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Les témoins de l’Euro : Nuno Gomes (Euro 2000)

A l’approche de l’Euro 2020, notre rédaction vous propose une série de rencontres avec les joueurs ayant disputé ce tournoi par le passé. Des lauréats de la compétition, des acteurs majeurs ou simplement des protagonistes ayant des histoires intéressantes à raconter. Ce lundi c’est Nuno Gomes, l’une des révélations de l’édition 2000, qui est à l’honneur pour ce huitième épisode. Il se replonge environ deux décennies en arrière, avec fierté mais aussi quelques regrets.

Le Portugal est aujourd’hui champion d’Europe en titre et une nation qui compte sur l’échiquier mondial. Les Lusitaniens, emmenés notamment par leur génie Cristiano Ronaldo, n’ont plus raté la moindre édition d’un tournoi majeur depuis la Coupe du Monde 1998 en France. Mais, il y a vingt et un ans, le statut de cette sélection était tout autre. Dans les années 90, elle avait manqué tous les rendez-vous internationaux à l’exception de l’Euro anglais. Autant dire que c’était loin d’être un foudre de guerre, plutôt une nation en quête de faits d’armes et surtout désespérée à l’idée de briller sur la plus belle des scènes après l’avoir fait au niveau des jeunes avec la conquête du Mondial Juniors à deux reprises (en 1989 et 1991).

C’est dans ces circonstances-là que les Figo, Rui Costa et Joao Pinto se sont dirigés vers les Pays-Bas et la Belgique, conscients de l’énorme tâche qui leur incombait. L’équipe était mûre, avec beaucoup d’éléments expérimentés, mais il y avait aussi une poignée de joueurs qui étaient au début de leur carrière, à l’instar de Nuno Gomes. Agé de 23 ans à l’époque, cet avant-centre disputait sa première grande compétition avec la Seleçao. Même s’il n’était pas un inconnu en raison de ses performances avec le Boavista et le Benfica Lisbonne, cet attaquant brun aux cheveux longs n’était assurément pas celui qu’on attendait le plus à l’occasion de cet Euro.

L’Euro de l’éclosion pour Nuno Gomes

Nuno Gomes s’est donc envolé pour le tournoi sur la pointe des pieds, sans faire de bruit mais non sans ambition. Goal a eu le plaisir de le contacter et il nous a fait part de l’état d’esprit qui l’animait à cette époque. « Je traversais un très bon moment dans ma carrière, j’avais été transféré à Benfica en 1997 et j’avais fait trois saisons là-bas, toujours en tant que titulaire, avec des bonnes statistiques (76 buts en 124 matches, ndlr). J’attendais d’avoir ma chance en sélection nationale, de m’y affirmer ». Avec une douzaine de capes à son actif, il était encore loin d’être un cadre dans ce groupe : « Je n’étais pas titulaire, confirme-t-il. D’ailleurs, à l’époque, le Portugal était une équipe qui ne jouait pas souvent avec un vrai numéro neuf, mais avec des joueurs plus mobiles, plus rapides. Il n’y avait pas d’avant-centre qui était véritablement un titulaire indiscutable. Pauleta jouait pas mal, Joao Vieira Pinto jouait pas mal aussi et moi j’essayais aussi de m’affirmer et de gagner ma place ».

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La nouvelle étoile portugaise avait des ambitions, mais celles-ci allaient de pair avec celles de sa sélection. L’idée de cette équipe dirigée par l’ancien Humberto Coelho est d’effacer les échecs passés et montrer au monde que cette nation possédait aussi la qualité et le potentiel pour rivaliser avec les meilleurs. Nuno Gomes s’en souvient comme si c’était hier : « Après avoir raté la qualification au Mondial 1998 de très peu, l’Euro 2000 était une opportunité que de nombreux joueurs attendaient pour montrer à l’Europe et à la planète du football que le Portugal avait un noyau fort et de très belles individualités ». Et peu importe si le tirage leur a réservé un premier tour très relevé avec la présence de l’Allemagne, tenante du titre, l’Angleterre et la Roumanie, qui sortaient tous deux d’une Coupe du Monde prometteuse. « Nous savions que notre groupe était très difficile mais nous comptions tenter le maximum, lutter pour passer au tour suivant même si personne ne nous considérait parmi les favoris, raconte notre témoin. Beaucoup pensaient que l’Angleterre et l’Allemagne se qualifieraient facilement à la phase suivante. Mais nous, on avait confiance en notre équipe, nous avions de bons joueurs, une bonne équipe, et nous avons été à la guerre. »

L’Angleterre, le match qui a tout changé

La Seleçao n’a pas eu le temps de cogiter, car invitée à entrer dans le vif du sujet d’emblée avec un affrontement contre l’Angleterre des Beckham, Owen et compagnie. Une belle façon de se mettre dans le bain tout de suite, y compris par Nuno Gomes, qui à la faveur d’un concours de circonstances s’est retrouvé propulsé dans le onze de départ alors qu’il n’avait jusqu’ici connu que deux titularisations avec son pays. « J’ai été un peu surpris c’est vrai parce que Sa Pinto s’est blessé et j’ai su un ou deux jours avant le match qu’il n’aurait pas le temps de récupérer et être prêt pour le match. L’entraîneur m’a parlé, je savais que c’était une opportunité et que je voulais la saisir, l’agripper même bec et ongles. A l’époque, il était difficile pour un jeune d’avoir une telle opportunité. Mais moi, malgré mon âge, j’étais très motivé et j’avais très envie de montrer ce que je savais faire et d’aider la sélection nationale ».


Et c’est bien ce qu’il a fait. Les deux équipes se sont livrées un très beau bras de fer, longtemps indécis, avec un scénario rocambolesque et qui a basculé finalement côté portugais grâce à une réalisation de l’invité surprise. A la 59e minute de jeu, et alors que son équipe venait de remonter deux buts aux Three Lions, le Benfiquiste plantait le but vainqueur après un enchainement contrôle-tir dans la surface et en pleine course. Une action qu’il garde encore parfaitement en mémoire : « C’est sans aucun doute l’un des meilleurs moments de ma carrière. Aussi parce que ce but c’est mon premier avec la sélection A. Et donc ça ne s’oublie jamais, souligne-t-il. Ça a été un très beau moment pour moi, pour ma carrière et un moment fantastique pour l’histoire du football portugais. Et je pense que les personnes qui ont regardé ce match s’en souviennent encore comme l’un des meilleurs qu’ils ont vus, parce que ça a été fantastique. Le Portugal a réussi une remontada historique et étant l’auteur du troisième but, celui de la victoire, cela a une signification particulière c’est évident. Une saveur très spéciale ». Dans la longue carrière internationale de Nuno Gomes, 28 pions ont suivi avec son pays, mais le premier est donc resté comme le plus mémorable.

Quand la Seleçao renoue avec l’ambition

Après cette entame de rêve, il fallait cependant confirmer. Aussi bien pour le nouveau héros portugais que pour son équipe. Cela dit, avec une victoire aussi jouissive et convaincante, posant les bases d’une belle épopée, la machine ne pouvait qu’être lancée. « Ça nous a donné de la confiance, acquiesce Gomes. C’était un match dans lequel nous aurions pu sortir abattus parce que nous perdions 2-0 au bout de 20 minutes mais notre sélection a eu la concentration nécessaire pour faire basculer les choses. En fait, on ne l’a jamais perdue. Nous avons continué à jouer de la façon dont nous avions prévu, nous avons réussi en première période à égaliser et à gagner en seconde. Je pense qu’être parvenus à maintenir la concentration tout au long de la partie et ne pas perdre pied nous ont permis de changer le cours des évènements ».

La victoire contre les Anglais a été suivie par une autre contre la Roumanie (1-0). Un but de Costinha, l’ancien monégasque, marqué dans les arrêts du jeu de la partie a permis aux protégés de Coelho d’assurer leur place en quarts de finale. S’en est suivi un autre succès de prestige contre l’Allemagne, ou plutôt une démonstration de force et avec un onze pourtant largement remanié. Lancé comme titulaire, Sergio Conceiçao a fait plier la Mannschaft avec un improbable triplé. A l’issue de ce carton plein, les Lusitaniens ne pouvaient définitivement plus se cacher. Ils faisaient partie des favoris pour le sacre final.

Ce changement soudain de statut aurait pu déstabiliser Figo et consorts. Cependant, ces derniers avaient retenu les leçons du précédent Euro. En 1996, le premier tour avait également été parfaitement négocié de leur part, avec au passage une promenade contre la Croatie, mais l’entame de la phase à élimination directe avait sonné le glas de leurs illusions avec un revers contre la République Tchèque de Karel Poborsky. Cette fois, ils étaient prévenus. Hors de question de se voir arrivés, ni de se projeter trop loin dans l’épreuve. Nuno Gomes : « Nous ne sommes pas enflammés après le premier tour. Nous avons passé la phase de groupes avec trois victoires c’est vrai, et à partir de là, chaque match était une finale. C’était notre approche ».

Un bilan sans ratures jusqu’à la deuxième mi-temps de la demie

En quarts de finale, c’est la Turquie qui se dresse sur leur chemin. Ils l’écartent sans trop de peine (2-0) et Nuno Gomes s’y illustre en inscrivant deux buts sur des passes de Luis Figo. Vient ensuite la France, championne du monde en titre, et le même scénario semble se dessiner quand l’avant-centre portugais ouvre le score à la 19e minute de jeu. On se met alors à croire en une première finale internationale pour cette sélection. Inconsciemment, les joueurs aussi pensent avoir fait le plus dur face aux Tricolores. « Peut-être qu’à la mi-temps, et vu qu’on gagnait, on s’est déjà vus en finale, confesse notre témoin. Penser à la finale, ça arrive toujours. »

Cette fois, les Portugais se sont déconcentrés, mais Nuno Gomes jure qu’à aucun moment lui et ses partenaires n’ont sous-estimé les Bleus. « Nous savions que nous étions face à un très fort adversaire qui pouvait égaliser à n’importe quel moment, ce qui est arrivé, parce que la France avait vraiment une équipe très forte dans tous les secteurs. Le gardien, les défenseurs, les milieux, les attaquants… Ils avaient des joueurs fantastiques. Nous n’avons pas réussi en seconde période à stopper leurs offensives, ils ont égalisé, nous avons eu des opportunités pour marquer un second but, mais nous les avons manquées. Nous avons fini par perdre, le football est comme ça ».

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Une fin cruelle, source d’immenses regrets

C’est Thierry Henry qui a égalisé pour les futurs lauréats de l’épreuve, avant que la rencontre ne bascule sur une main contestable d’Abel Xavier dans la surface. Malgré les protestations véhémentes des Portugais, l’arbitre autrichien Gunter Benko a indiqué le point de pénalty et Zinédine Zidane s’est chargé de transformer la sentence. Perdre sur ce tournant, lequel est survenu à la 117e minute qui plus est, a été un vrai crève-cœur pour la Seleçao : « Oui, car c’est l’action qui nous privait de la finale et cela nous a fait très mal. C’était malheureux. Peut-être qu’à ce moment-là, nous n’avons pas réalisé, nous pensions qu’il n’y avait pas main. Mais après en voyant les images à l’hôtel nous avons vu que le ballon avait bien touché la main d’Abel. Nous ne savions pas si le ballon serait rentré dans le but sans cette main. Sur le coup, il y avait un grand sentiment de frustration et c’est un sentiment qui nous a longtemps accompagnés parce que nous n’avons pas réussi à atteindre la finale. En tous cas, pour moi, c’est le cas ».

Il y a eu de l’amertume donc et elle ne s’est pas estompée au fil des années, même si au bout du compte c’est le sentiment de fierté et la satisfaction d’avoir accompli un grand parcours qui a supplanté le reste. « Cela a quand même été un grand Euro pour nous, mais cela a été une déception de ne pas avoir réussi à atteindre la finale, parce qu’à un certain moment, on s’imaginait vraiment y être », a ajouté NG.

Le goût amer de l’inachevé

La finale, les Portugais l’ont finalement atteint quatre ans plus tard à domicile, mais en échouant sur la dernière marche qu’était la Grèce. Là aussi, Nuno Gomes était de la partie, de même qu’en 2006 quand la bande à Scolari a accédé au dernier carré du tournoi planétaire. Au final, cette génération est restée sans le moindre trophée conquis. Inévitablement, cela a suscité des regrets. « Pour moi, c’est un regret oui car cette équipe aurait dû gagner un titre. Parce que c’était une génération très riche avec de grands joueurs et qui auraient mérité de remporter quelque chose d’important pour le Portugal, lâche avec recul l’ancien attaquant. Nous avons réussi à aller en demi-finale en 2000, en finale en 2004, un petit peu plus tard en demi-finale de la Coupe du monde 2006. On méritait de gagner au moins un Euro ou une Coupe du monde. Mais le football est ainsi fait ».

Le palmarès est resté vierge, mais subsiste le souvenir d’un groupe de joueurs qui a donné beaucoup d’émotions et des raisons de jubiler à ses compatriotes. Et pour Nuno Gomes, ce n’est pas rien : « Je pense que cette génération sera remémorée pendant longtemps parce qu’elle avait un très beau football, de très bons joueurs, mais ce sont les titres qui laissent une marque. Le football n’est pas une science exacte. Cette équipe jouait un plus beau football que celle qui a gagné l’Euro 2016, mais cette génération n’a rien gagné tandis que l’autre a réussi à être championne d’Europe. Il faut aussi avoir la chance de son côté, une série de facteurs favorable, et même si nous avons eu une génération fantastique, pour une raison ou une autre, nous n’avons pas réussi à gagner un titre. »

N’y-a-t-il pas au bout du compte une pointe de jalousie envers ceux qui sont montés sur le toit de l’Europe en 2016 en France ? Avec la franchise qui le caractérise, le 16e joueur le plus capé de la Seleçao admet que « oui, bien sûr ».« Mais, c’est le football, enchérit-il. Parfois dans un match, une équipe joue mieux et c’est l’autre qui gagne. Le football est ainsi. Nous ne pouvons pas enlever le mérite à la sélection de 2016 parce qu’ils ont fait une campagne fantastique avec d’excellents joueurs. Mais pour moi, notre génération représentait un football plus beau, plus offensif, mais que voulez-vous, il arrive parfois dans ce jeu que des choses qu’on ne peut pas expliquer ».

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