Ange Postecoglou, chronique d'un désastre annoncé à Nottingham Forest

Ange Postecoglou est arrivé en Angleterre en 2021, au Celtic, où il a rapidement fait taire les sceptiques en remportant le titre. Fort de ce succès, il a rejoint Tottenham, avec pour mission de redonner le sourire à un club morose après les ères Conte et Mourinho. Et pendant un temps, la magie a opéré. Le "Ange-ball", ce football offensif et spectaculaire, a séduit, et les résultats ont suivi. Mais les fondations se sont vite révélées fragiles. La saison 2024-2025 de Tottenham restera comme l'une des plus schizophrènes de l'histoire : une victoire en Ligue Europa, mettant fin à 17 ans de disette, mais aussi une piteuse 17e place en Premier League. Dans son communiqué de licenciement, le club a été clair : malgré l'émotion du triomphe européen, le bilan en championnat, avec 22 défaites, était indéfendable. Postecoglou restera donc dans l'histoire de Tottenham à la fois comme une légende et comme l'architecte de leur pire saison. Un paradoxe qui aurait dû alerter ses futurs employeurs.

L'arrivée de Postecoglou à Nottingham Forest avait tout d'un mariage illogique. Le club sortait d'une saison réussie sous les ordres de Nuno Espírito Santo, avec un style de jeu pragmatique et défensif. Postecoglou, lui, est l'antithèse de cette philosophie. De plus, Nuno était unanimement soutenu par les supporters, furieux de son départ. L'arrivée de l'Australien, dont les liens avec le propriétaire grec du club ont alimenté les soupçons de favoritisme, a donc été accueillie avec méfiance. Le discours de Marinakis, le propriétaire, se voulait ambitieux, vantant le palmarès de son nouvel entraîneur. Mais en passant du jour au lendemain d'un football conservateur à un jeu à cent à l'heure, Forest s'est infligé un violent torticolis tactique. Les conséquences se font déjà sentir.

Le terme "baptême du feu" ne suffit pas à décrire les débuts de Postecoglou à Forest. On parlerait plutôt d'une "explosion inaugurale". Une déroute 3-0 contre son ancien rival, Arsenal, pour commencer. Suivie d'une élimination en Carabao Cup contre une équipe de deuxième division. En sept matchs, il n'a toujours pas connu la victoire. C'est le premier entraîneur de Forest à ne pas gagner l'un de ses quatre premiers matchs de championnat depuis 1960, et son bilan global est le pire du club depuis plus de 100 ans. En ajoutant sa fin de saison à Tottenham, l'Australien reste sur 11 matchs de Premier League sans victoire. Pendant ce temps, les Spurs sont troisièmes avec leur nouveau coach, et Nuno a obtenu un bon match nul avec West Ham. Postecoglou est à la fois l'exception et le dénominateur commun de l'échec.

Le plus étrange, c'est que Postecoglou a dû attendre son cinquième match pour découvrir son public. Et à ce moment-là, sa cote était déjà au plus bas. Deux défaites à domicile plus tard, notamment contre les modestes Danois de Midtjylland, et les derniers restes de bienveillance se sont envolés. Des chants "Tu vas te faire virer demain matin" sont descendus des tribunes. Les inquiétudes qui entouraient sa nomination étaient bien réelles. À Tottenham, sa communication franche et charismatique avait séduit la presse. Mais c'est plus facile quand on gagne. Depuis, son discours est devenu plus amer, plus grincheux. Et sans résultats pour le soutenir, il ne passe plus. Des rumeurs de licenciement circulent déjà, et il a lui-même confirmé qu'il allait avoir une discussion décisive avec son président.

Partout où il est passé, Postecoglou a laissé une trace et une armée de fidèles. Et certains, aujourd'hui encore, refusent de le tenir pour seul responsable. Wayne Rooney, notamment, estime que les dirigeants de Forest, et en particulier le propriétaire, devraient être davantage critiqués pour leur décision de limoger Nuno. « C'est fou », a-t-il déclaré. « J'aime bien Ange, c'est un bon gars. Mais c'était étrange de voir Nuno se faire virer et de le voir arriver. Si on le licencie, il faudra bien que quelqu'un assume la responsabilité de l'avoir engagé ». Rooney souligne également le grand écart tactique entre les deux coachs, un défi immense pour les joueurs. « Les supporters de Forest aimaient vraiment Nuno, et je n'ai pas l'impression qu'ils soient prêts à donner du temps à Ange ».

On peut parler de philosophie de jeu et de travail à l'entraînement autant que l'on veut. La dure vérité, c'est que les chiffres parlent d'eux-mêmes : 15 points pris sur ses 23 derniers matchs de championnat. Pour un entraîneur d'une équipe européenne, c'est tout simplement insuffisant. La pertinence de son "Ange-ball" en Angleterre a longtemps été un débat. Mais une fois que les équipes ont compris comment le contrer, tout le monde a su le faire. Ce n'est pas un hasard si Tottenham a été l'équipe qui a perdu le plus de points après avoir mené au score la saison dernière. Le "Ange-ball", c'est comme l'énergie nucléaire : quand ça marche, c'est une merveille. Quand ça échoue, c'est Tchernobyl. Contrairement à Régis Le Bris à Sunderland, qui a su adapter ses principes au promu, Postecoglou a voulu imposer les siens sans compromis. Ses tactiques ont été déchiffrées en Angleterre. Il a peut-être sa place dans un championnat moins relevé, mais il ne peut plus survivre en Premier League. Tôt ou tard, Forest et Marinakis appuieront sur la gâchette.