Quelques années avant de rejoindre le Stade de Reims, Hugo Ekitike a vécu une sorte de révélation. Comme un signe avant-coureur. A l'époque, le gamin a un peu plus de dix ans et évolue à Cormontreuil dans la banlieue rémoise. Un été, le jeune attaquant est invité par son coach à se joindre à son fils et sa femme pour partir en vacances dans l'Allier, où la famille y a loué un mobile-home.
« En arrivant, on a ouvert les placards et on a trouvé une veste du stade de Reims, se souvient Jean-Philippe dit « Nano » , l'ancien coach d'Hugo Ekitike des U7 au U12. Les enfants l'ont essayée : elle était trop grande pour mon fils mais allait parfaitement à Hugo. Donc il l'a gardé et peu de temps après les vacances, il a signé un accord de non-sollicitation pour rejoindre le centre de formation du SDR. »
Depuis plusieurs mois, « Nano » lui répétait que le stade de Reims allait venir le chercher pour le faire signer mais Hugo n'y prêtait pas plus attention que cela. « A Cormontreuil, il marquait beaucoup de buts sans jamais s'enflammer. Il était, par exemple, incapable de dire combien de buts il avait marqué sur un tournoi, raconte son ancien éducateur. C'était un gagneur qui ne se la racontait pas, toujours à l'écoute pour s'améliorer mais pas pour être le numéro 1. En match, s'il pouvait faire la passe face au but, il n'hésitait pas car il sait que c'est le choix le plus intelligent. »
Le Covid a failli faire capoter son prêt au Danemark
Suffisant pour que le stade de Reims vienne le faire signer ? « Il devait certainement en avoir marre que Hugo leur claque des buts à chaque fois que leurs équipes venaient jouer face à nous », rigole « Nano ». Quelques années plus tard, le voilà devenu une des pièces maîtresse du début de saison rémois. Pour ses premiers mois en L1, le bilan est limpide. 17 matches, 3 passes décisives et 8 buts, dont certains marqués face à l'Olympique de Marseille mardi soir, Lyon et Rennes.
Mais Hugo Ekitike, en serait-il là sans avoir fait ce choix atypique d'être prêté au Danemark la saison passée ? Sur le papier, l'option Vejle a de quoi étonner mais la réflexion menée par l'attaquant et son entourage a tout de logique. « Quand tu vas jouer au Danemark, tu joues des clubs comme Nordsjaelland, Midtjylland, FC Copenhague ou Brondby qui sont habitués à l'Europe, explique l'un de ses proches. Et puis il y avait la volonté de montrer qu'il était capable de se frotter à des défenseurs qui ont de gros gabarits puis de revenir et jouer en L1 contre des défenses costaudes. Ce qui n'aurait pas forcément été le cas en National. »
Avec 11 matchs, dont 7 titularisations pour 3 buts et 2 passes, l'expérience nordique se passe bien. Tout aurait pu pourtant capoter dès les premiers instants. En arrivant à l'aéroport de Copenhague en janvier dernier, avec son agent et un membre du club, Hugo Ekitike est tout proche de se faire refouler. A l'époque le pays est en plein confinement et les voyageurs arrivant de l'étranger ne sont pas admis dans le pays.
Par chance, la nouvelle recrue de Vejle tombe sur un haut gradé de l'armée originaire de la même ville et supporter du club. Permission de 48 heures est laissée au club et son agent pour l'accompagner, avant de repartir et de le laisser seul jusqu'à la fin de son prêt. « Quand il a compris ça, il a regardé son agent et lui a dit : ’'t'inquiète, je vais gérer''. Il avait 18 ans et faisait preuve d'une grande sérénité, alors qu'il arrivait dans un pays avec des restrictions sanitaires, le froid et la barrière de la langue », raconte un témoin qui décrit un garçon autonome depuis son adolescence et à contre-courant par un rapport à un milieu du football très codé. Et qui à tendance à recopier ce qui est à la mode.
« Ces dernières semaines, la série à la mode c'est Squid Game. Lui, il vient de commencer Game of Thrones après avoir fini Breaking Bad, sourit l'un de ses proches amis qui ajoute : À Noël, tu ne vas pas le voir partir à Dubaï. Il va rester en famille, passer du temps avec ses grands-parents et rester un peu seul, prendre du temps pour lui pour réfléchir, se reposer et aller au cinéma. Mais seul », détaille ce même proche.
Mécontent après son match contre le PSG à l’aller
Et sur le plan football ? L'attaquant rémois est un ambitieux qui ne se cache pas. Interrogé par Foot Mercato, fin décembre, il prenait exemple sur Kylian Mbappé « c’est ça être un joueur de haut niveau et c’est ce que j’aspire à devenir. Sur ces dernières années, c'est le joueur que je regarde le plus, qui m’inspire, et pas forcément que sur le terrain, mais aussi pour tout ce qu’il renvoie. »
L'un de ses amis le décrit comme un garçon exigeant qui ambitionne un destin parmi les étoiles du football. « Il a la mentalité d'un Kobe Bryant dans le corps d'un jeune de 19 ans. Si tu lui dis qu'il n'a que dix minutes dans un match, il ne va pas cogiter mais va prendre ça comme un challenge. »
S'il observe ce que les autres font de bien, Hugo Ekitike regarde aussi ce qu'il fait de mal sur le terrain pour ne plus jamais le reproduire. « Après son entrée contre le PSG (0-2, le 29 août), il n'était pas content car il a raté des choses qu'il ne rate pas habituellement, se remémore ce même ami. Le soir même, il a regardé à nouveau le match pour revoir ses erreurs, s'en souvenir et ne plus les reproduire. Et notamment un ballon où il fait un contrôle de la semelle devant Marquinhos. Il s'est senti bête et maintenant il ne le reproduit plus devant n'importe quel joueur de L1. »
Onze mois plus tard, le voilà Parisien. Reims et le PSG ont en effet trouvé un accord pour son transfert dans la capitale pour un montant de 28,5 millions assortis de 6,5 millions de bonus. Le garçon qui passe sa visite médicale ce vendredi va s'engager pour 5 ans avant d'être du voyage pour le Japon. Et pour de bon dans la même équipe que Marquinhos et Kylian Mbappé.


