Sunderland Man Utd GFXGOAL

Sunderland, le modèle que Manchester United devrait suivre

Pendant que Wrexham savourait sa montée en puissance, Sunderland 'Til I Die dépeignait une descente aux enfers : un joueur menaçant de frapper un supporter, un autre refusant de partir alors que son salaire astronomique asphyxiait le club, un entraîneur conspué. Le verdict fut brutal : une relégation en troisième division pour la première fois de l'histoire du club, après une décennie en Premier League. La douleur des supporters, palpable à chaque épisode, a captivé le monde entier, créant une "génération Netflix" de sympathisants et inspirant même des acteurs américains à acheter leur propre club.

Après trois ans de purgatoire, Sunderland est non seulement de retour dans l'élite, mais fait taire les moqueries. Samedi, c'est un Manchester United en pleine crise qui se déplace sur leur pelouse. Et les rôles semblent dangereusement inversés.

  • Sunderland v West Ham United - Premier LeagueGetty Images Sport

    Un promu pas comme les autres

    Si les six dernières équipes promues en Premier League sont toutes redescendues aussitôt, Sunderland semble déterminé à briser la malédiction. Avec trois victoires et une seule défaite en six matchs, les Black Cats occupent une surprenante cinquième place, réalisant le meilleur départ pour un promu depuis 13 ans.

    Mais c'est en coulisses que le modèle de Sunderland prend tout son sens, notamment pour un public français. Le club a le plus jeune propriétaire du football anglais, le milliardaire français de 28 ans Kyril Louis-Dreyfus. Et ce nom n'est pas inconnu à Marseille. Fils de Robert Louis-Dreyfus, l'emblématique propriétaire de l'Olympique de Marseille de 1996 à 2009, Kyril a grandi dans l'ombre du Vélodrome et détient toujours une participation minoritaire (moins de 5 %) dans le capital du club phocéen.

    Son approche tranche radicalement avec celle de ses pairs. En 2021, il a racheté Sunderland pour environ 47 millions d'euros alors que le club sombrait. À titre de comparaison, Frank McCourt a investi près de 200 millions d'euros à l'OM, tandis que Sir Jim Ratcliffe a récemment déboursé 1,5 milliard d'euros pour seulement 27,7 % des parts de Manchester United. Deux mondes, deux philosophies.

  • Publicité
  • Sheffield United v Sunderland - Sky Bet Championship Play-Off FinalGetty Images Sport

    La ferveur populaire et le triomphe de la jeunesse

    Loin du mécène dépensier, Louis-Dreyfus a privilégié des investissements structurels – rénovation du stade et du centre d'entraînement – plutôt que des transferts clinquants. La saison dernière en Championship, Sunderland n'avait que la 14e masse salariale et l'effectif le plus jeune du championnat (22 ans de moyenne d'âge).

    Cette stratégie a été portée par une ferveur populaire exceptionnelle. Même en troisième division, le club attirait des foules immenses. Aujourd'hui, avec 46 254 spectateurs de moyenne, le Stadium of Light affiche un soutien digne des plus grands d'Europe, à un niveau équivalent au Parc des Princes (environ 45 000 places) et proche de l'OM (49 000). C'est la récompense d'une loyauté sans faille.

    Cette promotion fut l'œuvre de jeunes talents, souvent issus du centre de formation, une priorité absolue pour le propriétaire. Le but décisif en finale des barrages fut marqué par Tom Watson, pur produit de l'académie. D'autres, comme Dan Neil ou le prodige de 18 ans Chris Rigg, ont été les héros de cette épopée.

  • Sunderland v Brentford - Premier LeagueGetty Images Sport

    Une "French Touch" au cœur du projet sportif

    Plutôt que de se reposer sur ses lauriers, le club a instauré une concurrence féroce, orchestrée par un duo français. L'entraîneur Régis Le Bris a imposé sa méthode : « C'est une nouvelle saison, on repart de zéro. Pour relever le défi de la Premier League, il faut d'abord accepter la concurrence à son propre poste ».

    Cette stratégie est façonnée par Florent Ghisolfi, recruté au poste de directeur du football après des passages très réussis à Lens et à Nice. Sa connaissance du marché français est un atout majeur, permettant d'attirer plusieurs joueurs de Ligue 1 ou formés en France. La recrue phare de l'été, Enzo Le Fée, est ainsi arrivée de l'AS Roma pour apporter sa technique et sa créativité. Il a été rejoint par le jeune et très prometteur milieu "box-to-box" Habib Diarra, venu de Strasbourg, ainsi que par le défenseur polyvalent et athlétique Nordi Mukielé, prêté par le Paris Saint-Germain, qui s'est déjà imposé comme une arme redoutable avec ses longues touches.

    Le mercato a été financé par une politique de ventes intelligentes, à l'image du transfert de Jobe Bellingham à Dortmund pour un montant record de 32 millions d'euros, un modèle économique qui n'est pas sans rappeler celui de nombreux clubs de Ligue 1.

  • Granit Xhaka Sunderland 2025Getty Images

    Un club modèle, au masculin comme au féminin

    La recrue la plus symbolique reste peut-être Granit Xhaka. L'ex-capitaine d'Arsenal a renoncé à la Ligue des Champions pour rejoindre ce projet, convaincu par le plan sur dix ans présenté par Louis-Dreyfus.

    Cette vision globale se reflète dans la nouvelle mentalité du club. « Ma perception de Sunderland, c'était celle d'un grand club qui avait touché le fond », explique le directeur sportif. « Changer cette mentalité est très difficile, mais c'est ce que nous avons fait ».

    Au nouveau centre d'entraînement, les équipes masculine et féminine sont totalement intégrées. Cette philosophie porte ses fruits partout : l'équipe féminine de Sunderland est également invaincue en ce début de saison. Dans un contexte où le football féminin, porté par la D1 Arkéma, gagne en popularité en France, ce modèle "tout-club" a de quoi inspirer.

  • FBL-ENG-PR-BRENTFORD-MAN UTDAFP

    Le coup de grâce pour Amorim ?

    La dernière confrontation entre Sunderland et Manchester United remonte à 2017. Une éternité. Si United dispose aussi d'infrastructures neuves, les bénéfices tardent à se voir sur le terrain. L'équipe de Rúben Amorim, déjà en crise, pourrait souffrir face à l'intensité des Black Cats.

    Une victoire de Sunderland samedi à Old Trafford (un exploit qui n'est arrivé qu'une fois depuis 1968) pourrait sceller le sort de l'entraîneur portugais juste avant la trêve internationale. Amorim a refusé qu'un documentaire soit tourné sur son club cette saison. Dommage, car sans caméras, Manchester United est devenu une tragédie en direct. L'ironie suprême ? C'est que Sunderland, le club dont la chute a été exposée au monde entier, a aujourd'hui toutes les caractéristiques d'un club modèle.