Avec Leny Yoro, Manchester United montre qu'il a enfin retenu les leçons de ses erreurs du mercato passé

La signature par United de Yoro (18 ans) représente une énorme rupture avec l'ancienne politique de transfert, tout en offrant un réel optimisme quant à la direction prise par le club sous l'égide des nouveaux propriétaires minoritaires INEOS et du directeur sportif Dan Ashworth.

Son prédécesseur, John Murtough, avait tendance à privilégier l'expérience au détriment du potentiel, payant des sommes colossales pour des joueurs qui avaient déjà fait leurs preuves, parfois plusieurs années auparavant. Raphaël Varane, qui a signé le même été que le Portugais, avait remporté plusieurs trophées avec le Real Madrid et la Coupe du monde avec la France, mais lorsqu'il est arrivé à Old Trafford, pour 55 millions d'euros, plus 20 millions par an en salaire, il était sur le déclin et de plus en plus vulnérable aux blessures.

Varane n'a pu débuter que 58 des 114 matches de Premier League disputés par United au cours de ses trois années de présence, subissant un total de 16 périodes d'absence. Les Red Devils ont donc décidé de ne pas activer la prolongation d'un an de son contrat et il est parti sans aucune indemnité.

Casemiro, cependant, est probablement le meilleur exemple (ou le pire, c'est selon) de la politique de transfert de Murtough, coûtant au club jusqu'à 80 millions d'euros en frais de transfert, plus 20 millions d'euros par an en salaires, sur un contrat de quatre ans. Cela représente 160 millions pour un joueur que Jamie Carragher a supplié de quitter la saison dernière afin d'éviter que sa réputation ne se détériore davantage. La trêve estivale du Brésilien ne semble pas lui avoir fait beaucoup de bien et il s'est mal comporté lors des deux matches amicaux de pré-saison disputés par United jusqu'à présent.

La signature de grands noms qui ont dépassé leur âge et qui n'ont pas de valeur de revente est cependant antérieure à Murtough. On peut citer les Edinson Cavani, de Zlatan Ibrahimovic, de Bastian Schweinsteiger, de Radamel Falcao et de bien d'autres encore.

La signature de Yoro, qui a été ciblé par le Paris Saint-Germain, Chelsea et le Real Madrid avant d'opter pour Manchester, marque la fin de l'idée selon laquelle United, d'après les termes d'un agent, serait « la poubelle des joueurs dont aucun club ne veulent ».

Alors que Casemiro, Varane, Ronaldo et Cavani avaient atteint le sommet et étaient sur le point de redescendre, Yoro, lui, est en pleine ascension. Le fait que le Real Madrid ait été le plus grand rival de United pour le recruter est un signe évident.

Grâce au travail du recruteur en chef Juni Calafat, les Madrilènes sont devenus les rois de la signature de jeunes joueurs émergents au cours de la dernière décennie, s'emparant de Vinicius Jr, Rodrygo, Federico Valverde, Endrick et Eduardo Camavinga alors qu'ils étaient encore de simples espoirs.

Les Madrilènes étaient très enthousiastes à l'idée de faire de Yoro leur quatrième défenseur central après s'être séparés de Nacho et Rafa Marin cet été, et ils ont discuté avec l'agent de Yoro, Jorge Mendes. Selon The Athletic, « tous les signes pointaient vers Santiago Bernabeu ». Mais les Merengue n'étaient pas disposés à faire une offre supérieure à 30 millions d'euros. Yoro ayant été sur le point d'entrer dans la dernière année de son contrat à Lille.

Les Madrilènes espéraient que Yoro serait tellement déterminé à rejoindre la capitale espagnole qu'il serait prêt à les attendre, mais United a fait une offre que Lille ne pouvait pas refuser, et elle a été rapidement acceptée par le joueur, qui est devenu la deuxième recrue de l'été du club après Joshua Zirkzee.

L'indemnité de transfert de 62 millions d'euros de Yoro a fait froncer les sourcils de certains observateurs, étant donné qu'il n'a que 18 ans, qu'il n'est pas encore international et qu'il n'a joué qu'une saison complète dans l'un des meilleurs championnats d'Europe. Mais il fallait une offre importante pour l'inciter à rejoindre United plutôt que Madrid et compenser l'absence de Ligue des champions à Old Trafford.

Et cette offre pourrait bien s'avérer payante. L'ancien entraîneur de Yoro à Lille, Paulo Fonseca, a prédit qu'il deviendrait « l'un des meilleurs défenseurs centraux de France et probablement d'Europe ». Il a également fait l'éloge de ses capacités techniques et de sa maturité, qui, selon lui, « n'est pas normale pour un jeune de 18 ans ».

Les supporters de United ont eu un premier aperçu de ses capacités lors de ses débuts contre les Rangers samedi dernier. Yoro s'est montré très à son avantage pendant les 45 minutes qu'il a passées sur le terrain, montrant sa palette de passes ainsi que sa vitesse de récupération et sa force. Erik ten Hag a été impressionné, louant le défenseur pour sa « performance très mature ».

Il a ajouté : "C'est ce que nous avons vu lorsque nous l'avons repéré. C'est formidable de l'avoir. C'est un défenseur central très jeune et très talentueux. Il est ici, nous pensons qu'il peut jouer, mais il y a tellement de matches qu'il sera dans un groupe de quatre ou cinq défenseurs."

Yoro est l'un des six défenseurs centraux de l'équipe de United à l'heure actuelle, même si Will Fish, qui a également impressionné contre les Rangers et a passé les deux dernières saisons en prêt à Hibernian, ne sera probablement plus à Old Trafford d'ici la fin de l'été. D'autres changements pourraient intervenir avant la fermeture de la fenêtre de transfert.

Même après l'acquisition de Yoro, United reste intéressé par Matthijs de Ligt et Jarrad Branthwaite. Les limites budgétaires sont un obstacle important pour les deux joueurs, même si De Ligt semble plus accessible, puisque le Bayern Munich ne demanderait que 45 millions d'euros pour le Néerlandais, contre 80 millions d'euros qu'Everton réclame pour laisser partir Branthwaite. Un accord pour l'un ou l'autre joueur dépendra probablement de la capacité de United à vendre Victor Lindelof ou Harry Maguire.

Contre les Rangers, Yoro était associé à Jonny Evans, qui a presque le double de son âge (36 ans). Evans a fait un retour surprise au club l'été dernier et a dépassé les attentes, mais il devrait être utilisé avec plus de parcimonie la saison prochaine, le club apprenant à mieux gérer les niveaux de forme des joueurs.

Lisandro Martinez, qui a été absent pendant la majeure partie de la saison dernière en raison d'une blessure, sera l'arrière central de premier choix. Il a montré à United ce qui lui manquait en réalisant une performance exceptionnelle lors de la victoire en finale de la FA Cup contre Manchester City et a joué un rôle crucial dans le triomphe de l'Argentine à la Copa América.

Malgré son jeune âge et son manque d'expérience, Yoro a toutes les chances de prendre une place au côté de Martinez. Pour l'instant, ses principaux concurrents sont Maguire puis Lindelof, qui ont tous deux des doutes sur leur avenir à United alors qu'ils entrent dans l'ultime année de leur contrat.

United a activé la prolongation d'un an du contrat de Lindelof, en partie dans le but de le vendre, et pourrait faire de même avec Maguire pour le garder jusqu'en 2026. Maguire était sur le point de quitter United l'été dernier lorsque le club a accepté une offre de West Ham, mais il a refusé de partir si son contrat n'était pas payé.

Il a fini par signer un rebond impressionnant et a, pendant un certain temps, récupéré la place de Varane dans l'équipe. Malheureusement, sa progression est freinée par des blessures : il manque six semaines entre décembre et février, le dernier mois de la saison et le Championnat d'Europe.

Yoro, en revanche, s'est montré remarquablement robuste à Lille, où il a débuté 32 des 34 matches de Ligue 1 la saison dernière. Il pourrait donc s'imposer comme le principal partenaire de Martinez en raison d'une meilleure forme physique que ses coéquipiers.

Ten Hag doit toutefois veiller à ne pas faire peser trop de responsabilités sur les jeunes épaules de Yoro et à l'utiliser intelligemment. Le Néerlandais est connu pour sa réticence à faire tourner les joueurs, même dans les compétitions dites mineures, et United participera cette saison à la Ligue Europa élargie.

La soif de gagner de Ten Hag lui a permis de remporter deux trophées consécutifs avec le club après sept ans de disette, mais elle a également entraîné une surcharge de l'équipe, qui a subi le plus grand nombre de blessures de tous les clubs de l'élite anglaise la saison dernière.

Malgré son potentiel, Yoro ne peut être considéré comme une solution unique aux problèmes défensifs de United, qui ont conduit à la pire saison de leur histoire en Premier League. Les Red Devils ont encaissé 58 buts en championnat, ont concédé le deuxième plus grand nombre de tirs et ont eu le deuxième pire bilan défensif en Ligue des champions.

Au lieu de cela, United doit poursuivre son bon travail sur le marché des transferts et faire en sorte que les recrutements ambitieux et audacieux comme celui de Yoro deviennent la norme plutôt que l'exception.

Ten Hag a salué le travail de ses collègues du recrutement après le match contre les Rangers et a semblé laisser entendre qu'il n'avait pas été satisfait les deux années précédentes, en signant Casemiro et Antony à la fin du mercato 2022 et en concluant des prêts pour Sofyan Amrabat et Sergio Reguilon le jour de la deadline l'année dernière.

Il a déclaré : « Les dirigeants du football sont très attentifs à l'évolution de la situation. Ils sont très actifs. C'est ce que des clubs comme Manchester United devraient faire. Nous sommes très heureux d'avoir fait des affaires - nous avons Yoro, nous avons Zirkzee - deux atouts à fort potentiel pour l'avenir ».

Manchester United se tourne enfin vers l'avenir plutôt que vers le passé. La signature de Yoro pourrait être la première brique d'un effectif construit pour durer et faire du club une véritable force, au lieu d'être la « poubelle » des autres grands clubs.