Aubameyang est l’attaquant que l’OM attendait depuis longtemps, mais pour se hisser à la hauteur de Drogba il doit guider le club vers la gloire

Aubameyang marche sur l’eau en ce moment. Chose qu’on aurait eu beaucoup de mal à prédire en début de saison. Débarqué de Chelsea, où il n’a quasiment pas joué la saison dernière (21 matches en tout), il a connu un début de parcours relativement compliqué avec Marseille. A la peine physiquement, il est resté muet lors de 6 de ses 7 premiers matches avec les Olympiens. Et la seule fois où il avait trouvé la faille sur cette période, avec un doublé inscrit, cela n’avait pas servi à grand-chose. Ses buts contre le Panathinaikos en tour préliminaire de la Ligue des Champions n’avaient pas suffi pour éviter l’élimination aux siens.

En Ligue 1, le natif de Laval a même dû attendre la 8^e journée et une rencontre face au Havre pour débloquer son compteur buts. Sept parties sans pouvoir trouver le chemin des filets, c’était indigne d’un joueur de son calibre. Une disette qui a forcément soulevé des interrogations sur l’utilité de son recrutement. Les observateurs les plus critiques se sont même demandés s’il n’allait pas rejoindre la liste des nombreux 9 ayant lamentablement échoué sur les bords de la Canebière (Mitroglou, Germain, Benedetto, Vitinha...)

Fort heureusement, ce passage à vide n’a pas duré. Le meilleur joueur africain de l’année 2015 a su se réveiller au cœur de l’automne. Le changement de coach y est certainement pour quelque chose, avec la venue de Gennaro Gattuso en lieu et l’Espagnol Marcelino. Cela dit, ce sursaut a surtout été la conséquence d’une remise en question personnelle. Touché dans son orgueil par les piques dont il a été la cible, il s’est retroussé les manches et a remis le bleu de chauffe pour enfin incarner ce « plus » qu’attendait l’OM dans son secteur offensif.

Le soir de la résurrection est intervenu le 1^er décembre en Ligue Europa lors d’un match contre l’Ajax Amsterdam. Ce jour-là, l’ancien Barcelonais a marqué un triplé. Même s’il y a eu deux buts sur pénalty, le hat-trick lui a fait autant de bien qu’à son équipe. Et l’avoir réussi dans Vélodrome en transe l’a aussi aidé à reprendre confiance. Même si, lui, assure n’avoir jamais douté.

Sur le terrain, Aubameyang a eu la réaction d’un champion. Et une fois qu’il a fait le travail qui lui incombait, il ne s’est pas non plus gêné de répondre à ceux qui l’avaient enterré trop vite. Sur l’une de ses célébrations, plutôt que de tenter son habituel salto, il a porté son index vers le ciel et avec un regard noir, l’air de dire qu’il n’a pas été insensible aux attaques extérieures. Une impression confirmée dans sa réaction d’après-match. "Ma célébration ? Je suis quelqu’un d’humain et il faut rester humble dans ces moments-là", a-t-il lâché.

A partir de ce match, le numéro 10 marseillais n’a fait que monter en puissance. Avant la trêve hivernale, il a notamment enchainé quatre matches avec 7 buts marqués et 3 passes décisives offertes. Il n’y avait alors plus de doute quant au fait qu’il avait complètement pris ses marques au sein de cette formation.

Le début de la nouvelle année n’a pas été reluisant avec deux buts inscrits en l’espace de neuf parties (entre 14 décembre et 9 février). Mais cela coïncide avec le moment où l’équipe marseillaise a de nouveau perdu pied. Dans un collectif en difficulté et sans idées, « Aubame » a peiné à surnager.

Une fois les Olympiens remis sur les bons rails, sous la coupe de leur nouveau coach Jean-Louis Gasset, le Gabonais a retrouvé comme par magie toute son efficacité. Aujourd’hui, il est de nouveau dans une période faste, avec cinq parties de suite avec au moins un but marqué. Il reste même sur trois doublés lors des quatre derniers matches. Et depuis son arrivée au club, il a déjà scoré au moins deux buts dans une rencontre à sept reprises. Dans les grands championnats européens, seuls Harry Kane (9 fois avec le Bayern) et Kylian Mbappé (8 fois avec le PSG) ont fait mieux.

Si Marseille a pu se relancer et revenir dans la course au top 5 tout en prolongeant son parcours en Ligue Europa, c’est donc en grande partie grâce à Aubameyang. A se demander même si l’intéressé n’affiche pas la meilleure forme de sa carrière actuellement. Il a été décisif 23 fois sur les 20 derniers matches. Il faut peut-être remonter à sa troisième saison au Borussia Dortmund (2016/2017) pour retrouver la trace d’une telle efficacité de sa part (40 buts et 5 assists en 46 matches).

Devant un rendement pareil, on ne peut qu’être sous le charme. Et Gasset ne s’est pas trompé en lui tirant son chapeau ce week-end après la belle prestation réalisée face à Nantes. L’expérimenté technicien n’est pas habitué à mettre trop en avant les individualités. Mais face à telle rentabilité, il ne pouvait pas rester silencieux. "C’est LE joueur, dans tous les équipes vous avez le joueur, donc vous mettez le joueur là où il aime et après vous construisez l’équipe, a-t-il déclaré conférence de presse. C’est la personne qui nous fait bien jouer, qui nous marque les buts, s'il y faut travailler il revient travailler. C’est la générosité même, mais c’est LE joueur de l’effectif."

Clairement, Aubameyang est aujourd’hui le monsieur plus de l’OM, en même temps qu’il est son baromètre. Et cela faisait bien longtemps que cette équipe n’avait pas été aussi dépendante de l’efficacité d’un attaquant. Dire qu’il n’y a plus eu d’avant-centre aussi efficace depuis le passage de Didier Drogba en 2003/2004 ne serait pas du tout incongru. En terme de ratio buts inscrits/match, c’est même factuel.

En oubliant un moment le cas Drogba qui est à part, et en voyant ceux qui ont dépassé la barre des 20 buts avec l’OM sur un seul exercice au 21^e siècle, on se rend compte qu’ils ne sont pas légion. Il y a eu Arkadiusz Milik (2021/2022), Bafétimbi Gomis (2016/2017), André-Pierre Giganc (2013/2014 et 2014/2015), Djibril Cissé (2007/2008), Loïc Rémy (2021/2022) et Mamadou Niang (trois saisons de suite, entre 2007 et 2010). Et sur les joueurs cités, seul Gignac a affiché un total supérieur à celui d’Aubameyang. De combien ? Une unité seulement. On ne prendrait pas un énorme risque en disant que la marque sera bientôt effacée, sachant aussi qu’il reste au minimum une dizaine de matches à disputer d’ici la fin de la campagne 2023/2024.

A Marseille, Aubameyang était venu remplacer Alexis Sanchez. Ce dernier a été très convaincant lors de sa seule année passée en France. Les supporters olympiens sont unanimes pour dire qu’il a beaucoup apportée à la formation dirigée par Igor Tudor. Néanmoins, si l’on juge uniquement son travail devant les buts, force est de constater que PEA l’a déjà dépassé. Ce dernier compte un but toutes les 121 minutes, tandis que le Chilien affichait une moyenne d’un but toutes les 183 minutes (18 réalisations en 44 matches avec l’OM).

Bien sûr, tout en haut du perchoir, il y a toujours Didier Drogba. Buteur 37 fois en 61 parties avec l’OM à l’occasion de son unique saison au club. Un chiffre impressionnant, mais qui n’est pas inatteignable. Aubame a d’ailleurs déjà égalé l’Ivoirien au nombre de buts marqués sur une saison européenne avec Marseille (11). Et il ne compte certainement pas s’arrêter là.

Il convient tout de même de préciser qu’il n’y a pas qu’avec ses buts que Drogba a marqué les esprits dans le sud de la France. Avant de filer à Chelsea et de devenir le transfuge le plus cher du club, il s’est aussi fait remarquer par sa personnalité, son leadership et sa capacité à répondre présent lors des grands matches. Si le public marseillais l’a tant aimé pour ensuite tant espérer son retour pendant des années, c’est aussi parce qu’il incarnait ce côté « winner ». Avec lui, l’OM a franchi un palier, redevenant une équipe qui faisait peur. Des cadors européens ont baissé pavillon face à son talent, tels que Liverpool ou l’Inter. Et s’il s’en est fallu de peur pour que le club accroche sa deuxième coupe européenne cette saison-là. Ah, l’erreur de Fabien Barthez en finale contre Valence est encore dans toutes les mémoires !

L’actuel goleador olympien ne figure donc pas encore à la même table que son illustre prédécesseur. Cela dit, il peut encore espérer le rejoindre. En tous cas, le chemin pour y parvenir lui est déjà tout tracé. Il suffit qu’il garde son niveau de performances jusqu’à la fin de la saison et réussit là où Drogba a failli, à savoir offrir un trophée à l’OM. La seule manière de le faire c’est donc aller chercher la Ligue Europa. En supposant que l’écueil de Villarreal est déjà derrière suite à la démonstration offerte à l’aller (4-0), il n’y a plus « que » trois obstacles à écarter. Un challenge relevé, mais c’est exactement le type de défi qui peut inspirer à Aubameyang et l’inciter à se surpasser.