Depuis mardi, on sait que les championnats ne reprendront pas. Le Premier Ministre Edouard Philippe a annoncé la fin de la saison 2019-2020 pour les clubs professionnels, mettant un terme aux spéculations en Ligue 1 et Ligue 2.
Le Bureau du Conseil d’Administration de la LFP se réunira ce jeudi afin d'étudier les conséquences sportives et économiques des mesures annoncées.
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Dans un entretien pour Goal, Pierre Ferracci, le président du Paris FC, parle lui de "bon sens" à propos de la décision du gouvernement. En revanche, il tire la sonnette d'alarme concernant la gouvernance de la Ligue et appelle à du changement alors que de nouvelles élections auront lieu dans les prochains mois.
En arrêtant la saison 2019-2020, le gouvernement a-t-il pris la décision la plus sage ?
Pierre Ferracci : J'estime effectivement que c'est une décision de bon sens. Depuis le début du confinement, j'avais demandé à la LFP d'étudier cette hypothèse. Il fallait étudier l'arrêt du championnat autant que sa reprise. Et j'ai toujours trouvé que ce n'était pas très sérieux de laisser cette hypothèse de côté en jouant la politique de l'autruche. Aujourd'hui, c'est le virus qui commande, les autorités sanitaires et politiques, et pas les instances sportives. Noël Le Graël l'a bien compris depuis le départ. Et je regrette qu'on ait essayé de forcer le destin... La décision prise par le Premier Ministre (Edouard Philippe) est la bonne. Je ne vois pas comment on pouvait reprendre, surtout à la lecture du protocole médical. Ce protocole était inapplicable, coûteux financièrement, et il restait dangereux pour les joueurs. À partir du moment où les conditions de reprise allaient multiplier par six les accidents musculaires, la messe était dite ! Comment pouvait-on imaginer reprendre de la sorte ? C'était hors de question pour moi. Et la responsabilité des présidents de clubs aurait été engagée, car je rappelle qu'ils sont pénalement responsables de la santé de leurs salariés, et donc de la santé des joueurs ! Pour tout ces raisons, cette décision était inéluctable, et je regrette qu'on ait perdu du temps en s'acharnant sur des scénarios qui s'avéraient impossibles à mettre en oeuvre.
Comment expliquez-vous qu'à la Ligue on se soit entêtés à ce point sur une reprise du championnat ?
Je crois que la gouvernance de la Ligue est très critiquable et que ça manque d'un gouvernail solide. Tous les intérêts corporaristes s'expriment. Ceux des clubs sont différents. Certains veulent à tout prix gagner la Ligue des champions au mois d'août. D'autres veulent être européens, monter ou ne pas descendre. Mais il faut un cap clair, et ce cap clair n'a pas existé ces derniers temps ! Il faudra tirer des enseignements de cette crise qui n'est pas terminée, et aujourd'hui je constate que la gouvernance de la Ligue est impossible. Il faut refonder une gouvernance efficace, un peu à l'image de celle de la Fédération, qui est parfois critiquée, mais où il n'y a pas tous ces intérêts contradictoires qui s'expriment, avec des décisions du conseil et du bureau qui sont bafouées, et des prises de positions de l'assemblée générale qui sont mal préparées. Il faut remettre de l'ordre là-dedans ! On a une présidente (Nathalie Boy de la Tour) et un directeur général (Didier Quillot) qui ne sont pas toujours d'accord, c'est le moins que l'on puisse dire. Ça se voit et ils le disent. À partir de là, comment voulez-vous préparer sérieusement une gestion de reprise ? Je ne dis pas que ce sera facile de trouver un compromis pour repenser la gouvernance de la Ligue, mais mettre en place un modèle avec uniquement des intérêts contradictoires n'est pas la bonne solution. Il faut repenser un autre modèle.
"Un joyeux foutoir"
Selon vous, il doit donc y avoir un avant et un après à la LFP ?
Ça me paraît évident. Des élections sont prévues en fin d'année, mais avant de se disputer les postes et les places, il faut un débat d'idées sur la refondation de la gouvernance de la Ligue. La solution, ce n'est pas juste renforcer le poids de la Ligue 1 vis-à-vis de la Ligue 2, comme certains le pensent. C'est un problème secondaire ! Il faut vraiment regarder ce qui est fait au sein de la Fédération. Je ne dis pas que c'est parfait, mais quand on observe la composition des organes dirigeants on voit bien que c'est plus efficace qu'à la Ligue. C'est bien de représenter toutes les familles et les clubs, mais il faut que les administrateurs jouent le jeu. Et certains ne le jouent pas. Ils prennent un peu trop de facilité pour s'accomoder des règles de fonctionnement d'une instance de direction. Il faut mettre les choses au point pour qu'il y ait un avant et un après.
À vous entendre, il semblerait qu'on était loin de l'union sacrée lors des diverses réunions de travail ?
Vous savez... Ceux qui appellent à l'unité et au rassemblement des forces du football sont parfois ceux qui les bafouent le plus facilement. Je pense que le problème n'est pas qu'il y ait des avis divergents à la Ligue. Il faut juste des règles collectives qui soient respectées par tous. On peut avoir des avis différents, y compris sur le fait de terminer ou non la saison, mais il doit y avoir une règle et un pouvoir qui tranche de la façon la plus équitable possible. Malheureusement, certains pensent que l'unité consiste à éviter que les avis divergents s'expriment. C'est la meilleure façon d'arriver à un joyeux foutoir, car les gens s'expriment quand même. Et en dehors d'un cadre convenu. Il faut que ça change ! On ne s'y retrouve pas à la Ligue. Il y a l'Assemblée Générale, le Conseil d'Administration et le Bureau, qui est très autonome. Il y a aussi les collèges de Ligue 1 et Ligue 2, auxquels vous ajoutez les syndicats Premier League et l'UCPF. Le problème n'est pas de rassembler tout ça dans un même sac. Il faut créer les conditions et les règles de fonctionnement qui permettent aux avis de s'exprimer de façon démocratique. Et là, vous voyez bien qu'on est défaillants... Les avis ne peuvent s'exprimer autrement que de façon un peu cavalière. D'ailleurs, moi le premier, je sors du bois parce que je vois que des choses ne sont pas prises en compte dans les instances. Les décisions ne sont pas claires. Et à partir de là, forcément, ce n'est pas satisfaisant.
Propos recueillis par Benjamin Quarez


