Gerrard gangster terror GFXGetty/GOAL

"Je vais te tirer dans les jambes" : Quand la mafia de Liverpool terrorisait le jeune Steven Gerrard

Dès ses 14 ans, Steven Heighway, légende de l'académie de Liverpool, savait que le gamin allait percer. Steven Gerrard, lui, en était moins sûr. Lors de son échauffement avant ses débuts en novembre 1998, il croyait entendre le Kop murmurer : « C'est qui ce petit con tout maigre ? ». Une semaine plus tard, titulaire face à Tottenham, il se sentait noyé face à David Ginola. Pourtant, l'adaptation fut express. Élu Jeune Joueur de l'année en 2001, Gerrard devenait incontournable.

Ce que personne ne savait alors, c'est que cette ascension se faisait dans un climat de terreur absolue. En plus de ses problèmes de dos et de croissance, le futur capitaine des Reds vivait l'enfer en dehors des terrains, traqué par un criminel bien décidé à exploiter sa réussite naissante.

  • La lettre du père et la terreur de "The Psycho"

    L'affaire éclate au grand jour en 2008, lors du procès de John Kinsella, un homme accusé d'avoir braqué un dépôt de marchandises. Pour sa défense, son avocat produit une lettre inattendue, signée Paul Gerrard, le père du joueur. Authentifiée par la police, elle révèle l'impensable : « En 2001, mon fils Steven était terrorisé par un gangster notoire de Liverpool connu sous le nom de "The Psycho" (George Bromley Junior). Il menaçait de mutiler mon fils en lui tirant dans les jambes. »

    Bromley Junior exigeait de l'argent, beaucoup d'argent. Malgré l'aide du club et une protection policière renforcée, le harcèlement était incessant. « Cela durait depuis longtemps », écrit Paul Gerrard. Steven était pris en chasse en voiture à la sortie de l'entraînement, son véhicule avait été saccagé. « C'était l'un des pires moments de notre vie, nous étions à bout », confesse le père. La carrière du prodige vacillait sous la menace.

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  • England Press ConferGetty Images Sport

    Le pacte avec le "fixer"

    Face à l'impuissance des autorités, la famille Gerrard se tourne vers une solution radicale : John Kinsella. Figure respectée (et crainte) du milieu de Liverpool, déjà condamné pour braquage, cet expert en arts martiaux promet de « résoudre le cauchemar ».

    Lors de son procès, Kinsella racontera avec flegme son intervention : « George Bromley Jr était un jeune homme, mais très violent. J'ai pris des mesures. Je lui ai parlé. Je lui ai dit d'arrêter et de laisser Steven tranquille. Après lui avoir parlé, il a suivi mon conseil. » L'effet fut immédiat. « Nous n'avons plus jamais eu de problèmes », confirmera Paul Gerrard, ajoutant que lui et son fils avaient « un respect total pour John ».

  • Liverpool's England's captain and midfieAFP

    Destins croisés : la gloire et la chute

    L'histoire de ces hommes prendra ensuite des chemins radicalement opposés. Steven Gerrard deviendra la légende que l'on connaît, soulevant la Ligue des champions en 2005 et accumulant 710 matchs pour son club de cœur. Il ne parlera jamais publiquement de cette terreur, pas même dans ses autobiographies, préférant laisser ce chapitre sombre derrière lui.

    Pour ses "protagonistes" de l'ombre, la fin fut plus tragique. John Kinsella, malgré le témoignage de Paul Gerrard, sera condamné pour le braquage de 2006. En cavale, arrêté à Amsterdam, il purgera sa peine avant d'être assassiné en 2018, abattu alors qu'il promenait son chien.

    Quant à "The Psycho", George Bromley Junior, il finira lui aussi derrière les barreaux pour une agression barbare (jambe brisée à la masse, brûlures au fer à repasser). Il fera parler de lui en 2013 pour une évasion spectaculaire de prison, prétextant être... harcelé par d'autres détenus. Une ironie mordante pour celui qui avait fait trembler le futur capitaine de l'Angleterre.

    En 2001, Steven Gerrard a failli tout perdre. Grâce à l'intervention d'un homme qui finira sa vie sous les balles, il a pu continuer à courir. Et l'histoire du football s'en est trouvée changée.