrière eux.

    Mais il reviendra aussi à Carlo Ancelotti de faire les bons choix et d’orchestrer cet ensemble. Car il y a parfois une forme d’élégance à partir quand on est au sommet.

    Avec déjà 15 trophées remportés en deux passages à la tête du Real, Ancelotti pourrait porter ce total à 17 s’il venait à conquérir une quatrième Ligue des champions et une troisième Liga. Et pourtant, le triplé Coupe-Liga-C1 lui échappe encore.

    S’il parvenait à réussir cet exploit ultime, il n’aurait plus rien à prouver, ni à conquérir. Et ce serait sans doute la plus belle des sorties.

  • brazilGetty Images

    L’ultime défi

    Carlo Ancelotti a toujours été un nomade du football, un seigneur discret qui n’a jamais vraiment appartenu à un club plus qu’à un autre. Il est aujourd’hui le seul entraîneur à avoir remporté les cinq grands championnats européens. Il a dirigé l’AC Milan, Chelsea, le PSG, le Bayern Munich, Naples, le Real Madrid… et même Everton, parenthèse un peu absurde dans un parcours d’exception.

    Aujourd’hui, à moins de rejoindre le rival d’un ancien club – ce qui semble peu probable – il ne reste plus vraiment d’horizons à explorer au plus haut niveau des clubs européens. Un retour à Paris aurait pu paraître envisageable, mais Luis Enrique a stabilisé le projet. Quant aux autres bancs prestigieux, ils sont soit déjà occupés, soit peu compatibles avec la philosophie d’Ancelotti.

    C’est pour cela que la sélection, et le Brésil en particulier, fait figure de dernier sommet. Il y a un an, la CBF croyait l’avoir convaincu. Son président annonçait publiquement son arrivée… sans contrat, ni confirmation. Ancelotti, surpris, s’était contenté d’un sourire poli, disant être honoré par l’intérêt.

    Mais aujourd’hui, le contexte a changé. Le poste est libre, le projet séduisant, et l’Italie – son pays natal – n’envisage pas de changement à court terme. Il ne reste qu’une seule scène qui lui échappe : le football de sélection, ce théâtre d’un autre temps, où l’on gagne par l’instinct, la gestion humaine, et un soupçon de magie. Tout ce qu’il sait faire.

    Et si, pour Carlo, le Brésil n’était pas seulement un nouveau chapitre… mais l’épilogue rêvé ?

  • Club Atletico de Madrid v Real Madrid - Supercopa: Second LegGetty Images Sport

    Xabi, la relève naturelle

    Reste une dernière question, et pas des moindres : qui pour succéder à Ancelotti ? Car si l’Italien venait à répondre à l’appel du Brésil, il laisserait derrière lui un Real Madrid réinventé, jeune, ambitieux et promis à un avenir radieux. Il ne s’agirait pas simplement de prendre les rênes d’un grand club : ce serait reprendre une dynastie en pleine ascension.

    Le défi s’annonce aussi complexe que celui d’après-Klopp à Liverpool, ou d’après-Guardiola à Manchester City. Une telle transition ne se gère pas à la légère. Mais il se trouve qu’un homme coche toutes les cases pour incarner cette suite logique.

    Xabi Alonso.

    L’ancien métronome du Real, qui a passé cinq saisons à dicter le tempo au Bernabéu, aurait déjà pu rejoindre Madrid l’été dernier après avoir offert à Leverkusen un titre de Bundesliga historique. Il a préféré rester une saison de plus, dans un projet enthousiasmant mais fragile. Cette année, le souffle est retombé, et certains cadres — Florian Wirtz en tête — semblent proches du départ. Le moment est peut-être venu pour Alonso de répondre à l’appel de son destin.

    Son vécu madrilène pèserait lourd dans un vestiaire aussi exigeant que celui du Real. Sa légitimité est là, son autorité naturelle aussi. Et ses idées de jeu modernes séduisent déjà les plus grands clubs.

    Rien n’est acté, bien sûr. Le football a horreur des successions toutes tracées. Mais si Ancelotti remporte tout cette saison, comme le scénario actuel le laisse présager, alors la boucle serait bouclée. Le départ d’un maestro vers la scène internationale… et l’avènement d’un nouveau chef d’orchestre, formé à la maison. Une transition en douceur, presque trop belle pour être vraie.