Jude Bellingham est à un match du Ballon d'Or mais Rodri pourrait l'en priver s'il triomphe avec l'Espagne

Alors que la Roja est menée au score et qu'elle semble déstabilisée pour la première fois de la compétition, le milieu de terrain s'arrête quelques secondes avec le ballon dans ses pieds. Le match ne se déroulait pas comme prévu, Rodri a donc appuyé sur le bouton "reset".

"À ce moment-là, j'ai pensé que c'était ce que je devais faire", a-t-il déclaré. "C'était un peu fou, 10 minutes pendant lesquelles nous avons perdu le contrôle." Grâce à Rodri, les Espagnols ont repris le contrôle.

Tout d'abord, il a permis à l'Espagne d'égaliser juste avant la pause. Il a ensuite été l'homme le plus en vue de la seconde période, celle qui a permis à l'équipe de Luis de la Fuente de tout renverser et remporter une victoire facile (4-1).

Ce match résume bien le nouveau Rodri, amélioré et en constante évolution. Ce milieu de terrain défensif comme on n'en voit plus et qui a ajouté des buts à son jeu au cours des deux dernières années. Ce qui signifie qu'il n'y a pas de joueur plus complet dans le jeu aujourd'hui.

Pour cette seule raison, il mérite le Ballon d'Or. Mais cela ne veut pas dire qu'il l'obtiendra.

Rodri comprend le fonctionnement du football en dehors du terrain, mais aussi sur le terrain. Rappelez-vous, il a marqué le but victorieux lors de la finale de la Ligue des champions 2023 avant d'être nommé joueur du tournoi après la campagne triomphale de l'Espagne en Ligue des nations. Malgré ces accomplissements, il n'a réussi à terminer que cinquième dans le vote du Ballon d'Or, derrière Lionel Messi, Erling Haaland, Kylian Mbappé et Kevin De Bruyne.

Il s'est humblement consolé en se classant "premier sur la liste des mortels" et a salué Messi comme un vainqueur "méritant" en raison des exploits de l'Argentin lors de la Coupe du monde de l'année précédente. Il est tout de même stupéfiant que le meilleur joueur de Manchester City lors de son triplé se soit classé derrière deux de ses coéquipiers.

Rodri savait pourquoi.

Le Ballon d'Or est presque toujours remporté par des buteurs. Aucun défenseur n'a soulevé le trophée depuis Fabio Cannavaro en 2006, tandis que Lev Yashin est le seul gardien de but à avoir jamais occupé la première place, et ce en 1963. Rodri n'a donc pas été surpris de ne pas être monté sur le podium l'année dernière.

"C'est normal", soulignait-il l'an dernier. "Je comprends très bien comment fonctionnent ces récompenses individuelles. Elles sont basées sur le marketing, l'argent et la publicité. Il y a déjà eu des milieux de terrain espagnols qui n'ont pas eu ce qu'ils méritaient".

Ce n'est pas faux. Xavi, Andres Iniesta et Sergio Busquets sont considérés à juste titre comme trois des meilleurs milieux de terrain de tous les temps. Ils ont gagné tout ce qu'il y avait à gagner avec les équipes de Barcelone et d'Espagne de l'époque, et ont véritablement changé le jeu.

Pourtant, aucun d'entre eux n'a jamais décroché le Ballon d'Or, et Busquets, le joueur auquel Rodri est si souvent comparé, ne s'en est jamais approché.

De toute évidence, le magnifique trio de milieu de terrain du Barça a eu la malchance d'avoir Messi comme coéquipier. Avec Cristiano Ronaldo, le Ballon d'Or est devenu un duopole pendant une décennie. Ils ont atteint un niveau d'excellence sans doute jamais vu auparavant, mais il est indéniable que des lauréats méritants ont été oubliés pendant l'ère Messi-Ronaldo (Wesley Sneijder et Franck Ribéry viennent immédiatement à l'esprit), ce qui a donné lieu à des allégations selon lesquelles le vote est devenu un concours de popularité, facilement manipulé par des parties ayant un intérêt direct dans le résultat.

Pascal Ferre, ancien directeur de France Football, a même admis à EFE en octobre 2022 qu'"il y a des machines comme le Real Madrid qui sont très fortes. Leur intelligence, c'est qu'elles soutiennent un seul joueur. " Pendant des années, c'était Cristiano Ronaldo, puis Karim Benzema. Cela permet d'éviter la dispersion des votes.

"Ils savent donc comment cela fonctionne. Ce n'est pas une coïncidence si c'est le club qui a gagné le plus souvent. (Le président de Madrid) Florentino Perez orchestre bien les campagnes".

Jude Bellingham et Vinicius Jr sont considérés comme les deux principaux prétendants au Ballon d'Or de cette année. Le premier a joué un rôle essentiel dans le triomphe de Madrid en Liga, tandis que le second s'est montré décisif dans la dernière ligne droite de la Ligue des champions.

Toutefois, le Brésil de Vinicius ayant subi une élimination précoce et embarrassante de la Copa América, tout le monde s'accorde à dire que Bellingham n'est plus qu'à un match du Ballon d'Or. Il est peut-être un peu rentré dans le rang lors des derniers matches de la saison du Real, et ses performances en Allemagne ont été globalement médiocres, si on occulte les buts cruciaux qu'il a mis, mais le simple fait de participer au potentiel triomphe de l'Angleterre sur l'Espagne dimanche devrait sceller le destin de ce joueur de 21 ans.

La consécration n'est cependant pas acquise d'avance.

L'Espagne est de loin la meilleure équipe de l'Euro, et Rodri en est l'une des principales raisons. Alors que Bellingham a peiné face à des adversaires de faible niveau, Rodri a brillé face à des rivaux de classe mondiale. Une telle qualité et une telle constance devraient être récompensées.

Bien sûr, Rodri étant Rodri, il insiste sur le fait qu'il n'est pas trop intéressé par les récompenses individuelles. Pour lui, ce qui compte, c'est de remporter des trophées collectifs. Mais il convient de noter qu'il a admis qu'il apprécierait une reconnaissance tardive du Ballon d'Or.

"Je sais que les milieux de terrain légendaires ne l'ont jamais obtenu, mais j'aimerais qu'un milieu défensif comme moi le gagne", a-t-il déclaré à France Football. "Cela signifierait beaucoup, à la fois pour celui qui le reçoit et pour les jeunes joueurs qui veulent jouer à ce poste, afin qu'ils sachent qu'ils ont le droit d'être reconnus, même s'ils ne marquent pas de buts ou qu'ils ne sont pas particulièrement brillants dans leur jeu.

Rodri sait bien que les choses ne se passent pas toujours ainsi. Le Ballon d'Or est presque toujours attribué aux buteurs. Mais il est également conscient qu'un nouveau coup d'éclat du milieu de terrain pourrait changer la donne aux yeux des médias.

Les supporters sont peut-être compliqués à cerner, mais les électeurs le sont tout autant. Bellingham n'est probablement qu'à un match du Ballon d'Or, mais si Rodri réussit lui aussi ce match, la récompense individuelle suprême pourrait - et même devrait - finir dans les mains du meilleur joueur de l'équipe.