Alexia Putellas : le retour de la reine pour exorciser le cauchemar de l'Euro

Rien ne résume mieux le niveau exceptionnel où évoluait Alexia Putellas, ni la violence de sa blessure, que les mots qu'elle a elle-même employés pour décrire cette période. « On passe d'un niveau de jeu stratosphérique à l'incapacité de marcher », a-t-elle confié au Guardian la semaine dernière. « On arrive à la salle de sport, qui est au moins notre habitat naturel. Puis vient le terrain, où l'on croit progresser, mais la frustration s'installe. Votre dernier souvenir, c'est de jouer à ce niveau, et maintenant vous êtes incapable de faire une passe, de pivoter, de contrôler. Il y a des moments où vous vous demandez si vous y arriverez un jour. »

Cette lutte n'est pas seulement physique, elle est aussi mentale. Le chemin est long, même après avoir reçu le feu vert des médecins. « On vous prévient que le jour où vous rejouez, ce n'est pas encore fini. Il faut du temps, de l'adaptation, de la compétition. Il ne faut pas croire qu'on sera la même, ce n'est tout simplement pas la réalité. Il faut encore trois, six mois. On doit essayer de s'accorder cette marge, de contrôler ses émotions », explique-t-elle. Un processus déjà éprouvant en temps normal. Le problème, c'est qu'au beau milieu de cette période critique, il y avait une Coupe du Monde.

Après n'avoir été titularisée que lors de trois des sept matchs de l'Espagne sur la route du titre mondial, d'autres obstacles attendaient encore Alexia Putellas. Au cours de la saison 2023-2024, elle a dû subir une nouvelle opération du genou. Freinée par les blessures, elle a assisté de loin au premier quadruplé historique de l'équipe féminine du Barça. En championnat, son temps de jeu moyen n'excédait pas une heure par apparition, et elle n'a disputé que 19 des 30 matchs de son équipe. En finale de la Ligue des Champions contre Lyon, elle n'a pu entrer qu'en cours de jeu.

Mais même dans ces moments, des éclairs de génie rappelaient à tous qui elle était. Son but lors de cette finale européenne, une finition fantastique qui a parachevé la victoire et vengé la défaite de 2022 contre les Lyonnaises, a résonné comme un message à tout le continent. Un message qui disait : « Alexia est toujours là, elle peut encore faire la différence, et elle a encore tant à donner ».

« On voit bien ce qu'elle représente pour cette équipe, pour cette ville et pour ce club », avait déclaré Keira Walsh, sa coéquipière, après ce but. « Mener 2-0 était déjà énorme, mais le fait que ce soit Alexia qui ait marqué a rendu le moment encore plus spécial. »

Les doutes qu'Alexia Putellas pouvait encore nourrir quant à sa capacité à retrouver son niveau de Ballon d'Or se sont envolés au cours de l'année écoulée. En Liga F, elle a compilé 16 buts et 11 passes décisives en 24 matchs. Seule Ewa Pajor, l'attaquante du Barça aux 25 réalisations, a été directement impliquée sur plus de buts. En Ligue des Champions, elle a inscrit trois buts et délivré quatre passes décisives, montant en puissance dans les phases finales pour porter les Catalanes vers une nouvelle finale. À cela s'ajoutent ses buts et ses passes décisives en Coupe de la Reine et en Supercoupe d'Espagne, deux autres compétitions remportées par le Barça. En fait, sur l'ensemble des cinq grands championnats européens, personne n'a créé plus d'occasions de but qu'elle en 2024-2025.

En résumé, il est difficile de trouver une joueuse qui aborde cet Euro dans une meilleure forme, ou qui soit plus capable de mener son équipe à la gloire. « Ce n'était pas mon genou qui me faisait mal, c'était mon âme », a-t-elle déclaré au Guardian en se remémorant sa rupture des ligaments croisés. « Vous connaissez ce sentiment, cette sensation de sécurité où l'on se sent capable de tout ? À ce moment-là, je le ressentais. Et maintenant, je ressens à nouveau cette sensation. »

Ce n'est pas seulement à l'Euro qu'Alexia Putellas a une revanche à prendre, mais plus généralement avec l'équipe d'Espagne sur la grande scène internationale. Lorsqu'elle a participé à la Coupe du Monde 2023, elle revenait à peine de sa grave blessure. Son temps de jeu a donc été géré avec parcimonie. Et lors des Jeux Olympiques l'année dernière, l'utilisation de la double Ballon d'Or par la sélectionneuse Montse Tomé a suscité une vive controverse, au cœur d'un été finalement décevant pour les championnes du monde.

Alors que l'Espagne était menée 2-0 en quart de finale contre la Colombie, Putellas, sans doute la meilleure joueuse de son équipe dans le tournoi, a été sortie du terrain. Heureusement, la Roja a réussi à revenir, s'imposant de justesse aux tirs au but, ce qui a permis de balayer les questions sur cette décision.

Mais lorsque Montse Tomé a ensuite laissé Putellas sur le banc pour la demi-finale contre le Brésil, la décision a fait l'effet d'une bombe, qualifiée d'« inexplicable » par la presse espagnole. Si le principal problème de la Roja lors de sa défaite surprise face aux Sud-Américaines fut la défense, il était stupéfiant de voir la sélectionneuse attendre que son équipe soit menée 3-0 pour faire entrer Putellas.

Moins surprenant, en revanche, fut l'impact immédiat de la milieu de terrain. Elle est instantanément devenue la meilleure joueuse de son équipe, touchant la barre transversale, forçant la gardienne à une superbe parade quelques instants plus tard, tirant le corner qui a amené le premier but espagnol et déviant le ballon de la tête pour la passe décisive sur le second. Malheureusement, ce fut en vain. La Roja s'est inclinée 4-2, voyant ses espoirs de médaille d'or olympique s'envoler.

L'Espagne aborde ce Championnat d'Europe dans une situation similaire à celle des Jeux Olympiques de l'année dernière. Après avoir remporté la Coupe du Monde, elles étaient les grandes favorites pour la médaille d'or, surtout face à de nombreuses autres nations en transition ou manquant de références. Si leur contre-performance à Paris 2024 a peut-être légèrement tempéré les attentes cette fois-ci, les championnes du monde restent les principales prétendantes au titre. Et elles seront sans aucun doute encore plus affamées de succès après ce qui s'est passé en France.

Mais des failles existent. La défense reste un point d'interrogation, des questions subsistent autour de la sélectionneuse Montse Tomé, et des inquiétudes particulièrement vives entourent l'état de santé d'Aitana Bonmatí. L'autre double Ballon d'Or de l'Espagne et du Barça a en effet été admise à l'hôpital la semaine dernière pour une méningite virale. Si elle venait à être absente, cela ne ferait qu'accroître la nécessité pour des joueuses comme Alexia Putellas de prendre leurs responsabilités et de se montrer décisives.

Mais c'est le genre de pression qu'Alexia Putellas est heureuse de retrouver. En 2023, elle n'était pas encore prête à redevenir une joueuse clé. En 2024, c'est elle que Montse Tomé a choisi de sacrifier pour tenter d'inverser le cours des choses, aussi fou que cela puisse paraître. En 2025, elle est la favorite pour le Ballon d'Or, l'une des leaders de cette équipe d'Espagne et le genre de talent de classe mondiale capable de guider son pays vers un titre européen.

« Elle est l'exemple parfait du travail acharné, du sacrifice et de la persévérance », a récemment déclaré Ona Batlle, sa coéquipière en sélection et au Barça, au journal ARA. « Malgré les blessures, elle a toujours cru qu'elle pouvait revenir au sommet. Quand on continue d'essayer, on finit par y arriver, surtout avec sa qualité et son éthique de travail. »

Elle l'a prouvé en Catalogne, en Espagne et sur la scène de la Ligue des Champions. Maintenant, à l'Euro 2025, Alexia Putellas est prête à annoncer à un public encore plus large qu'elle est de retour. Et peut-être même, meilleure que jamais.