Thomas Tuchel England GFXGetty/GOAL

Écarter les stars, bousculer les cadres : la révolution Tuchel qui transforme l'Angleterre

La véritable identité de l'Angleterre de Tuchel a commencé à se dessiner lors des trois derniers matchs : une Serbie écrasée 5-0, un pays de Galles balayé en début de rencontre et une Lettonie pulvérisée pour officialiser la qualification.

Si le technicien allemand sera jugé sur son parcours au Mondial, ses Three Lions ont déjà des allures d'équipe capable d'aller loin. Surtout, Tuchel a abordé sa mission avec une approche radicalement différente de ses prédécesseurs. Des décisions parfois impopulaires, mais qui pourraient bien être la clé pour briser la malédiction qui poursuit l'Angleterre depuis 1966.

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    « Les équipes gagnent des trophées » : le collectif avant tout

    Dès sa première liste en mars, Tuchel avait fait froncer bien des sourcils : retour de Jordan Henderson, nouvelle chance pour Marcus Rashford, première convocation à 32 ans pour Dan Burn... Rétrospectivement, cette liste semble presque consensuelle comparée à la dernière.

    Pour les matchs d'octobre, Jude Bellingham, Phil Foden et Jack Grealish, trois stars de l'équipe, ont été laissés de côté malgré leur excellente forme en club. Une décision choc, mais assumée : Tuchel a préféré récompenser le groupe qui venait de livrer le match le plus abouti de son mandat contre la Serbie.

    Face à la stupeur générale, sa justification fut aussi simple que puissante : « Nous essayons de construire une équipe. Les équipes gagnent des trophées, personne d'autre. » Un discours validé par les joueurs, comme l'ailier Anthony Gordon. « L'engagement, l'attitude, l'ambiance... tout le monde donne tout. On se bat les uns pour les autres, ce qui n'est pas toujours facile en sélection. Le coach et son staff ont vraiment mis l'accent sur cette cohésion, et ça paie. »

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  • Jude Bellingham England 2025Getty

    Pas une collection de talents, mais une vraie équipe

    Quand un journaliste a qualifié sa démarche de « radicale », Tuchel a offert la réplique parfaite. « La décision radicale, c'est de ne pas collectionner les joueurs les plus talentueux. Nous rassemblons les gars qui ont le liant et la cohésion pour former la meilleure équipe. Nous arriverons en outsiders à la Coupe du Monde, car nous n'avons rien gagné depuis des décennies. Si nous n'arrivons pas en tant qu'équipe, nous n'aurons aucune chance. »

    Pour illustrer son propos, l'Allemand s'est inspiré de l'une des plus grandes dynasties du sport moderne, les New England Patriots en football américain, mais aussi d'un échec bien plus proche : la fameuse « Génération dorée » anglaise des Beckham, Rooney, Lampard, Gerrard et Terry. Le timing était parfait, Steven Gerrard venant tout juste de livrer des confessions explosives sur son expérience en sélection.

  • Steven Gerrard EnglandGetty

    Tirer les leçons des échecs passés

    Dans un podcast, l'ancienne légende de Liverpool a révélé avoir « détesté » son passage chez les Three Lions, avouant passer le plus clair de son temps seul dans sa chambre, déprimé et déconnecté du reste du groupe.

    « J'avais l'impression de ne pas faire partie d'une équipe, a-t-il expliqué. Je pense que nous étions tous des perdants égoïstes. Pourquoi n'arrivions-nous pas à créer du lien ? C'était culturel. Nous n'étions pas une équipe, jamais. »

    Pour Tuchel, ces mots étaient un cadeau. « Quand j'entends les gens parler de leurs échecs internationaux, j'entends toujours la même chanson : "nous étions une équipe" ou "nous n'en étions pas une". C'est toujours la même histoire. Quand vous vivez ensemble 24h/24 pendant neuf jours, puis le plus longtemps possible en tournoi, vous devez être un groupe solide. »

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  • England v Wales - International FriendlyGetty Images Sport

    La rupture avec la méthode Southgate

    Gareth Southgate avait réussi à rendre l'expérience en sélection à nouveau agréable. Mais sur la fin de son mandat, il est retombé dans les mêmes travers que ses prédécesseurs, Sven-Göran Eriksson et Fabio Capello. Eux s'obstinaient à aligner Gerrard et Lampard, deux profils trop similaires. Southgate, lui, a insisté pour titulariser Bellingham et Foden à chaque match de l'Euro 2024 et a maintenu sa confiance à un Harry Kane visiblement diminué physiquement. Résultat : une finale atteinte, mais une équipe rarement cohérente et souvent sauvée par des exploits individuels.

    Tuchel ramènera peut-être Foden ou Bellingham pour le Mondial. Peu importe. Il a déjà envoyé un message clair : personne n'est intouchable. Il a tracé une ligne, montrant qu'il n'avait pas peur d'écarter qui que ce soit.

  • Jordan Henderson Harry KaneGetty

    L'expérience et les précédents internationaux

    L'histoire a souvent donné raison à ceux qui osent. La France a gagné la Coupe du Monde 2018 sans Karim Benzema, avant d'atteindre la finale en 2022 alors qu'il était blessé. L'âge d'or de l'Espagne a débuté après que Luis Aragonés a eu le courage d'écarter l'icône Raúl.

    À l'inverse, la loyauté excessive peut être fatale. Le déclin de cette même Espagne a coïncidé avec la fidélité aveugle de Vicente del Bosque à ses héros vieillissants à l'Euro 2016. Tuchel, lui, a compris l'importance de l'expérience, comme en témoigne le rappel de Jordan Henderson (35 ans). L'Argentine championne du monde en 2022 comptait dix trentenaires dans son effectif.

  • England v Andorra - FIFA World Cup 2026 QualifierGetty Images Sport

    Un électrochoc permanent

    La révolution Tuchel ne se limite pas aux listes. Il se montre constamment exigeant. Après un but sublime de Bukayo Saka contre le pays de Galles, il ne l'a pas félicité, mais l'a mis au défi. « Ça doit être plus, 13 buts ce n'est pas assez, a-t-il lancé. Je n'aurais même pas été satisfait avec 30. Il est une menace permanente avec Arsenal, pourquoi ne le serait-il pas au niveau international ? »

    Après cette même victoire, il a égratigné l'ambiance de Wembley. Un geste audacieux, mais qui a trouvé un écho positif auprès de nombreux supporters. Difficile d'imaginer Southgate s'en prendre aux fans ou à un joueur après une victoire. Mais l'Angleterre a trop longtemps ronronné dans un confort stérile. Des décennies de prudence et de passe-droits pour les stars n'ont mené à rien. Avec son regard neuf, Tuchel a secoué tout le système anglais et exigé un nouveau cap. Cela ne peut que leur être bénéfique l'été prochain.

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