Saudi Pro League 2024-25 GFXGetty

La bulle de la Saudi Pro League a-t-elle déjà éclaté ? L'absence de transferts importants laisse présager des difficultés de croissance pour le projet le plus ambitieux du football mondial

L'Arabie saoudite a bouleversé le monde du football à l'été 2023. Environ 850 millions d'euros ont été dépensés pour 97 transferts. Karim Benzema, Neymar, Sadio Mané, Riyad Mahrez et d'autres joueurs de premier plan suivant les traces de Cristiano Ronaldo, qui avait rejoint Al-Nassr au cours du mercato précédent.

Comme l'a souligné Pep Guardiola, l'entraîneur de Manchester City, "la Pro League saoudienne a changé le marché des transferts. Il y a quelques mois, lorsque Cristiano était le seul à partir, personne n'aurait pu imaginer le nombre de joueurs de haut niveau qui iraient jouer là-bas. Je pense que dans un avenir proche, cela se produira de plus en plus."

Toutefois, si quelques arrivées notables ont eu lieu depuis l'ouverture du mercato estival le mois dernier, les clubs de Pro League n'ont pas été aussi actifs que l'année dernière. La bulle saoudienne a-t-elle déjà éclaté ? La SPL est-elle sur le point de subir un effondrement semblable à celui de la Chinese Super League ? Ou pouvons-nous nous attendre à d'autres recrutements de superstars dans les semaines à venir ?

  • Mohamed Salah Liverpool 2024-25Getty Images

    Salah n'a pas bougé

    Le directeur du football de la Pro League, Michael Emenalo, a admis en mai que Mohamed Salah et Kevin De Bruyne étaient les "types de joueurs" que la ligue ciblerait cet été. "L'ancien directeur technique de Chelsea a déclaré au Telegraph : "S'il y a une opportunité de dépenser beaucoup pour quelqu'un dont nous pensons qu'il apportera exactement ce dont nous avons besoin, alors nous le ferons."

    Cependant, Salah a décidé de manière quelque peu surprenante de rester à Liverpool, et l'on pense que l'ailier égyptien, qu'Al-Ittihad a tenté de recruter en septembre dernier pour 170 millions d'euros, finira par prolonger un contrat qui expire à la fin de la saison.

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  • 20240723 Guardiola de Bruyne(C)Getty Images

    Pas de deal pour De Bruyne

    Quant à De Bruyne, le joueur belge de 33 ans n'a pas caché son intérêt pour un transfert lucratif en Arabie saoudite. "À mon âge, il faut être ouvert à tout", a-t-il expliqué à HLN. "On parle de sommes d'argent incroyables pour ce qui pourrait être la fin de ma carrière. Il faut parfois y penser."

    "Si je joue là-bas pendant deux ans, je pourrai gagner une somme d'argent incroyable. Avant cela, j'ai dû jouer au football pendant 15 ans. Je n'atteindrai peut-être pas de nouveau cette somme", a-t-il poursuivi.

    "Ensuite, il faut penser à ce que cela pourrait signifier par la suite. Il me reste encore un an de contrat, alors je dois penser à ce qui pourrait arriver. Mon fils aîné a maintenant huit ans et ne connaît que l'Angleterre. Il me demande aussi combien de temps je vais jouer pour City. Une fois que le moment sera venu, nous devrons le gérer d'une certaine manière".

    Toutefois, il semble désormais très improbable que City laisse partir De Bruyne avant la fin du mercato. Guardiola ayant clairement indiqué qu'il souhaitait conserver son joueur le plus créatif.

  • Richarlison(C)Getty Images

    Le refus de Richarlison

    Al-Nassr a également échoué dans sa tentative de recruter Ederson de City, malgré l'intérêt déclaré du gardien brésilien pour un transfert lucratif au Moyen-Orient après avoir déjà gagné pratiquement tout ce qu'il y a à gagner en Europe. Richarlison, son compatriote, n'était, lui, pas très enthousiaste à l'idée de rallier le Golfe.

    Même si son club actuel, les Spurs, est sur le point de recruter Dominic Solanke en provenance de Bournemouth, ce qui réduira probablement le temps de jeu aux avant-postes, Richarlison a rejeté la possibilité de rejoindre une équipe saoudienne anonyme en début de semaine.

    "Il y a eu une offre, mais mon rêve de jouer pour la Selecao et jouer en Premier League ça me parle plus", a-t-il déclaré à ESPN Brasil.

    Le refus de Richarlison rappelle les difficultés qu'éprouve encore la Pro League à attirer des joueurs qui sont au sommet de leur forme ou qui s'en approchent. Même un joueur comme Romelu Lukaku, qui a 31 ans et qui a parlé positivement du championnat d'Arabie saoudite par le passé, attend toujours de retrouver Antonio Conte à Naples plutôt que d'accepter une offre d'une équipe du Moyen-Orient. Car il pense qu'il a encore beaucoup à offrir - et sans doute à prouver - au plus haut niveau.

  • Moussa Diaby Al-Ittihad 2024-25Getty

    La moyenne d'age des recrues a baissé

    En ce sens, il n'est pas surprenant que la Pro League continue d'attirer des stars vieillissantes comme Pierre-Emerick Aubameyang, qui sort d'une brillante saison à Marseille, et l'ancien défenseur du Real Madrid Nacho Fernandez.

    Emenalo est parfaitement conscient que l'Arabie saoudite est une destination attrayante pour les vétérans qui cherchent à "prolonger leur carrière" et le retour de N'Golo Kante en équipe de France à temps pour l'Euro 2024 a dû interpeller plus d'un, car cela suggère que des joueurs auparavant sujets aux blessures pourraient tirer profit d'un championnat moins exigeant sur le plan physique.

    Toutefois, d'autres recrues plus importantes qu'Aubameyang et Nacho ont été enrolées ces dernières semaines. En effet, les deux joueurs ont rejoint le club nouvellement promu d'Al-Qadsiah, soutenu par la compagnie pétrolière nationale Saudi Aramco, et ont également recruté Ezequiel Fernandez (22 ans) et Julian Quinones (27 ans), respectivement en provenance de Boca Juniors et de l'América.

    Par ailleurs, après avoir échoué à recruter Ederson et Wojciech Szczesny (Juventus), Al-Nassr s'est attaché les services de Bento, le gardien de but brésilien de 25 ans. En outre, l'Al-Ittihad de Benzema a clairement montré son intention d'effacer la piètre défense du titre de l'année dernière en déboursant 60 millions d'euros pour l'ailier d'Aston Villa Moussa Diaby (25 ans) et 12 millions d'euros supplémentaires pour le milieu de terrain algérien Houssem Auoar (26 ans).

    Ces accords sont représentatifs de la volonté de la Pro League non seulement d'améliorer la qualité, mais aussi d'abaisser l'âge moyen des recrues étrangères. L'accent étant désormais mis sur les jeunes joueurs dans toute la ligue.

  • Neymar Al-Hilal Saudi Pro League 2023-24Getty

    Heureux de ce dont ils disposent ?

    Bien entendu, l'absence d'un vrai recrutement à gros coups de millions a inévitablement attiré l'attention, en particulier en Europe. Al-Ittihad a peut-être été très actif, mais si l'on regarde les trois autres membres du quatuor de tête de la Pro League, qui appartiennent tous au Fonds d'investissement public (PIF), Bento reste la seule acquisition d'Al-Nassr, tandis que ni Al-Ahli ni Al-Hilal, le champion en titre, n'ont réalisé le moindre transfert.

    Il serait surprenant que ce soit encore le cas à la fin du mercato européen. On s'attend à un regain d'activité dans les jours et les semaines à venir, l'été ayant été relativement calme jusqu'à présent en raison de la tenue de l'Euro et de la Copa América jusqu'à la mi-juillet. Un mouvement important pourrait facilement déclencher une cascade de transferts.

    Toutefois, Emenalo a toujours dit que le marché saoudien ralentirait après les folies de l'été dernier. Le plan a toujours été de s'annoncer comme une force majeure, de "rivaliser agressivement" pour les meilleurs joueurs, puis de "leur laisser le temps de s'adapter et d'être performants".

    C'est pour cette raison qu'Al-Hilal, par exemple, ne prévoit pas de transactions massives, car il considère Neymar, qui a manqué la quasi-totalité de la saison dernière en raison d'une blessure, comme une nouvelle recrue dans une équipe qui a remporté le championnat sans la moindre défaite.

    Tout le monde s'accorde à dire que la plupart des équipes de la Pro League disposent déjà d'un effectif de qualité suffisante pour disputer la Ligue des champions de l'AFC et, dans le cas d'Al-Hilal, la Coupe du monde des clubs de la FIFA 2025 élargie.

  • Michael Emenalo 2024SVT

    "Concourir avec et contre les meilleurs"

    Il serait également naïf de penser que l'Arabie saoudite s'est soudainement désintéressée de la transformation de la Pro League en l'une des meilleures ligues du monde, ou que le PIF n'a plus les moyens de faire de ce rêve une réalité.

    Le football est la pierre angulaire d'un projet multisports parrainé par l'État, qui vise à modifier complètement la façon dont le royaume est perçu dans le monde entier. Ce processus est déjà en cours depuis un certain temps et aboutira à ce que le gouvernement espère être une organisation à la fois spectaculaire et réussie de la Coupe du monde 2034 pour l'Arabie saoudite.

    Un championnat national florissant est considéré comme essentiel à cet égard, c'est pourquoi l'attention s'est quelque peu détournée des recrutements incessants de superstars pour se porter sur l'amélioration et le développement des talents locaux. Par conséquent, si les transactions impliquant des joueurs étrangers ont été moins nombreuses en Pro League cet été, il y a eu énormément d'échanges internes.

    Emenalo a pour objectif d'améliorer la gouvernance, les relations publiques, le marketing, les infrastructures, les stades, les terrains d'entraînement et les académies.

    "Nous devons élever le niveau de formation et de développement des jeunes joueurs", a-t-il déclaré lors d'une séance de questions-réponses avec le site officiel de la ligue. "Je veux m'assurer que, sur le plan professionnel, nous sommes en concurrence avec les meilleurs."

    Il y a donc peu de chances que la Pro League suive le même chemin que son homologue chinoise. La ligue a plusieurs obstacles importants à surmonter, dont le principal est de contenter les stars existantes tout en encourageant d'autres à les rejoindre. La décision de Jordan Henderson de quitter Al-Ettifaq après seulement six mois n'a certainement pas contribué à améliorer l'image de la SPL dans les cercles européens, tandis qu'Aymeric Laporte a été cité comme possible transfuge de la Liga après ses exploits lors de l'Euro 2024.

    Cependant, Emenalo reste persuadé que la SPL peut devenir la "top championnat" du football. Ce n'est pas comme si le PIF manquait d'argent ou d'ambition, comme en témoignent ses tentatives pour s'emparer du golf, de la boxe et de divers autres sports.

    Cependant, après avoir attiré l'attention du monde du football l'été dernier, le défi consiste maintenant à s'y tenir. Reste à savoir si cela est possible sans un apport constant de joueurs de haut niveau, mais l'Arabie saoudite ne lésinera pas sur les moyens pour le découvrir.

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