Les supporters de Leicester ont déjà connu ça. Ils connaissent ce sentiment de voir les choses s'accorder pile au bon moment, d'observer leur équipe performer quand les concurrents flanchent, ou d'écouter les medias commenter l'excellent début de saison de leur équipe comme une anomalie plutôt que quelque chose de spécial.
L'objectif en jeu (un top 4) est bien moindre, mais il existe bon nombre de similarités avec l'équipe de 2015-2016, championne d'Angleterre. Pour l'heure, il n'existe aucune raison de douter de la capacité des Foxes à rompre la supériorité d'un Big 6 soit disant intouchable aux premières places du classement, alors qu'ils s'apprêtent à se déplacer à Anfield ce samedi (16h), leur quatrième adversaire du Top 6 déjà cette saison. Bilan ? Une victoire contre Tottenham, un nul contre Chelsea malgré une nette domination en seconde période et une défaite à Old Trafford.
On aurait pu penser que le succès encore à peine crédible de Leicester en 2016 nous aurait appris à apprécier l'éphémère du football et à en lire les signes dès leur apparition. Tottenham ne parvient pas à relancer la machine après une saison qui les a vu atteindre la finale de la Ligue des champions, Arsenal a encore besoin de temps pour se reconstruire, Chelsea reste inconstant - ce qui est plutôt normal pour une équipe aussi jeune - et enfin Manchester United est en pleine crise.
Rien n'empêche alors de considérer Leicester, au vu de son excellent XI de départ et de ses qualités tactiques, comme le favori à la qualification en Ligue des champions, derrière Liverpool et Manchester City. L'apport le plus sous-estimé de Brendan Rodgers depuis son arrivée sur le banc des Foxes est la rapidité avec laquelle il est parvenu à donner une vision au club.
Leicester est l'une des rares équipes de Premier League dont le plan de bataille tactique est facile à définir. À une époque où les périodes de gestion sont courtes et où la menace constante de désunion est imminente, c'est un véritable exploit. Leicester presse haut, tacle plus que n'importe quelle autre équipe du championnat, et se projette en transitions rapides dans le dernier tiers du terrain, utilisant ses temps de possession pour rechercher la verticalité.
Getty/GoalEn ce sens, les Foxes ne diffèrent pas tant que cela de leur adversaire ce samedi à Anfield, le Liverpool de Jürgen Klopp. Chaque joueur a pour rôle de jouer si possible rapidement vers l'avant, avec l'objectif d'amener la balle dans la surface avant que l'adversaire n'ait pu se replacer défensivement.
Qu'il s'agisse de gagner le ballon haut sur le terrain et d'aller de l'avant dans une contre-attaque, ou de construire depuis l'arrière et chercher de longues passes verticales, le Leicester de Brendan Rodgers a une idéologie tactique cohérente.
Cela donne aux Foxes un sentiment d'urgence collective, un grand plan à mettre en œuvre et, ajouté au dévouement habituel de Rodgers au travail tactique sur le terrain d'entraînement, cela a créé un sentiment d'unité sur le terrain. Il n'en va pas de même pour les autres challengers pour le Top 4, en dehors de Manchester City et Liverpool.
Ce qui différencie toutefois Foxes et Reds, c'est l'utilisation de Tielemans et Maddison come "faux huit" dans le coeur de jeu, à l'image plutôt de ce que pouvait demander Guardiola à David Silva et Kevin de Bruyne lors de la saison 2017-2018. Les deux joueurs profitent des espaces entre les lignes adverses, profitant des passes verticales et rapides de leurs coéquipiers pour créer des brèches.
Rodgers a beaucoup appris en observant Guardiola. L'entraîneur de City tente en permanence de maximiser l'utilisation des espaces entres les latéraux et les centraux, qui offrent de très nombreuses options de passe. L'objectif est bien sûr de servir Jamy Vardy, toujours à même de réaliser de bons appels dans le dos des défenseurs.
Beaucoup pensaient que l'ancien international anglais n'était pas un joueur pour Brendan Rodgers. Une opinion déjà mise à mal, notamment par la capacité d'adaptation et la flexibilité du technicien irlandais.
Getty/GoalLe mariage des tactiques de Klopp et Guardiola donne à Leicester un style offensif particulier, avec la volonté de passer par l'axe et de mettre en place un contre-pressing. Que ce concept soit si facile à comprendre et si facile à voir en regardant jouer Leicester témoigne de la clarté de vision que Rodgers a donnée à ses joueurs.
Leicester ne domine pas la possession à la manière de Manchester City ; Maddison et Tielemans seraient incapables de jouer si haut sans un récupérateur de la qualité de Wilfried Ndidi derrière. Le Nigérian est peut-être l'un des joueurs les plus sous-côtés du Royaume, ses tacles et ses interceptions sont la base du système tactique de son équipe.
Mais ce n'est pas le seul joueur à échapper aux louanges. Avec Ben Chilwell et Ricardo Pereira, Leicester possède également deux des meilleurs latéraux du championnat, capables de créer des brèches dans le dernier tiers adverse comme de défendre en un contre un aux abords de leur surface.
La tactique offensive de Leicester rend inévitablement le terrain plus étroit, attirant l'adversaire vers l'intérieur également, et l'on ne saurait trop insister sur l'importance d'un défenseur pas avares en courses à la fois offensives et défensives. Ces deux joueurs peuvent permettre d'exploiter les espaces laissés sur les ailes, ou bien de tenter d'étirer au maximum le bloc adverse pour libérer des espaces dans l'axe.
Malgré tout, Leicester a quelques défauts qui pourraient les limiter cette saison.

Le premier se trouve en défense centrale, où Caglar Soyuncu, malgré le fait d'être devenu l'un des héros des supporters après plusieurs sauvetages héroïques, semble moins fort qu'Harry Maguire, parti à United. Le Turc ne possède pas (encore ?) le sens du placement de son prédecesseur et son association avec le plutôt lent Jonny Evans en fait l'une des charnières les moins sûres parmi les prétendants au Top 4.
La plus grosse faiblesse, cependant, est peut-être la confiance de Rodgers dans ses propres joueurs. En trois rencontres contre des équipes du Big 6, il a abandonné son système de jeu pour un 4-3-3 à plat plus conservateur, Maddison étant aligné sur un côté pour faire de la place à un deuxième récupérateur, Hamzah Choudhury.
Un joueur en difficulté quand il s'agit de jouer dans la verticalité, ce qui crée un milieu moins percutant. Ce qui a peut-être coûté des points aux Foxes contre Chelsea et Manchester United, deux matches qu'ils auraient pu remporter. La seule chose qui pourrait donc les retenir en 2019-2020 est un complexe d'infériorité.
